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Le marche de la sécurité privée tente de se professionnaliser

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Manque de formation, rétrécissement du marché, hausses répétées des coûts salariaux et difficulté de recruter... La sécurité privée est en crise. Toutefois, le secteur se structure peu à peu et les pratiques évoluent.

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Depuis sept ans, Technigarde assure la sécurité de l'établissement parisien de la Royal Bank of Scotland. Ce prestataire forme régulièrement ses agents à de nouvelles techniques, comme la désincarcération dans les ascenseurs ou l'utilisation d'un défibrillateur automatique, ce qui lui a permis notamment de remporter l'appel d'offres de la banque. «Nous avons besoin de travailler avec du personnel ayant des connaissances en vidéosurveillance, secourisme et sécurité incendie. Les agents doivent également savoir se servir des logiciels Word ou Excel pour être capables d'établir notamment des rapports», indique Carole Melville, responsable des services aux clients internes à la Royal Bank of Scotland de Paris.

Les agents de sécurité privée sont désormais formés aux nouvelles technologies, notamment la vidéosurveillance.

@ SECURITAS

Les agents de sécurité privée sont désormais formés aux nouvelles technologies, notamment la vidéosurveillance.

En attente de l'arrêté ministériel

S'il n'est pas une exception, l'exemple de Technigarde reste encore marginal. Le secteur de la sécurité privée souffre toujours d'un manque de professionnalisation. Depuis la loi «Sarkozy» du 18 mars 2003 (et ses décrets d'application) modifiant la loi fondatrice de la sécurité privée (loi n° 83-629 du 12 juillet 1983), les salariés entrant dans son champ d'application doivent justifier d'une «aptitude professionnelle préalable» avant d'exercer, c'est-à-dire qu'ils doivent être titulaires soit d'une certification professionnelle enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles (CAP de l'Education nationale, agent de prévention et de sûreté du ministère du Travail, autres titres privés...), soit d'un titre reconnu par un Etat membre de l'Union européenne, ou enfin d'un certificat de qualification professionnelle (CQP) élaboré par la branche professionnelle de l'activité concernée, agréé par arrêté du ministre de l'Intérieur.

En mai 2006, la branche professionnelle de l'activité prévention et sécurité a en effet élaboré un Certificat de qualification professionnelle d'Agent de prévention sécurité. Ce «CQP APS» de la branche (des Commissions paritaires nationales de l'emploi et de la formation professionnelle - CPNEFP) a été reconnu par décret comme «aptitude professionnelle préalable» en août 2007, mais attend encore d'être agréé par arrêté du ministère de l'Intérieur. «L'obtention du CQP APS n'étant pas obligatoire tant que l'arrêté n'est pas passé, des prestataires peu scrupuleux pourraient profiter de la situation pour ne pas former leur personnel», redoute Jean-Luc Lattuca, président du SNES et du groupe Vigimark.

50 000 agents doivent être formés

Ce CQP APS de branche impose une formation minimale de 70 heures aux salariés disposant d'une première expérience et aux nouveaux entrants dans la profession. En sont exemptés les agents pouvant justifier, entre le 10 septembre 2004 et le 9 septembre 2008 inclus de 1 607 heures d'activité pendant une période de dix-huit mois glissants. Les centres de formation délivrant le CQP APS doivent impérativement être agréés par la branche (CPNEFP), qui en a reconnu aujourd'hui environ 150. Ces derniers ont déjà délivré plus de 3 500 CQP. L'un des principaux prestataires de sécurité privée, Securitas, a ouvert en septembre 2007 un centre de formation pour la région Paris-Ile-de-France à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Celui-ci est constitué de cinq salles de cours, d'une aire de feu, d'un PC de sécurité et d'une salle de repos. Quatre formateurs y sont employés. Depuis son ouverture, 1500 stagiaires y ont été formés. Au total, Securitas compte dix établissements de ce type en France, dont celui de Toulouse inauguré en mai dernier.

