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L'éco-conduite débarque en France

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L'éco-conduite semble promise à un bel avenir. Si le marché naissant paraît manquer de lisibilité, de plus en plus d'entreprises françaises s'intéressent à cette pratique permettant de réduire la consommation de carburant, de limiter les émissions de CO2 et de diminuer les risques d'accidents.

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Une première, en France. Le 11 juin prochain, huit équipages composés de deux salariés d'une même entreprise prendront le départ d'un éco-rallye, organisé par l'Observatoire du véhicule d'entreprise (OVE) et mis en place par le loueur de longue durée et filiale de BNP Paribas, Arval. Quatre d'entre eux seront au préalable formés à l'éco-conduite durant une demi-journée. «Pour mieux mesurer les effets bénéfiques de la pratique», précise l'organisateur. Au départ de Rueil-Malmaison, ils rejoindront la ville de Saint-Brieuc dans les Côtes d'Armor, où se tiendra, les deux jours suivants, la quatrième édition du congrès Intelligent transport system (ITS), sur le thème de la mobilité, de l'éco-innovation et de la compétitivité. Au total, 600 kilomètres de route, nationale ou départementale. «L'équipage gagnant sera celui qui aura le mieux respecté les règles de l'éco-conduite et aura consommé le moins de carburant, tout en respectant les limitations de vitesse ainsi que le principe d'un arrêt toutes les deux heures de conduite», précise l'OVE. En guise d'arbitre, un dispositif technologique, le boîtier Muxy Fleet de Nomadic Solutions, permettant d'enregistrer les données de vitesse, de consommation et de souplesse de conduite. C'est ensuite TSR International, spécialisée dans les logiciels de formation à l'éco-conduite, qui se chargera de l'analyse des résultats des équipages dont les voitures, des C4 Picasso ou des toutes nouvelles C5 fournies pour l'occasion par Citroën, seront équipées de motorisations et de pneumatiques identiques.

@ FOTOLIA/DX

Sensibiliser les entreprises

Pour Francis Chastanet, consultant sur le marché des flottes et chercheur dans le domaine de la mobilité urbaine durable, «cette opération de sensibilisation destinée à faire prendre conscience aux entreprises de l'importance de l'éco-conduite est une excellente initiative». De par les millions de conducteurs quelles représentent, les entreprises restent en effet la cible privilégiée des prestataires de ce marché. D'ailleurs, de plus en plus de sociétés montrent leur intérêt, à l'instar de La Poste, qui a déjà formé 10 000 facteurs et envisage d'étendre la formation à 60 000 salariés d'ici à 2009. «Nous enregistrons un nombre croissant de demandes d'informations sur le sujet», témoigne le consultant. Et d'ajouter: «l'éco-conduite est promise à un bel avenir en France, c'est certain. Mais nous n'en sommes qu'au point de départ et les bonnes intentions n'ont pas encore atteint le stade de l'action». Si, selon lui, les entreprises doivent davantage se responsabiliser, «nos mentalités et nos rapports à l'automobile changent. En outre, des labels éco apparaissent. A l'heure où écologie et pouvoir d'achat occupent le devant de la scène, la conduite écologique et économique va réellement monter en puissance», estime l'expert.

