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L'industrie papetière dans la tourmente

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Inflation des coûts de production, baisse de la demande, concurrence mondiale. Les papetiers et leurs distributeurs traversent actuellement une période difficile. En résulte une augmentation des prix du papier bureautique.

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Certains secteurs, à l'image de l'industrie papetière, connaissent la crise depuis plusieurs années et l'actualité ne laisse rien présager de bon dans les mois à venir. «L'année 2008 est particulièrement morose», témoigne Bernard Senlis, directeur des achats et du marketing d'Antalis, l'un des premiers distributeurs européens de papier. En Europe, deux géants finlandais aux pieds d'argile symbolisent cette crise: Stora Enso et UPM-Kymmene. En cause: l'inflation de certains coûts (matières premières, énergie), la stagnation de la consommation de papier et l'euro fort. Concernant les coûts des matières premières, les deux papetiers doivent notamment faire face à l'augmentation du prix du bois provenant de Russie, leur principale source d'approvisionnement. Cette hausse résulte en partie de l'augmentation des droits de douane appliqués par Moscou sur les exportations de bois. Des droits qui ont quadruplé en un an et demi. De son côté, la stagnation, voire la baisse de la consommation, entraîne une crise de surproduction. Quant à l'euro fort, il pénalise les exportations. Au niveau du résultat, les chiffres parlent d'eux-mêmes: Stora Enso a ainsi vu chuter son bénéfice de 80% au second trimestre 2008.

Pour surmonter cette conjoncture défavorable, Stora Enso et UPM-Kymmene ont décidé de se restructurer. Le premier va ainsi supprimer 1 700 emplois en Europe et en transférer 1 450 vers une société de maintenance (sur un effectif total de 41 000 salariés). Le second entend faire de même: 1 600 postes sont voués à disparaître dans les prochains mois (sur un effectif total de 26 000 salariés). Pour régler les problèmes de surproduction, les deux groupes vont également réduire leur capacité de production. Plusieurs sites devraient être fermés à court terme. Par exemple, Stora Enso souhaite réduire de 5% ses capacités de production, soit 600 000 tonnes de papier par an en moins. UPM-Kymmene prévoit, lui, de réduire de 700 000 tonnes sa production annuelle de papier.

Le chiffre +4%

En 2007, l'indice des prix du papier d'impression et d'écriture a augmenté de 4%, selon l'Insee.

Flambée des coûts de production

A l'instar de Stora Enso et d'UPM-Kymmene, l'ensemble des acteurs de la filière rencontrent les mêmes difficultés, à commencer par la flambée de leurs coûts de production. Le prix de la pâte à papier a ainsi augmenté de 15% en un an. L'inflation de certains composants, comme l'amidon (+ 30%!), pénalise les fabricants. Idem pour les coûts de transport: + 6%. La situation est d'autant plus problématique pour les papetiers et leurs distributeurs qu'ils ne sont pas toujours en mesure d'augmenter leurs prix de vente sur un marché toujours très concurrentiel. «Théoriquement, les papetiers devraient répercuter cette hausse des coûts sur leurs prix de vente. Mais face à la concurrence, ils préfèrent rogner sur leurs marges plutôt que de perdre des clients. Ils n'ont pas le choix», semble regretter un représentant de la Confédération papetière. Ainsi, depuis 2001, le prix du papier a baissé de 25%.

Résultat, le nombre de faillites augmente. «Il ne se passe pas une semaine sans que nous entendions parler du dépôt de bilan d'un acteur», observe Bernard Senlis (Antalis). Et les fusions-acquisitions se multiplient. Aujourd'hui, certains parlent même d'un rapprochement entre Stora Enso et UPM-Kymmene. Dernier exemple en date: Sappi, qui vient d'acquérir fi n septembre la production de papiers couchés graphiques de M-Real. Objectifs du papetier d'origine sud-africaine: accroître ses parts de marché en Europe... et imposer des hausses de tarifs à ses clients (principalement les éditeurs de magazines, NDLR). «Les récents regroupements entre fournisseurs amènent mathématiquement les prix à la hausse», rappelle Judith Palant, directrice du cabinet de conseil Services et Entreprises. De ce fait, la courbe des prix s'inverse depuis deux ans. L'indice Insee du prix du papier d'impression et d'écriture a augmenté de 2,5% en 2006 et de 4% en 2007.

