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Dans la jungle des fournitures écolos

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Contrairement aux idées reçues, les fournitures «vertes» coûtent moins cher que les produits traditionnels. Les entreprises sont demandeuses, mais la profusion d'offres que proposent les fabricants prête parfois à confusion.

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Au Japon, une place de marché sur les achats verts, baptisée «Green Purchasing Network», permet aux entreprises locales d'acheter des fournitures de bureau respectueuses de l'environnement. En France, une telle plateforme n'existe pas. Il faut passer par des petits distributeurs spécialisés. «Or, les directions achats ont plutôt tendance à s'adresser à des prestataires globaux», indique Ali Assi, responsable achats durables chez Achats Concept Eco, une place de marché française qui référence près de 400 produits «écologiquement corrects» dans l'univers des services généraux. «Les directions achats ne savent pas forcément qu'une telle offre existe et que des distributeurs spécialisés peuvent répondre à leurs besoins», poursuit Ali Assi.

Et pourtant, les entreprises seraient plutôt demandeuses, en particulier les grands comptes. «Ils sont aujourd'hui très sensibles aux problématiques liées au développement durable, affirme Laurent Mayer, directeur général du cabinet de conseil Sérénia. Ils ont mis en place une véritable stratégie en la matière. En revanche, dans les plus petites entreprises, l'aspect environnemental dépend souvent du bon vouloir du directeur général ou du responsable achats.» Alors que les programmes de réduction de coûts sont toujours d'actualité, Ali Assi (Achats Concepts Eco) constate, pour sa part, un vrai changement de mentalité chez les acheteurs. «Ils se posent de plus en plus de questions sur l'impact de leurs achats sur l'environnement», observe-t-il, allant même jusqu'à dire que «le coût devient de moins en moins prioritaire». Des propos confirmés par l'édition 2008 de l'Observatoire des achats, réalisé par Novamétrie pour le compte de Microsoft, BearingPoint et l'Essec, où le développement durable est considéré comme un enjeu prioritaire par 67% des acheteurs interrogés.

Un marché complexe

Si Pierre Ravenel, consultant au sein du cabinet Factea Durable, rappelle que «la prise en compte du développement durable dans les politiques d'achats de fournitures de bureau passe aussi par une baisse des consommations», ce dernier estime qu'il est aujourd'hui difficile pour les entreprises de véritablement mettre en oeuvre une telle politique sur cette famille d'achats. «Le marché des fournitures de bureau est très complexe car il est constitué de nombreux produits aux caractéristiques très variables», précise Pierre Ravenel. Difficile en effet de comparer la production de gommes ou de crayons avec celle de papiers, voire de cartouches d'imprimantes. Une seule et même politique d'achats est donc difficile à mettre en place.

La tâche des directions achats est d'autant plus compliquée que le développement durable est devenu un enjeu commercial. «Chez certains fabricants, la motivation écologique affichée relève surtout d'une aubaine marketings estime Laurent Mayer (Sérénia). Ils se servent du développement durable comme d'un moyen pour améliorer leurs marges, en sortant parfois des gammes spécifiques mais fabriquées à partir de produits quasi identiques.» Pour Pierre Ravenel, il est ainsi difficile pour les directions achats «de diagnostiquer le véritable aspect environnemental des fournitures présentées sur le marché».

D'autant que l'offre est pléthorique, quelle que soit la famille de fournitures de bureau. «Sur le créneau du papier, nous avons retenu 20 références sur la base de 30 critères de sélection», revendique Ali Assi (Achats Concepts Eco). Pour ce faire, la place de marché a commencé par recenser les différents acteurs présents sur les marchés français et internationaux. Tous ont été passés au crible scientifiquement. «Au sein de notre équipe, un scientifique analyse l'impact des matières utilisées par les fabricants. Nous évaluons également leurs politiques sociales. A titre d'exemple, nous sommes attentifs au pourcentage de travailleurs handicapés présents dans leur effectif», détaille Ali Assi. Autant de données difficiles à vérifier pour les directions achats, ce que les salariés de la place de marché ont le temps de faire. «Nous avons déjà visité quatre usines de retraitement des cartouches. Nous cherchons à connaître la composition du toner et à comprendre les conditions de garanties prises en charge par le fournisseur, le nombre de tirages possibles, etc.», explique Ali Assi. En outre, le développement durable impose aux entreprises de raisonner en coût global d'utilisation et non uniquement en coût d'achats. «Il faut savoir évaluer ce que le produit coûtera durant chaque cycle de sa vie», précise Ali Assi. C'est dans cette optique qu'Achats Concept Eco a ouvert, l'an dernier, ses premières formations à destination des acheteurs. En un an, 20 sessions se sont succédé. «Notre objectif est de transmettre notre expertise sur ce sujet», résume Ali Assi.