Cette tendance est confirmée par les prestataires, encore peu nombreux toutefois. L'Institut national de la sécurité routière et de recherche (Inserr) a ainsi démarré un programme d'apprentissage de l'éco-conduite, il y a quelques mois. «Il est trop tôt pour tirer un bilan, car la formation débute tout juste. Mais elle semble attirer de plus en plus de monde», indique Sylvie Guihard, responsable de la formation à l'Inserr. L'offre se compose d'un stage organisé sur deux jours et dispensé par deux formateurs. «Il faut compter 400 euros par jour et par formateur, qui gère trois stagiaires», explique la responsable. De son côté, l'Automobile club prévention (ACP) s'est déjà positionné sur le marché, il y a un an. Premier prestataire et organisme agréé en France à avoir véritablement initié un programme d'apprentissage destiné aux entreprises, la société de conseil spécialisée dans la prévention et la maîtrise du risque routier en entreprise a déjà participé à la formation de salariés de La Poste, de Bouygues ou encore du ministère des Finances. Eiffage Travaux Publics, en cours d'appel d'offres, semble également intéressé. Caroline Brun, chargée de communication de l'ACP, se réjouit de l'évolution du dispositif. «Depuis six mois, nous vendons de plus en plus de programmes», assure-t-elle. Un programme incluant un audit et des exercices sur le terrain, et touchant principalement les grands comptes. Le coût: près de 1 100 euros par formateur, en charge de trois stagiaires. Arval, quant à lui, n'a pas encore d'offre de stage organisé, mais assure travailler de façon active, avec des experts en la matière, à l'élaboration d'une série de prestations. «Nous en sommes à l'étape de la sensibilisation et de la communication, note Elodie Brundaller, responsable grands comptes chez le loueur. Mais c'est dans l'air du temps et cela va se développer. Nous sommes aux prémices d'une offre bien bordée.»

Francis Chastanet, consultant

«A l'heure où écologie et pouvoir d'achat occupent le devant de la scène, l'écoconduite va monter en puissance.»

Une offre encore peu lisible

Pour Francis Chastanet cependant, cette offre manque encore de lisibilité, au contraire d'autres pays comme la Suisse. «La formation à l'éco-conduite émane principalement des loueurs, même si l'OVE et l'Inserr s'y mettent également, ce qui est une bonne chose. Il faudrait que le marché soit orchestré par des organismes afin d'éviter de tomber dans la foire. L'Ademe, par exemple, possède tous les moyens et les outils pour communiquer», analyse-t-il. Pour lui, les acteurs les plus légitimes restent les fabricants de simulateurs. «Des choses se développent dans ce sens. Logique, puisqu'ils n'émettent pas de CO2

Réduire les coûts, mais pas seulement

Et si la pratique, définie par l'Inserr comme «une conduite intelligente, sociale et défensive, respectueuse de l'environnement et permettant de réduire considérablement la consommation de carburant», prend de l'ampleur et se structure peu à peu, c'est que les résultats enregistrés, notamment en Suisse où l'éco-conduite est déjà ancrée avec le label Eco-drive, sont significatifs. Selon l'OVE, l'éco-conduite permet en effet de réaliser jusqu'à 25% d'économies. Par exemple, un collaborateur qui effectue 20 000 km par an consomme en moyenne 1 700 litres. En considérant qu'il réduise de 10% sa consommation, il réalise déjà une économie de 170 litres à l'année. A 1,1 euro le prix du litre, l'économie annuelle pour une flotte de 500 véhicules atteint les 93 500 euros. Ce qui représente près d'un million d'euros pour un parc de 5 000 voitures. Par ailleurs, toujours selon l'Observatoire, les accélérations et freinages brusques peuvent accroître la consommation de 40% et l'usage du moteur à haut régime de 30%. De même, l'utilisation de la climatisation annule à elle seule tous les progrès réalisés par les constructeurs en matière de réduction des consommations.

D'autre part, si l'éco-conduite permet de réduire les coûts, elle engendre également une diminution des émissions de CO2 et autres polluants atmosphériques. D'après l'Observatoire, le respect des limitations de vitesse évite une perte inutile de près de 4,5% d'oxydes d'azote et de 7,5% de particules diesel. En outre, la pratique contribue à la sécurité des conducteurs. D'ailleurs, Arval l'assure, «les données actuelles, émanant d'entreprises dont les salariés ont fait l'objet de formations post-permis, permettent de constater une baisse de 15% des accidents». «Un aspect d'importance dans la mesure des coûts et surtout du retour sur investissement, affirme de son côté Francis Chastanet. Eloigner la probabilité d'un accident n'est pas négligeable.»

