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La carte d'achat sur la bonne voie

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A défaut d'une promotion suffisante de la part des établissements financiers, la carte d'achat, lancée dans les années quatre-vingt-dix par les banques américaines et britanniques, n'a pas immédiatement convaincu les entreprises françaises. Mais les gains sur les coûts de traitement des commandes ne laissent plus les acheteurs insensibles.

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Le marché français de la carte d'achat «prend progressivement son élan», assure Solange Ligeret, secrétaire générale de l'Apeca, l'association des professionnels européens de la carte d'achat. Tous secteurs confondus, il est actuellement évalué à environ 320 millions d'euros. Pourtant, comparé aux plus de 16 milliards de dollars de volume d'affaires américains et aux 2 milliards d'euros du marché britannique, la France est indéniablement en retard. Ou dispose d'une belle marge de progression. Pour Solange Ligeret, cet écart s'explique en partie par «le manque de promotion de ce moyen de paiement de la part des banques. Par conséquent, les fonctionnalités de la carte d'achat n'ont pas été bien comprises par les entreprises». Fait peu commun, ces dernières ont d'ailleurs été devancées par le secteur public sur ce dossier.

Le succès des expériences pilotes menées au début des années 2000 par le ministère de l'Economie explique en partie le développement de la carte d'achat dans la sphère publique. «Les quelques banques françaises proposant des programmes de carte d'achat se sont essentiellement intéressées au secteur public, estime pour sa part François de Yrigoyen, directeur France et Belgique de la carte d'achat American Express. Cet engouement s'explique aussi par le fait que les entités publiques bénéficient de moins d'outils de type ERP, plateformes e-procurement et e-business que leurs consoeurs du privé. La carte d'achat est ainsi devenue un outil incontournable en vue de rationaliser et de réaliser des économies sur les processus de commande et de facturation.» François de Yrigoyen tient toutefois à nuancer cette impression d'un secteur privé dépassé: «Les programmes actuellement en place au sein des entreprises privées pèsent beaucoup plus lourd que ceux du public. Le privé représentera plus de 90% de notre chiffre d'affaires en 2007.»

Plus qu'un simple moyen de paiement, la carte d'achat est un outil de gestion et d'optimisation du processus de traitement administratif des commandes (lire notre tableau ci-dessous). Aux dires de Solange Ligeret, «elle concerne principalement les achats hors production fréquents et répétitifs n'entrant pas dans la chaîne d'appro visionnement de l'entreprise, et qui génèrent un nombre élevé de factures dont le coût de gestion, entre 50 et 110 euros, est souvent supérieur à leur montant». Ainsi, les fournitures de bureau représentent une famille d'achat tout indiquée pour ce type de process. La carte d'achats peut également être utilisée pour d'autres types de dépenses (produits d'entretien, petit matériel informatique, etc.). Pour les spécialistes, les achats de faible montant comme les fournitures de bureau représenteraient moins de 5% de la valeur du montant global des achats pour 20% des transactions. Grâce à la carte, les gains sur les coûts de traitement de ces commandes peuvent atteindre 50%, voire plus. Ces économies potentielles intéressent logiquement de plus en plus les directions achats.

Mais les gains ne sont pas seulement financiers. La carte permet éga lement de désengorger les services achats. «Grâce à elle, l'approvisionnement est délégué, explique Solange Ligeret. Les utilisateurs internes passent directement commande en ligne auprès des fournisseurs préalable ment référencés.» Le service achats est ainsi libéré de ces commandes non stratégiques, récurrentes et de faible montant. Il lui suffit d'identifier les collaborateurs les plus susceptibles d'acheter tels ou tels produits ou prestations et de leur confier une carte d'achat individuelle. Celle-ci est nominative, le montant des dépenses par mois et par commande est plafonné.

Cet outil de paiement permet également de réduire le volume de facturation.

«L'intérêt pour le client est de recevoir une facture globale mensuelle intégrable dans son système d'information», assure François de Yrigoyen. «Elle facilite aussi les processus de contrôle a priori, avec un reporting et des outils d'analyse adaptés, complète Solange Ligeret. Mais surtout, au-delà de la dématérialisation de la commande et des flux d'information, elle permet d'aller jusqu'au bout de l'optimisation du processus d'achat avec la dématérialisation fiscale de toute la facture.»

STEPHANIE PACAUD, responsable du programme carte d'achat, EADS Astrium

STEPHANIE PACAUD, responsable du programme carte d'achat, EADS Astrium

Témoignage

«Nous avons diminué nos coûts administratifs de 35%»


EADS Astrium a constaté une baisse de 35% des coûts administratifs pour ses commandes effectuées par le biais des cartes d'achat (75% en achats directs). «Le processus de passation de commande en interne a été réduit, confie Stéphanie Pacaud, responsable du programme carte d'achat de la filiale d'EADS dédiée aux systèmes spatiaux civils et militaires. Le service achats n'intervient pas et il n'y a plus de validation de la part de la hiérarchie et du contrôleur budgétaire.» Ces achats, qui concernent les produits à faible valeur ajoutée sans risque commercial, ne peuvent dépasser 2000 euros HT par transaction, dans la limite de 7500 euros HT par mois. Concrètement, les titulaires des 52 cartes (ingénieurs, responsables techniques, secrétaires qui centralisent les demandes) envoient leurs demandes de devis aux fournisseurs, lesquels répondent dans des délais courts. Une commande est passée en quelques heures et le délai de règlement ne dépasse pas cinq jours à partir de rémission de la facture. «Le paiement par carte d'achat repose sur la délégation de commande et de confiance», résume Stéphanie Pacaud. Mais la filiale d'EADS ne cache pas avoir rencontré quel ques difficultés lors du lancement du programme en 2001 . «Il fallait convaincre que le transfert du suivi de la commande vers le demandeur interne était sans risque et que les abus des titulaires seraient évités», rappelle Stéphanie Pacaud. Cela semble chose faite puisque plus de cartes seront mises à disposition avec «une volonté de délégation de plus en plus forte». Enfin, les fournisseurs ont obtenu satisfaction puisque les frais bancaires supplémentaires les affectant ont été compensés par des engagements sur les volumes.