Laurent Mayer, Sérénia

«Certains fabricants de fournitures de bureau utilisent le développement durable dans leur stratégie marketing.»

Le label, premier indice de qualité

Tous les spécialistes du marché des fournitures de bureau s'accordent à le dire: avant d'entamer une démarche liée à la protection de l'environnement, le premier élément à prendre en compte est la certification. «Pour trouver la bonne offre, il est préférable de privilégier les éco-labels officiels qui, à la différence des mentions environnementales autoproclamées de certaines sociétés, bénéficient d'un contrôle systématique des pouvoirs publics», conseille Pierre Ravenel (Factea Durable). En effet, ces normes et labels garantissent dans la plupart des cas une conformité aux exigences imposées par la législation. «Pour dénicher un label pertinent, il faut d'abord savoir qui le délivre», précise Laurent Mayer (Sérénia). Il faut également savoir s'adapter aux différentes familles d'achats. «Sur le créneau des cartouches d'impression, certains fabricants sont dans une logique de multisourcing et s'apparentent davantage à des chasseurs d'opportunités. Pour les sélectionner, mieux vaut vérifier les normes proposées, aller visiter les usines de fabrication et les évaluer sur la durée», explique Laurent Mayer. Même constat d'Ali Assi: «Seuls, les labels ne suffisent pas», prévient-il.

Des produits recyclés moins chers

Les prestations des fabricants et des distributeurs varient donc en fonction des familles d'achats. Et, parfois, le comportement des acheteurs réserve quelques surprises, comme avec le papier recyclé, qui «rejette moins d'eau, moins d'énergie et moins de gaz qu'un papier classique», observe Ali Assi (Achats Concepts Eco). Pourtant, il n'a pas rencontré le succès escompté. «Il ne parvient pas à percer car il est moins esthétique et ne bénéficie pas d'une bonne tenue dans un copieur. Bien souvent, il est utilisé par les administrations qui sont soumises à des obligations légales», explique Laurent Mayer (Sérénia). En revanche, un papier classique, mais plus léger, semble convenir à de nombreux acheteurs. «Alors que le grammage moyen est de 90 g/m2, les fabricants ont travaillé sur des produits plus légers, entre 70 g/m2 et 75 g/m2. A la clé, une réduction de l'impact de leur production sur la déforestation», constate Laurent Mayer. Les services achats se montrent, en effet, davantage préoccupés par le suivi de fabrication. «Au sein des grandes entreprises, les politiques d'achats de papier tiennent compte de la traçabilité sur l'ensemble de la chaîne de production», note Laurent Mayer (Sérénia).

Même constat sur le créneau des enveloppes, à quelques détails près. «les modèles blancs recyclés fonctionnent très bien, mais les fabricants pèchent en termes de communication. Rappelons qu'à l'origine, les enveloppes kraft s'obtiennent par un processus de recyclage», insiste Laurent Mayer. Là aussi, le choix du prestataire est stratégique. «Parfois, certains fournisseurs posent un tampon précisant le respect des normes environnementales, mais celui-ci rend l'enveloppe plus polluante», prévient-il. En revanche, d'autres se montrent perfectionnistes en «se tournant vers des colles biologiques», reconnaît-il.