Toutes ces considérations arrivent seulement en France, au contraire d'autres pays comme la Suisse, qui les ont déjà été intégrées. Ainsi, en Grande-Bretagne, les leaders de la grande distribution Sainsburys et Homebase, qui représentent 800 points de vente, encouragent leur personnel, formé, à rouler de façon responsable. De même aux Pays-Bas, où l'ambition de réduire d'un milliard de tonnes les émissions de CO2 à l'horizon 2010, a engendré une prise de conscience générale de l'écoconduite. Outre-Atlantique également, la pratique est implantée: au Canada, le programme Ecoflotte a ainsi pour vocation de faire adopter aux conducteurs un comportement adéquat.

Jean-Pierre Fougeray, responsable du parc automobile, Minefe

Jean-Pierre Fougeray, responsable du parc automobile, Minefe

Témoignage
«Nous voulons faire prendre conscience des bénéfices de l'éco-conduite»

Pour la seconde année, le ministère des Finances a décidé d'organiser un stage d'éco-conduite pour ses chauffeurs. «Nous avions déjà formé douze d'entre eux l'an dernier et nous recommençons, cette année, avec douze autres conducteurs, dans le cadre du Grenelle de l'environnement», explique Jean-Pierre Fougeray, le responsable du parc automobile. Pour cela, le ministère a fait appel à l'Automobile club prévention (ACP), lequel propose des stages de formation sur une journée. «Nous commençons par des tests de conduite sur un parcours défini et, après des débriefings, nous devons recommencer sur le même parcours en ajustant nos réflexes de conduite, c'est-à-dire en évitant les accélérations ou les freinages brusques et en adaptant le bon régime pour moins consommer. C'est un excellent moyen de nous faire prendre conscience des bénéfices de l'écoconduite et de la réduction des coûts qu'elle peut engendrer», poursuit le responsable du parc.
Si, selon lui, les chauffeurs se montrent un peu réticents à la formation dont ils ne comprennent pas forcément l'utilité pour la conduite dans les bouchons parisiens, «la majorité reconnaît au final ce que cela lui a apporté». Coût de la formation: près de 2 950 euros HT la session. Et pour mieux mesurer les effets positifs de cette conduite responsable, Jean-Pierre Fougeray a prévu de réaliser des analyses «au bout de quelques mois après la formation». Une chose est d'ores et déjà sûre: «nous réorganiserons cette formation dans les prochaines années. Mais évidemment, on ne peut pas envoyer tout le monde en même temps», conclut Jean-Pierre Fougeray.


L'organisation
Le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi
ACTIVITE
Administration publique
EFFECTIF ADMINISTRATION CENTRALE 9 000 agents

zoom
Des simulateurs pour une conduite économique

Develter va développer son offre liée à l'éco-conduite. La société, spécialisée dans les logiciels et la prévention des risques routiers, s'apprête à lancer, d'ici à l'automne prochain, une version modifiée de son simulateur de conduite. «Nous allons ajouter des nouveaux logiciels axés sur l'éco-conduite afin de permettre au client de visualiser les données enregistrées, en lui précisant les économies que la nouvelle conduite peut lui apporter, explique Stéphane Develter, son fondateur. Intégrer l'aspect consommation de carburant à nos logiciels est logique car le risque routier est étroitement lié à la conduite économique. Notre coeur de métier étant d'apprendre à conduire avec un maximum de sécurité, nous utilisons des simulateurs capables de reproduire tous types de situation de route. Les conseils prodigués pour éviter l'accident sont cohérents avec les critères de l'éco-conduite.» Ce projet de simulateur, outil pédagogique destiné aux formateurs, reflète la préoccupation croissante des entreprises, notamment des grands comptes et des ministères, à l'écologie et à la réduction des coûts. «Les demandes sont de plus en plus nombreuses. D'une part, c'est politiquement correct et, d'autre part, éco-conduire engendre des économies conséquentes», souligne le gérant de la société présente en Europe et qui réalise 1,2 million d'euros de chiffre d'affaires. «Nous sommes sollicités à ce sujet depuis six mois, principalement depuis janvier 2008.»

 
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Romain Rivière

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