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La traduction en voie de rationalisation

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La mondialisation des échanges et de la communication décuple les dépenses en matière de traduction dans les entreprises. Une prestation complexe sur un marché fournisseurs atomisé que les acheteurs commencent à appréhender.

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Jeff Guillem, Lion Bridge

Les contrats- cadres de deux à trois ans comportent désormais une clause d'amélioration du coût annuel de traduction.»

Pour donner à son nouveau produit toutes les chances de cartonner en Inde, l'un des géants mondiaux de la téléphonie a choisi de cibler au plus près les consommateurs dans leur langue. Ses messages publicitaires et les notices des appareils ont ainsi été traduits dans 15 dialectes, qui figurent parmi les principaux utilisés dans les grandes régions du sous- continent, «lia quelques années encore, les entreprises lançant des produits en Inde se seraient contentées de l anglais», remarque Jeff Guillem, country manager chez Lion Bridge, l'une des leaders mondiaux dans le domaine de la traduction. Avec la mondialisation des échanges et le boom de la communication, les dépenses de traduction grimpent en flèche. Chez Total, par exemple, les grands contrats internationaux sont traduits en général dans une douzaine de langues au minimum! Face à une telle croissance, les achats investissent progressivement ces budgets, mais ils sont encore en phase de découverte. Les quelques exemples récents d'accords-cadres sont encore minoritaires alors que la multitude de services prescripteurs (finances, communication, marketing) gèrent encore leur propre budget de traduction avec leur prestataire habituel.

Pour caractériser le marché de la traduction et son développement, les acteurs identifient deux types de besoins. Le premier est interne à l'entreprise: communication aux salariés, échanges entre les différentes business units, débriefings deréunions...

«Dans ce cas, Vobjectif est souvent de réduire les barrières de la langue, la traduction consistant à dégrossir le message ou à le rendre bien compréhensible par tous», explique Pierre Bernassau, directeur marketing de Systran, un éditeur de logiciel de traduction automatique. En général, un logiciel de traduction interne, sous forme de moteur automatique en libre service, est alors implémenté dans les intranets. C'est notamment le cas chez les constructeurs automobiles. Le second besoin est la publication multilingue vers l'externe. Les exemples sont très nombreux: revues techniques de produits, catalogues, sites web ou encore publications financières.

S'ils sont sollicités, les achats doivent d'abord composer avec un marché fournisseurs complètement atomisé. «Il est difficile d'évaluer le nombre d'entreprises de traduction car notre métier est complètement désorganisé, reconnaît Patrick Bernardin, dirigeant d'Atlantique Traduction et membre du comité directeur de la Chambre nationale des entreprises de traduction (Cnet), qui tente de structurer le marché et d'offrir de la visibilité aux donneurs d'ordres. 77 existe une multitude de traducteurs indépendants et il est très difficile de les répertorier.» Néanmoins, la Cnet estime à environ 450 en France le nombre d'entreprises de traduction. Celles-ci ayant en moyenne trois salariés.

Des entreprises fidèles à leur prestataire

Cette atomisation a deux conséquences. Vu les difficultés à appréhender le marché fournisseurs, les entreprises restent généralement fidèles à leur prestataire. «Seuls deux événements peuvent inciter à changer de traducteur en France, constate Jeff Guillem (Lion Bridge). Un écart significatif dans les prix entre deux acteurs ou une mauvaise qualité de la traduction.» Seconde conséquence: si un donneur d'ordres lance un marché sous forme de contrat-cadre, ce dernier est très disputé. «Avec la crise, la demande se structure au niveau des groupes, les entreprises souhaitent rationaliser leur budget et le nombre d'interventions du prestataire, note Patrick Bernardin (Atlantique Traduction). Quand les achats sont dans la boucle, ils n'hésitent pas à nous mettre en concurrence.» Dernièrement, le dirigeant a vu jusqu'à 15 réponses à un appel d'offres. Les prix sont donc tirés vers le bas, au grand dam des prestataires. «la prépondérance du critère prix ne doit pas escamoter la qualité, martèle-t-il. Un document commercial mal traduit peut avoir des conséquences désastreuses pour l'entreprise.» Selon les estimations de la Cnet, la fourchette de prix pour un document de qualité se situe entre 12 et 16 centimes d'euros le mot traduit, et jusqu'à 25 centimes pour une langue rare. Cette prestation comprend la traduction elle-même, la relecture par un second traducteur, la mise en page du document ainsi que la validation par un chef de projet, qui vérifie l'adéquation du document avec la culture de l'entreprise et le public visé.

Patrick Bernardin, Cnet

Un document mal traduit peut avoir des conséquences désastreuses pour l'entreprise.»

La méthode Ikea

Face à la rationalisation de la demande, les prestataires s'organisent pour alléger la facture. Leur parade? Travailler sur des solutions informatiques ou des logiciels type Systran, afin d'automatiser la répétitivité des mots et optimiser le travail du traducteur «humain». «Pour un client récurrent, explique Patrick Bernardin, les phrases ou bouts de phrases identiques dans tous ses documents sont identifiés, traduits automatiquement et non facturés. Ainsi, les phrases contenant au moins 90% de la structure et des mots mémorisés dans le logiciel sont traduites sans intervention humaine.» Une solution qui va dans le sens d'une plus grande maîtrise des budgets. «De toute façon, tous les contrats-cadres de deux à trois ans comportent désormais une clause d'amélioration du coût annuel», remarque Jeff Guillem (Lion Bridge).

L'objectif d'alléger la facture en gardant une certaine qualité est donc clairement affiché. Avec quelques idées qui détonnent. Pour réduire ses coûts de traduction, Ikea, présent dans 24 pays représentant près d'une vingtaine de langues, a ainsi trouvé une méthode toute simple. Les notices accompagnant les produits du géant suédois sont composées à 80% d'instructions sous forme d'images, compréhensibles dans le monde entier. Les 20% qui restent, sous forme de texte, sont principalement composées de consignes de sécurité. Difficile de faire moins.

Bonnes pratiques. Les points-clés à maîtriser pour une prestation de traduction

- Un traducteur professionnel travaille «vers» sa langue maternelle («langue cible»).
- Vérifier que le document «source» est pertinent et ne contient pas de redondances, la facturation s'effectuant au mot.
- Plus le texte est technique, plus il est important que les traducteurs maîtrisent leur sujet.
- Demander le nombre de relectures effectuées et s'assurer que le document passe, in fine, entre les mains d'un lecteur dont c'est la langue maternelle.
- Demander une assurance en responsabilité civile contre les risques de traduction.
- Présenter au traducteur la philosophie et les valeurs de votre entreprise ainsi que la finalité du document à traduire (clientèle grand public, techniciens...), afin qu'il puisse concevoir la traduction qui aura le meilleur impact.
- Eviter de diffuser en externe une traduction «brute» issue d'un logiciel.
- S'assurer contractuellement de la confidentialité des données.
- Faire figurer le nom du traducteur sur le document final peut l'encourager à fournir un travail

 
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Florent Maillet

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