Julien Le Blanc, acheteur frais généraux, La Poste

Julien Le Blanc, acheteur frais généraux, La Poste

Dernière famille, les cartouches d'impression, où la différence se fait principalement sur la marque... et le coût. «Dans l'inconscient collectif, les produits respectant l'environnement sont plus chers que les produits traditionnels. C'est faux. les prix des modèles recyclés sont jusqu à 70% moins élevés», constate Ali Assi (Achats Concepts Eco). Selon ce dernier, l'économie réalisée sur les consommables informatiques peut atteindre 30 à 50%. Tandis que sur le papier et les petites fournitures, la différence est de 5 à 20%. Une raison de plus, s'il en fallait, pour dissiper les dernières réticences à l'achat «vert».

Ali Assi, Achats Concepts Eco

«Les acheteurs se posent de plus en plus de questions sur l'impact de leurs achats sur l'environnement.»

Reportage
Un tiers des fournitures référencées par Total sont «vertes»

Tous les trois ans, le groupe Total remet en jeu son marché des fournitures de bureau. «L'an dernier, nous avons organisé un appel d'offres en trois phases sur 13 pays. Une soixantaine de fournisseurs ont été interrogés, dans leur langue natale», relate Liliane Watteyne, coordinateur achats moyens généraux pour le BeneLux et acheteur international pour les fournitures de bureau, les consommables informatiques et l'intérim du pétrolier. Ainsi, entre 8000 et 10000 articles ont été soigneusement passés au crible, multipliés par le nombre de fournisseurs et par le nombre de pays. L'objectif de cette démarche d'ampleur internationale était de constituer un catalogue de fournitures de bureau courantes. «Environ 30% des articles référencés sont «verts»», précise Liliane Watteyne, qui gère, au total, un budget fournitures qui s'élève à plus de 10 millions d'euros.
En outre, le groupe pétrolier a repensé certaines pratiques, toujours dans une optique de développement durable. «Ce qui hier était considéré comme le summum du service à la carte, la livraison à J +1, est perçu aujourd'hui comme un vaste gaspillage. Afin d'inciter nos fournisseurs à revoir leurs méthodes organisationnelles, nous demandons à nos utilisateurs de regrouper leurs commandes et de les envoyer selon un calendrier prédéfini», illustre Liliane Watteyne.
Autre question sensible, le conditionnement des fournitures. «Nos clients internes sont offusqués par le gaspillage que représente l'usage de grands cartons pour peu d'articles», témoigne Liliane Watteyne. Le groupe Total mise sur la créativité de ses fournisseurs pour qu'ils revoient leur mode de conditionnement. «L'un de nos plus importants fournisseurs est en train de mettre au point une nouvelle technologie pour envelopper les articles d'un film protecteur et comprimer l'emballage au volume exact des produits. D'ici quelques mois, nous jugerons de l'efficacité de cette piste», conclut-elle.

Témoignage
«Nous interrogeons nos fournisseurs sur leur politique d'achats durables»

Le développement durable fait partie des principaux critères de sélection de La Poste pour l'achat de ses fournitures de bureau. Afin de pouvoir analyser les prestations proposées par les fournisseurs, le groupe prend en compte plusieurs aspects: «leur politique d'achats responsable, leur nombre de produits «verts», leur démarche marketing, le transport et la gestion des produits usagés», précise Julien Le Blanc, acheteur frais généraux. Tous ces critères sont analysés par le biais d'un questionnaire de 80 items, faisant partie intégrante de la consultation. La Poste prête également beaucoup d'attention au label des prestataires. «Pour le papier, nous vérifions par exemple que le label de notre fournisseur est valable sur les fibres ainsi que sur la chaîne de transformation», illustre Julien Le Blanc. Au total, le budget fournitures de bureau du groupe La Poste s'élève à près de 18 millions d'euros par an. «Nous avons deux canaux d'approvisionnement: notre plateforme logistique interne, qui stocke et redistribue les produits, et la commande directe auprès d'un fournituriste. Depuis l'an dernier, nous avons consolidé et mutualisé nos volumes afin d'optimiser nos coûts», précise Julien Le Blanc.


La Poste
ACTIVITE
Etablissement financier et postal
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
20,8 milliards d'euros
EFFECTIF
300 000 salariés
VOLUME D'ACHATS
6,3 milliards d'euros
EFFECTIF ACHATS
650 collaborateurs

 
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Diane LAUTREDOU

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