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Géolocalisation: réelle optimisation ou simple flicage?

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De plus en plus d'entreprises sont tentées par le phénomène de la géolocalisation. Mais se doter d'un tel outil ne s'improvise pas. La Cnil veille au grain et les sanctions pour détournement de finalité sont lourdes. Il ne doit en aucun cas s'agir d'une solution d'espionnage des salariés.

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Un employeur qui souhaite mettre en place un dispositif de géolocalisation doit d'abord effectuer une déclaration à la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés). Cette dernière vérifie que les principes relatifs à la protection des données à caractère personnel sont bien respectés. En effet, toute utilisation contraire à celle déclarée à la Cnil (ou sa non-déclaration) est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 300000 euros d'amende. Une précision utile sachant que plus en plus d'entreprises, comme les sociétés de dépannage, de transport express, de livraison ou tout simplement celles disposant de nombreux commerciaux sur les routes, utilisent des systèmes permettant de localiser les véhicules de leurs salariés. Emmanuel Grandserre, associé de 4icom, cabinet d'Intelligence économique, le confirme: «Le nombre d'entreprises mettant en place des boîtiers de géolocalisation est en forte augmentation.» Face à cette utilisation croissante et afin de prévenir des dérives, la Cnil rappelle régulièrement la législation applicable.

Les 5 règles d'or de la Cnil en matière de géolocalisation

1. LE PRINCIPE DE FINALITE
La finalité doit être déterminée, explicite et légitime, avec une définition précise des objectifs poursuivis par le système de géolocalisation. Il ne peut y avoir de contrôles permanents. Ces derniers ne sont pas justifiés lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de ses déplacements.
2. LA PERTINENCE ET L'ADEQUATION DES DONNEES - TRAITEES
Les données ne doivent pas être excessives au regard de la finalité poursuivie. Il n'est pas autorisé de collecter des données relatives à la localisation d'un salarié en dehors de ses horaires de travail.
3. LA DUREE DE CONSERVATION DES INFORMATIONS
Les données ne peuvent être conservées dans les fichiers au-delà de la durée nécessaire à la finalité poursuivie (droit à l'oubli). Pour l'optimisation des tournées, cela va jusqu'à un an pour l'historique ou pour faire la preuve des interventions, si celle-ci ne peut être rapportée par un autre moyen. Pour le suivi du temps de travail, la période est de deux mois et les horaires effectués peuvent être conservés cinq ans.
4. L'OBLIGATION DE SECURITE
La Cnil impose le respect de l'intégrité et de la confidentialité des données. Elles ne doivent ni être déformées, ni endommagées. Les tiers ne peuvent y avoir accès. Une obligation pèse sur le responsable du traitement, qui doit prévoir des accès individualisés par identifiant et mot de passe régulièrement renouvelés.
5. LE RESPECT DES DROITS DES PERSONNES
Les personnes ont un droit à l'information lors de la mise en place du dispositif embarqué ou de son utilisation (finalité du traitement, catégories de données traitées, durée de conservation, destinataires...). Les salariés doivent pouvoir avoir une copie de l'ensemble des informations les concernant. Ils peuvent s'opposer au traitement de ces données, sauf si celui-ci répond à une obligation légale. Enfin, pour les véhicules de fonction qui constituent un avantage en nature, et peuvent donc être utilisés à des fins privées, les salariés doivent avoir la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation à l'issue de leur temps de travail. Par ailleurs, une information et une consultation des instances représentatives du personnel doivent être menées avant la mise en oeuvre du dispositif.