Bernard Senlis, Antalis

«Les campagnes de sensibilisation pour la lutte contre la déforestation commencent à porter leurs fruits.»

Coûts de transport, nerf de la négociation

Ainsi, les directions achats doivent faire face aujourd'hui à une augmentation des prix du papier. Avec un objectif: contrôler cette hausse afin d'éviter une dérive des coûts sur une famille d'achat peu stratégique. «Pour négocier des tarifs avantageux, il est nécessaire d'évaluer sa consommation annuelle de papier et négocier un prix en fonction de ce volume», indique Judith Palant (Services et Entreprises). Un travail d'acheteur relativement classique qui présente, cependant, quelques subtilités. Par exemple, les consommations de papier dans les entreprises ne sont pas toujours identiques d'un mois sur l'autre. «En prévoyant l'évolution des consommations et le planning des livraisons qui en découle, l'acheteur donne au fournisseur la possibilité de s'organiser, de réduire ses stocks et d'optimiser ses coûts de transport. Autant de paramètres servant in fine à négocier une remise sur le prix de la ramette», illustre Judith Palant (Services et Entreprises).

Les coûts du transport sont, selon cette dernière, le nerf de la négociation. «Aujourd'hui, la hausse du prix du carburant pèse très lourd sur les prix des ramettes car ceux-ci dépendent fortement des coûts de transport», affi rme Judith Palant (Services et Entreprises). Dès lors, cette dernière conseille par exemple de grouper les commandes de papier entre plusieurs entreprises voisines. «Cette mutualisation logistique est gagnante pour tout le monde, y compris pour le distributeur qui accroît sa visibilité et augmente son chiffre d'affaires», plaide Judith Palant. Encore faut-il qu'une telle organisation puisse être mise en oeuvre. Autre solution: espacer les approvisionnements, ne plus se fournir régulièrement une fois par semaine mais, par exemple, tous les quinze jours, voire une seule fois par mois. Ou alors les grouper avec d'autres fournitures de bureau et non plus réaliser des commandes et des livraisons spéciales de papier.

Imprimer moins, économiser plus

Au-delà de ces mesures pratiques et d'ordre logistique, l'incitation à consommer moins de papier dans les entreprises et, d'une manière générale, dans la société, inquiète beaucoup plus les papetiers et les distributeurs. «En Europe et aux Etats-Unis, les besoins d'un ensemble de régions traditionnellement consommatrices de papier stagnent, d'où une surproduction de papier au niveau mondial», confirme le représentant de la Confédération de l'industrie papetière. «En 2008, le volume de nos ventes devrait baisser de 6 à 8%», prévoit Bernard Senlis (Antalis). Pour ce dernier, les modes de consommation de papier dans la société ont évolué. «Les individus consomment moins de papier qu'auparavant. Les campagnes de sensibilisation pour la lutte contre la déforestation, découlant d'une consommation excessive de papier, commencent à porter leurs fruits. Même si, sur le sujet, beaucoup de bêtises ont été dites», affirme-t-il. Une tendance qui s'inscrit particulièrement aujourd'hui dans les entreprises. Selon le deuxième Observatoire des comportements d'impression en entreprise, réalisé cette année par Ipsos et LexmarkEtude réalisée en mai 2008 auprès de 5676 salariés interrogés dans treize pays européens sur leurs comportements et leurs habitudes en matière d'impression sur le lieu de travail., la quasi-totalité des salariés européens (90%) déclarent avoir pris conscience aujourd'hui de l'impact écologique du gaspillage du papier. Dans les faits, le nombre d'impressions est en baisse mais, néanmoins, reste important: en effet, si celui-ci s'élevait en 2007 à 31 pages par jour et par salarié, il était de 34 pages l'année précédente. De plus, 55% des salariés interrogés estiment que beaucoup d'impressions sont inutiles. Et deux tiers d'entre eux affirment qu'ils pourraient, si cela devenait nécessaire, réduire leurs impressions personnelles d'au moins 30% tout en restant productifs. Une telle attitude ne serait pas sans déplaire aux directions achats mais, en pratique, elle ne s'applique pas toujours. «Il faut trouver des solutions astucieuses et cela passe souvent par des choses simples. Par exemple, en réduisant le nombre de ramettes à proximité d'un copieur, les utilisateurs freineront leurs consommations», estime Judith Palant (Services et Entreprises). D'autres mesures devraient pouvoir être prises, comme la rationalisation du parc d'imprimantes et la généralisation de l'impression recto verso.