Selon une enquête parue en 2008 et réalisée par l'Union des entreprises de sécurité privée (USP) et le Syndicat national des entreprises de sécurité (SNES), 50% des 5000 sociétés de sécurité privée françaises appliquent partiellement le CQP, 25% d'entre elles attendent une simplification du dispositif pour l'appliquer, 12,5%vont l'instaurer mais n'en ont pas encore eu le temps. Les 12,5% restants ne comptent pas l'appliquer car il est trop compliqué à mettre en place. «La formation constitue un atout majeur qui permet à la fois d'attirer, de fidéliser et défaire évoluer les salariés. Ceci dans un contexte où les difficultés de recrutement s'intensifient tandis que les besoins s'accentuent: le secteur de la sécurité privée devrait recruter plus de 100 000 agents d'ici 2010», précise Claude Tarlet, président de l'USP et de la société SOS Sécurité. Jean-Luc Lattuca, président du SNES et du groupe Vigimark, souligne également que ces exigences de formation vont représenter un coût supplémentaire. «Le coût du CQP est évalué à 1 000 euros HT par salarié. Parmi les 150 000 agents que compte la profession, un tiers doivent être formés.»

Carole Melville, Royal Bank of Scotland

«Nous avons besoin de travailler avec des agents de sécurité ayant des connaissances en vidéosurveillance, secourisme et sécurité incendie.»

Un secteur mal en point

Le manque de formation du personnel n'est pas le seul problème que connaisse la sécurité privée. Dans le cadre de l'enquête du SNES et de l'USP, les prestataires interrogés parlent également d'un secteur sinistré: 44% d'entre eux pensent qu'il évolue mal d'un point de vue économique. Une tendance confirmée par les deux organisations patronales qui considèrent que le marché traverse une crise économique. A l'origine de cette situation, quatre facteurs principaux: le manque de formation, le rétrécissement du marché qui compte en moyenne mille dépôts de bilan par an, les hausses répétées des coûts salariaux (+ 40% en 7 ans), une représentation syndicale patronale qui a du mal à faire entendre sa voix auprès des pouvoirs publics et des donneurs d'ordres. Pour tenter d'enrayer cette situation, l'USP a publié en septembre 2007 un Guide des bonnes pratiques de la sécurité privée. Celui-ci se décline en trois chapitres: engagements de l'USP et de ses adhérents vis-à-vis des salariés de la branche; responsabilités des donneurs d'ordres et recommandations de l'USP; engagements et souhaits de l'USP pour un marché ouvert et une concurrence plus juste. L'USP souhaite notamment s'engager dans la limitation du recours à la sous-traitance de prestations de sécurité statique et mobile. De son côté, le SNES a mis en place en 2007 un label qui garantit aux donneurs d'ordres l'engagement par l'entreprise de sécurité privée à suivre et respecter un ensemble de bonnes pratiques professionnelles, sociales, réglementaires (contre les pratiques illégales de travail dissimulé, etc.) mais également qualitatives.

Pour relancer la croissance du secteur de la sécurité privée, le SNES et l'USP ont également décidé d'unir leurs forces et de mener une action collective. Les deux présidents des deux organisations patronales ont, en effet, signé en mars dernier, une déclaration commune. Celle-ci instaure un programme précis qui associe groupes de travail transversaux (CQP et «carte professionnelle», élaboration d'un code de déontologie professionnel commun, création d'un organisme indépendant d'observation de la profession...) et manifestations conjointes.

Faire évoluer les pratiques

Dans le prolongement de ce rapprochement, le SNES et l'USP souhaitent impliquer les donneurs d'ordres et les pouvoirs publics en leur proposant de participer aux travaux menés par ces groupes de travail. Afin de sceller ce pacte multipartite et d'ouvrir le dialogue, le SNES et l'USP ont organisé, en avril dernier, une Convention nationale de la sécurité privée.

Le thème de «la construction d'un cercle vertueux du processus achat d'une prestation de sécurité» a notamment été abordé lors de cette Convention nationale. Pour Olivier Payen, président exécutif de Sécurifrance, un nombre trop important de donneurs d'ordres confient aujourd'hui leur sécurité à des prestataires dont ils ne connaissent pas les problématiques, en positionnant le prix comme principal critère de choix. Un constat partagé par Claude Tarlet (USP): «Les différents acteurs (donneurs d'ordres, autorités publiques, organisations représentatives et prestataires) doivent faire évoluer les pratiques afin que la proximité, la qualité et les compétences soient les premiers critères de choix.»

