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Evaluer une formation: une tâche complexe

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Mesurer les acquis, le transfert de connaissances ou l'impact d'une formation sur les résultats est une tâche complexe. Les responsables formations se contentent le plus souvent d'évaluations à chaud, certes nécessaires mais insuffisantes. Pourtant, des analyses a posteriori sont utiles aux services achats au moment de négocier les appels d'offres.

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L'évaluation de l'efficacité des formations dans les entreprises se limite encore trop souvent à la seule évaluation à chaud. En effet, nombreuses sont les sociétés à encore considérer que le simple fait de participer à un stage suffit à acquérir les compétences visées. D'après Frédéric Bancel, ancien acheteur et actuel directeur de Formascope, un cabinet spécialisé dans la gestion de formations, «beaucoup d'entreprises se contentent d'évaluations juste après le stage, et encore, sans toujours les traiter, ce qui ne sert à rien. H faut mettre en place des outils que l'on peut faire vivre». L'évaluation à chaud consiste généralement en un questionnaire qui permet d'analyser la satisfaction des salariés à la fin de la formation. Ces derniers donnent leur opinion sur le stage auquel ils viennent de participer sans qu'il soit question de résultat, d'acquis, de transfert ou de retour sur investissement. «L'évaluation porte sur les méthodes pédagogiques, mais peut aussi concerner d'autres aspects de la formation tels que les locaux, le formateur, les documents administratifs, le taux de réactivité de l'organisme...», ajoute Frédéric Bancel. Ce questionnaire constitue donc une étape préalable et indispensable à un examen plus approfondi de la formation. Il sert également au service achats à vérifier que le cahier des charges est bien respecté et, éventuellement, à rappeler à l'ordre le prestataire.

Apprécier la qualité des stages

Mais une réelle évaluation de la formation ne peut se tenir que quelques mois après le stage: elle porte, en effet, sur les connaissances et capacités acquises. Les entreprises ont la possibilité de mettre en place des outils pour évaluer les conséquences du stage. Les acquis, le transfert de connaissances et l'impact que la formation peut avoir sur l'activité et les résultats du collaborateur ou de l'entreprise sont mesurables et analysables. Pour les achats, ces évaluations poussées permettent, d'une part, d'apprécier les méthodes d'enseignement du formateur, la qualité de la formation, la pertinence du contenu et, d'autre part, d'améliorer le cahier des charges pour un futur appel d'offres.

Le premier niveau porte sur l'évaluation des acquis. Il s'agit de vérifier si les objectifs pédagogiques ont bien été atteints, si les capacités et connaissances enseignées ont été effectivement intégrées et comprises par les stagiaires. Sur le plan pédagogique, les entreprises ne savent pas comment évaluer les acquis d'une formation qui vise le renforcement de compétences. Ce type d'évaluation peut prendre la forme de tests de sortie, de questionnaires à choix multiples, à questions ouvertes ou fermées. Autre solution, les stagiaires peuvent être soumis à des cas pratiques. «L'évaluation des acquis est de plus en plus pratiquée par les entreprises, confirme Mathilde Bourdat, responsable de l'offre management à la Cegos. Elle permet de voir ce qui n'a pas été compris lors de la formation et si cela vaut la peine d'y revenir et de mettre à disposition des stagiaires des ressources supplémentaires pour compléter l'apprentissage.» Seul bémol: les collaborateurs se prêtent généralement mal au jeu d'une évaluation, qui ressemble trop à un exercice scolaire, comme les cas pratiques. C'est pourquoi Mathilde Bourdat propose une alternative, l'auto-évaluation: «Les stagiaires jugent ainsi eux-mêmes leur niveau de compétence avant et au terme de la formation.»

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Evelyne Hernandez, Demos

«Les acquis d'une formation ne sont jamais mis en place à 100%. Il existe des freins organisationnels et hiérarchiques.»

Mesurer l'impact de la formation

Dans un second temps, l'entreprise constate dans quelle mesure les capacités acquises en formation sont traduites en comportements professionnels dans les situations réelles de travail. On parle alors de transfert. D'après Mathilde Bourdat, «ce n'est pas parce que les collaborateurs ont compris ce qui leur a été inculqué qu'ils vont le mettre en oeuvre. Le management ne s'y prête pas forcément, les collaborateurs sont rattrapés parles travaux à court terme, la mise en oeuvre s'avère souvent trop coûteuse en investissement personnel.» Evelyne Hernandez, responsable du département achats de Demos, confirme cette difficulté: «Les acquis de la formation ne sont jamais mis en place à 100%. Il existe des freins organisationnels et hiérarchiques. Le transfert n'est pas toujours imputable au stage lui-même. En tant qu'organisme de formation, nous nous devons de maîtriser notre prestation vis-à-vis des stagiaires et de l'entreprise. Nous définissons une formation sur demande, mais nous ne maîtrisons pas ce qui se passe en interne.» L'évaluation du transfert s'avère donc difficile. Il s'agit pourtant d'une étape décisive. «Les entreprises sont d'accord sur le principe d'évaluer le transfert, mais elles ont du mal à mobiliser leurs managers sur ce terrain», estime Mathilde Bourdat. Le rôle de ces derniers est pourtant prépondérant. C'est à eux de convenir d'un plan d'application avec son collaborateur afin que la formation porte ses fruits. Ils peuvent en cela s'appuyer sur un référentiel d'emploi ou d'activités professionnelles (RAP) décrivant les activités nouvelles susceptibles d'être remplies par le collaborateur.