Gilles Gathelier, responsable des achats et des moyens généraux, Saemes

Gilles Gathelier, responsable des achats et des moyens généraux, Saemes

Témoignage
«Nous encourageons la dématérialisation»

La Société anonyme d'économie mixte d'exploitation du stationnement (Saemes) de la ville de Paris consomme chaque année près d'un million de feuilles de papier. Un poste de dépense en hausse depuis trois ans. En effet, pour réduire son empreinte écologique, la société d'économie mixte a opté pour un papier 100% recyclé. «Cela s'est traduit par un budget en hausse de 24% environ, indique Gilles Gathelier, responsable des achats et des moyens généraux à la Saemes. «Mais nous avons en partie compensé cette augmentation par une rationalisation de nos consommations en interne.» La Saemes privilégie notamment la dématérialisation. «Certains documents, comme un cahier des charges, peuvent être téléchargés sur Internet», illustre Gilles Gathelier. Une pratique à privilégier à l'avenir d'autant que les prix du papier ont augmenté de 4,8% depuis 2006. «Une hausse qui concerne également les enveloppes et les pochettes», ajoute Gilles Gathelier.


La fiche
Saemes
ACTIVITE
Exploitation du stationnement de la ville de Paris
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
37 millions d'euros
VOLUME D'ACHATS
8 millions d'euros
EFFECTIFS ACHATS
3 personnes

Olivier Quintin, responsable achats et moyens généraux, Schindler France

Olivier Quintin, responsable achats et moyens généraux, Schindler France

Témoignage
«Nous avons espacé le rythme de nos approvisionnements»

Chaque année, la filiale française de Schindler, le fabricant d'ascenseurs et d'escaliers mécaniques, achète 4 000 ramettes de papier. «Notre maison mère, en Suisse, a négocié un contrat-cadre avec un fournisseur européen. Néanmoins, il appartient à chaque filiale d'organiser ses approvisionnements au niveau local», explique Olivier Quintin, responsable achats et moyens généraux chez Schindler France. Une organisation en place depuis quelques années, suite à une expérience malheureuse avec des fournisseurs chinois. «Entre 1998 et 2000, nous avons référencé des fabricants asiatiques qui inondaient le marché de leur papier. Mais, brusquement, ces pays ont cessé d'exporter leurs produits. Et nous avons dû nous rabattre sur des fabricants européens», relate Olivier Quintin.
Au quotidien, le responsable des achats et des moyens généraux de Schindler France constate que le prix du papier n'a pas augmenté depuis un an, mais s'inquiète de l'envolée des coûts logistiques. «Nous avons espacé le rythme des approvisionnements qui ont lieu désormais une fois par semaine, en même temps que nos autres fournitures de bureau», indique Olivier Quintin. Les collaborateurs de Schindler France passent ainsi commande sur le catalogue électronique de l'entreprise où sont référencées les gammes de papier. «Cela nous permet de canaliser les références et de maximiser les volumes», avance le responsable achats. En outre, l'entreprise privilégie désormais un papier de 75 grammes. «En réduisant de 7% le poids de nos envois, nous avons réalisé d'importantes économies sur nos coûts d'affranchissement», se félicite Olivier Quintin. Une solution qui permettra éventuellement de compenser la hausse des prix du papier.


La fiche
Schindler France
ACTIVITE
Ascenseurs et escaliers mécaniques
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
523 millions d'euros
EFFECTIF
3 600 collaborateurs
VOLUME D'ACHATS
180 millions d'euros
EFFECTIFS ACHATS
6 collaborateurs

 
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Diane LAUTREDOU, Sébastien DE BOISFLEURY

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