Pour Jean-Luc Lattuca (SNES), la sécurité ne doit plus être considérée comme un coût nécessaire, mais bien comme une réelle valeur ajoutée intégrée à une stratégie globale d'entreprise. Pour y parvenir, les deux organisations patronales préconisent un certain nombre d'actions, parmi lesquelles une meilleure définition des missions des agents, un renforcement de l'encadrement, la poursuite de la formation et de la professionnalisation du personnel. Ils appellent également de leurs voeux une meilleure définition des besoins de la part des donneurs d'ordres, la mise en place d'une garantie financière pour assurer la fiabilité des prestataires et assainir le marché. La définition de critères objectifs permettant l'évaluation de la qualité des prestations et l'élaboration de cahiers des charges plus précis, établis en obligation de résultats et non de moyens, fait également partie des principales attentes de la profession. Autant d'actions visant à sortir le secteur de la sécurité privée de la crise et à lui forger un nouveau visage.

zoom

Les 12 questions à se poser avant d'acheter une prestation de sécurité privée


1 Le prestataire de sécurité privée a-t-il un numéro de déclaration à la préfecture du département (loi 83-629 du 12 juillet 1983)?
2 Le personnel affecté sur le site est-il déclaré, rémunéré selon la convention collective et les accords paritaires résultant de la nouvelle «plateforme» sociale de la sécurité privée d'octobre 2000? L'entreprise prestataire paie-t-elle ses charges sociales et fiscales?
3 Quel type de qualification m'est proposé?
4 Le personnel affecté sur le site est-il formé au métier de la sécurité?
5 Qui va former le personnel affecté sur le site à la spécificité du poste de travail?
6 Que se passe-t-il si l'agent affecté sur le site est absent?
7 Le personnel affecté sur le site est-il contrôlé et comment?
8 L'entreprise prestataire a t-elle une permanence 24h/24 et 365 jours par an? Si oui, quel est son numéro de téléphone?
9 Quel type de contrat me propose-t-on?
10 Le prestataire dispose-t-il d'une assurance responsabilité civile?
11 L'entreprise prestataire, dans le cadre de son contrat, s'engage-t-elle à rédiger et actualiser des consignes d'applications?
12 Le prestataire sous-traite-t-il I ta et dans quelles proportions?

Bruce Subervielle, acheteur pilote gardiennage des locaux et des rames, SNCF

Bruce Subervielle, acheteur pilote gardiennage des locaux et des rames, SNCF

Témoignage

«Le certificat de qualification professionnelle n'est pas encore un critère exigible»
A ce jour, le certificat de qualification professionnelle ne fait pas partie des critères demandés par la SNCF aux prestataires de sécurité privée qui gèrent ses différents sites. «Tant que l'arrêté du ministère de l'Intérieur validant le Certificat de qualification professionnelle comme aptitude professionnelle n'est pas paru, nous ne pouvons exiger des entreprises avec lesquelles nous travaillons que leurs personnels soient formés selon ces exigences», confirme Bruce Subervielle, acheteur pilote Gardiennage des locaux et des rames de la SNCF. L'entreprise publique demande toutefois à ses nombreux prestataires de lui transmettre les autorisations préfectorales nécessaires pour l'exercice de certains métiers de la sécurité (maîtres chiens, agents de sûreté en ronde ou posté, agents de sécurité incendie, agents travaillant dans des centres de gestion d'appel et de vidéosurveillance...). D'autres critères figurent dans la grille mise en place par la SNCF pour évaluer, lors des appels d'offres, les entreprises de sécurité privée. Celles-ci doivent notamment transmettre les documents attestant de leur capacité financière à assumer tel ou tel marché, et notamment une capacité d'autofinancement. Elles doivent également communiquer le taux d'absentéisme de leur personnel et le nombre d'accidents de travail. «Mais la teneur des formations éventuellement dispensées est considérée comme une donnée complémentaire importante», précise néanmoins Bruce Subervielle.


SNCF
ACTIVITE
Transport ferroviaire
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007 (GROUPE)
23,7 milliards d'euros
EFFECTIF GLOBAL (GROUPE)
200 000 salariés
VOLUME D'ACHATS
12 milliards d'euros
EFFECTIF ACHATS
707 personnes

 
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Nathalie Costa

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