Le dernier niveau d'évaluation, certainement le plus complexe, est le moins répandu. Il consiste à regarder si les résultats attendus sur le terrain sont atteints. Quel a été l'impact de la formation? L'entreprise constate-elle une hausse de ses ventes, de son chiffre d'affaires? Le nombre de pannes est-il en baisse? La productivité en progrès? La difficulté est de savoir si la formation est entièrement responsable de tel ou tel impact, qu'il soit attendu ou non, positif ou négatif. «Il faut pouvoir isoler les facteurs extérieurs à la formation», confirme Mathilde Bourdat. Une variation des ventes pourra très bien être conjoncturelle ou une hausse de la productivité liée à une motivation supplémentaire. Une solution, simple à mettre en place, consiste à former la moitié d'une équipe à certaines pratiques et de laisser l'autre partie travailler sans changer ses habitudes. Il suffit alors d'observer sur quelques mois si des différences apparaissent entre les deux groupes. Cependant, une telle expérience nécessite de la rigueur et doit se baser sur des éléments comparables et mesurables par des indicateurs précis. Cependant, les formations ne se prêtent pas toutes à ce type d'évaluation.

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S'appuyer sur des outils d'évaluation

Les organismes de formation constatent malgré tout que les entreprises sont plus attentives à l'utilisation qui est faite du budget formation et aux retombées. On ne se contente plus de former pour former. «Cela se ressent dans le cahier des charges, assure Frédéric Bancel. L'achat de formation se rationalise, des relations plus construites se mettent en place avec les centres spécialisés.» Certaines grandes entreprises lient au contrat les résultats des différentes évaluations. S'ils sont décevants, elles vont jusqu'à exiger des stages gratuits en compensation. «Le taux de satisfaction peut être lié à des compensations ou servir dans les négociations ultérieures», confirme Frédéric Bancel. Il est alors important que l'organisme de formation sache sur quoi portent les évaluations et que l'entreprise fasse preuve d'une grande transparence. En revanche, si elles n'ont pas les moyens de développer des outils d'évaluation en interne, les entreprises peuvent s'appuyer sur ceux développés par les organismes de formation. «Nous évaluons et analysons nos formations, nous pouvons ainsi mettre en place des actions correctives», affirme Evelyne Hernandez. Des évaluations peuvent également être réalisées en amont. Jérôme Lesage, fondateur de Place de la formation, première société de courtage en formation professionnelle, procède de la sorte. Selon lui, les outils d'évaluation des formations disponibles sur le marché, notamment ceux mesurant l'impact et le retour sur investissement, ne sont pas convaincants. Par contre, il mise sur l'évaluation et la stricte sélection des formateurs. «Ceux-ci passent pas moins de six tests et entretiens notés avant de commencera enseigner», explique Jérôme Lesage. Un moyen comme un autre de s'assurer de la qualité d'une formation.

Témoignage

«Les évaluations à chaud manquent de recul»
CARINE ASSAF, Finance &Training Category Sourcing Manager, Danone


Actuellement, pour l'évaluation de ses formations, le service achats de Danone compte sur les évaluations à chaud, les discussions informelles à l'issue des stages et sur une enquête générale d'entreprise menée tous les deux ans auprès des managers avec, entre autres, des questions portant sur l'appréciation des formations. Utile mais insuffisant pour Carine Assaf, Finance &Training Category Sourcing Manager au sein du Services Purchasing Department: «Le service achats ne dispose pas d'un outil permettant d'évaluer les formations dispensées à ses 450 acheteurs à travers le monde. L'enquête se base sur quelques questions génériques sur les formations qui nous permettent seulement d'avoir une appréciation globale au niveau de chaque direction. Les évaluations à chaud permettent de mieux comprendre ce qui a marché ou pas, mais elles manquent de recul.» En collaboration avec le service des ressources humaines, le service achats planche donc sur un outil qui lui permettrait d'évaluer les formations à froid, notamment les acquis. «Il s'agira d'un questionnaire qui sera accessible sur notre nouvel intranet, précise Carine Assaf. Il comportera des questions que nous posons déjà de manière informelle mais qui entraînent peu de remontées.» Ces informations devraient permettre de mieux cibler les formations et les besoins de chaque stagiaire.«Des acheteurs du monde entier assistent à nos formations, il faut donc éviter de les faire venir pour rien en les formant à des pratiques et outils qu'ils maîtrisent déjà, assure Carine Assaf. Les stagiaires n'ont pas nécessairement le même niveau d'étude ou d'expérience et le rythme peut ne pas être adapté à tout le monde.» Ce questionnaire permettrait donc de mieux moduler les formations et de s'assurer que le transfert entre animateur et participant se fait correctement. En revanche, le service achats de Danone ne souhaite pas créer d'outil spécifique mesurant l'impact des formations. «Les résultats de l'enquête générale apportent déjà un éclairage intéressant sur le sujet. De plus, comme on dispense des formations très pratiques sur des techniques d'achat comme la négociation ou sur des outils, on voit très vite ce qui est appliqué ou pas», estime Carine Assaf. L'objectif étant de mettre en place des indicateurs simples et facilement analysables.


Danone


ACTIVITE: Fabricant de produits alimentaires.


CHIFFRE D'AFFAIRES: 14 milliards d'euros en 2006.


EFFECTIF: 88124 personnes.

 
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Damien Chalon

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