EADS Astrium


ACTIVITE: Filiale d'EADS dédiée aux systèmes spatiaux civils et militaires.
CHIFFRE D'AFFAIRES: 3,2 milliards d'euros (2006).
EFFECTIF: 12 000 collaborateurs.

Solange Ligeret, Apeca

«Les fonctionnalités de la carte d'achat n'ont pas été bien comprises par les entreprises.»

Des factures réglées en quatre ou cinq jours

Mais la carte d'achat n'a d'intérêt que si les fournisseurs acceptent ce type de transactions. A la différence des cartes pétrolières ou logées, elle n'est pas restreinte à une seule enseigne. L'entreprise qui souhaite s'équiper doit donc convaincre tous ses prestataires des avantages liés à son utilisation. «La carte d'achat est un enjeu fort pour les fournisseurs. En effet, une fois installée, la solution est opérationnelle quelle que soit la banque qui émet la carte. Cette dernière rationalise et permet la réduction des coûts fixes de gestion liés à leur processus de facturation», indique François de Yrigoyen. Autre avantage, et non des moindres, pour les fournisseurs, la carte d'achat accélère le règlement des factures grâce à un paiement en quatre ou cinq jours, induisant un gain de trésorerie, la garantie de paiement par la banque, ou encore une réconciliation bancaire facilitée. L'intérêt est donc mutuel.

Pour s'équiper, les deux parties doivent faire appel à leur établissement financier. «Intermédiaire technique et financier, celui-ci émet et gère les cartes pour le compte des acheteurs. Il développe aussi son réseau d'acceptation pour accroître le nombre de fournisseurs équipés pouvant recevoir la carte», précise Solange Ligeret. American Express détient aujourd'hui 90% du marché, faisant presque oublier que la Société Générale et BNP Paribas proposent une offre similaire.

François de Yrigoyen, American Express

«L'intérêt pour le client est de recevoir une facture globale mensuelle intégrable dans son système d'information.»

Trouver des sponsors en interne

Reste désormais à convaincre les entreprises. Après les grands comptes, les établissements financiers souhaitent à présent sensibiliser les PME. Les retours d'expérience se font de plus en plus nombreux et permettent aux futurs adhérents de réussir un tel projet. La première règle est de mettre en place des supports de communication clairs pour les demandeurs internes: règles d'achats, manuel de formation, contacts fournisseurs, lien intranet, etc. Il convient ensuite de nommer des interlocuteurs, au service achats et chez les fournisseurs, connaissant le système et pouvant guider les titulaires des cartes. L'entreprise doit ensuite mener régulièrement des audits et supprimer notamment l'utilisation de la carte en cas de dérives.

Pour éviter les écueils, il est donc important de bien définir les droits et devoirs de chaque acteur (responsable de programme, titulaire, service réception, service comptabilité). Enfin, les spécialistes conseillent de ne pas négliger la dimension contractuelle avec les fournisseurs en définissant les process liés à la carte d'achat. «Si la mise en place d'un programme est assez simple, elle nécessite toutefois un bon sponsor en interne», glisse Solange Ligeret (Apeca). A croire que tout scepticisme n'a pas été levé autour de cet outil qui a pourtant fait ses preuves dans d'autres pays.

PASCAL BEHIER, chef de projet pour la solution carte d'achat, Philips France

PASCAL BEHIER, chef de projet pour la solution carte d'achat, Philips France

Témoignage

«Nous allons doubler le nombre de cartes d'ici à la fin de l'année»


Philips, spécialiste de l'électronique grand public, du médical et de l'éclairage, projette un déploiement de la carte d'achat au niveau mondial. Précurseur, la branche américaine a adhéré à la démarche dès 1996. En France, les premières divisions ont attendu 2005. «Actuellement, une trentaine de cartes d'achat sont en service, indique Pascal Behier. Mais certaines divisions produits sont en phase de déploiement et le nombre de cartes pourrait doubler d'ici la fin de l'année.» Le montant d'achats mensuels par l'ensemble des cartes d'achat pourrait ainsi passer de 15000 euros à près de 50000 euros. «Philips espère pouvoir déployer ce système à l'ensemble des unités», poursuit Pascal Behier. Chaque structure commerciale est indépendante et décide de l'opportunité ou non d'une telle décision. Quoi qu'il en soit, la marge de progression est importante puisque les utilisateurs, principalement les assistants de département, peuvent dépenser jusqu'à 10000 euros par mois pour un maximum de 2000 euros par transaction. En attendant, grâce à la carte d'achat, Philips réalise d'ores et déjà des économies sur les coûts administratifs des commandes en supprimant notamment tout papier du processus. «Seuls les fournisseurs délivrant des données de niveau 3, c'est-à- dire ceux nous transmettant tout ce qui touche à la dématérialisation fiscale, notamment des factures électroniques, ont été sélectionnés», affirme Pascal Behier. Les gains administratifs avoisinent ainsi jusqu'à 35% par commande.


Philips France


ACTIVITE: Spécialiste de l'électronique grand public, du médical et de l'éclairage.
CHIFFRE D'AFFAIRES: 3,3 milliards d'euros en 2006.
EFFECTIF: 4533 collaborateurs.

 
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Damien Chalon

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