Quelle utilisation proposer

 

La base du dispositif est l'article 1 de la loi informatique et libertés. Il stipule que «l'informatique doit être au service de chaque citoyen (...) Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques». Deux directives européennes du 24 octo bre 1995 (protection des données) et du 12 juillet 2002 (communications électroniques et vie privée) viennent en complément. La dernière brique est l'oeuvre de la Cnil, qui a adopté le 16 mars 2006 une recommandation relative à la mise en oeuvre de dispositifs destinés à localiser les véhicules automobiles utilisés par des salariés. «Ce texte vise à encadrer le développement de ces dispositifs au regard de la loi informatique et libertés et du Code du travail», assure Sophie Nerbonne, chef de la division des affaires économiques au sein de la Cnil. La Commission n'est pas contre la géolocalisation, qui possède d'indéniables atouts pour certaines professions. Mais la crainte du flicage est dans tous les esprits. Le but est de protéger les salariés et de prévenir tous abus. Les utilisations possibles prévues par la Cnil se limitent aux cas suivants: un impératif de sûreté ou de sécurité du salarié lui-même, des marchandises ou des véhicules dont il a la charge; une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés; le suivi et la facturation d'une prestation; le suivi du temps de travail lorsqu'il ne peut être réalisé par d'autres moyens. Certaines expérimentations portent également sur les contrats d'assurance «Pay as you drive». Concrètement, un boîtier est installé dans le véhicule et enregistre les informations liées aux déplacements effectués (nombre de kilomètres parcourus, dans quelle zone géographique), ainsi que certaines données indicatives sur les comportements de conduite comme la vitesse. Des ajustements contractuels peuvent ainsi être apportés.

Les prestataires accueillent plutôt favorablement l'action de la Cnil. Maxime Bellemin, président de PTV Loxane, société commercialisant des solutions cartographiques de géolocalisation, de planification, d'optimisation et de gestion de flotte, le confirme: «La recommandation de la Cnil va dans le sens d'un assainissement du marché. Les utilisateurs, pleinement informés, pourront ainsi choisir en confiance des acteurs sérieux La publicité faite autour de cette recommandation montre que des garde-fous existent. De ce fait, employeurs comme salariés feront un usage serein et efficace des services de géolocalisation.» Sophie Nerbonne précise que «les entreprises souhaitant se doter de systèmes de géolocalisation doivent avant tout s'interroger sur le caractère proportionné ou non d'un tel outil: suivre mes employés lors de tous leurs déplacements n'est-il pas démesuré par rapport à la nature des tâches qu'ils effectuent?»

Sophie Nerbonne, Cnil

Les entreprises doivent s'interroger sur le caractère proportionné, ou non, d'un outil de géolocalisation.

Réaliser des économies

 

Masternaut, filiale du groupe Sanef (troi sième autoroutier français), conçoit, fabrique et développe des produits de suivi de flottes de véhicules et de gestion de missions. La société annonce 46000 véhicu les équipés en Europe. Son directeur général, Serge Deleau, défend le bilan de la géolocalisation: «Elle offre l'opportunité non seulement de suivre les ressources mobiles en temps réel, mais également d'adapter le planning prévu à la réalité du terrain. Régulièrement, le responsable reçoit par e-mail des rapports d'activité complets et sur mesure. A l'aide de tableaux Excel ou de graphiques, ces rapports retracent les temps de trajet, d'arrêt, d'attente, les kilomètres parcourus, le tracé des itinéraires empruntés...» Le responsable visualise ainsi les écarts par rapport au prévisionnel, réorganise les interventions et optimise les trajets. Un système coûte entre 30 et 60 euros par mois et par véhicule. Ce prix inclut le matériel, les coûts de communication et le service. Les premiers prix ne comprennent que la géolocalisation en temps réel. Peuvent ensuite s'ajouter, pour quelques dizaines d'euros supplémentaires, un historique, des tableaux de bord, des rapports d'activité, des alertes en temps réel... Le boîtier installé dans le véhicule utilise la technologie du système de localisation par satellite (GPS) ou de la communication cellulaire de téléphone (GSM). De son côté, le responsable dispose d'un logiciel indiquant en temps réel sur une carte la position de chaque véhicule. D'après les spécialistes, l'optimisation des tournées permettrait, selon les activités, de réaliser entre 300 et 1 000 euros d'économies par mois et par véhicule.

 
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Damien Chalon

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