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Conciergerie de luxe, un achat en vogue

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Le recours aux services d'une conciergerie «haut de gamme» permet aux entreprises de proposer des prestations sur mesure. Ce secteur échappe encore à l'expertise des acheteurs. Pourtant, l'arrivée de nouveaux entrants est en train de changer la donne.

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Certes, les conciergeries d'entreprise gagnent du terrain en France depuis quelques années. Elles répondent aux besoins standards de leurs clients: de l'accueil des collaborateurs au service à domicile de la vie courante, en passant par l'organisation d'une réunion. Mais les plus anciennes d'entre elles permettent de satisfaire des requêtes bien plus sophistiquées. On parle alors de conciergerie de service «haut de gamme». La plupart du temps, les entreprises choisissent ces solutions coûteuses quand elles veulent récompenser leurs managers performants ou offrir à leurs clients des prestations de grand standing. Parce que la vie en entreprise est souvent synonyme d'implication chronophage (une mobilisation qui se fait parfois au détriment de la vie privée), il est important de proposer au personnel des services de qualité en contrepartie. C'est d'autant plus vrai en période de crise. Ainsi, selon une étude réalisée en janvier dernier par le cabinet de conseil Methys et l'Ifop, 42 % de salariés déclarent ne pas avoir été récompensés de leurs efforts. Ce constat devrait encourager le recours à des prestataires de services premium.

Aujourd'hui, la majorité des donneurs d'ordres restent les directeurs des services opérationnels, en particuliers les responsables du marketing et des ressources humaines De ce fait, les directeurs achats sont encore peu présents dans la négociation du contrat. Ils pourraient pourtant mettre leur expertise au service des directions opérationnelles pour évaluer les engagements pris par les sociétés spécialisées et pour juger de la qualité des prestations fournies.

Stéphanie Laroque, American Express France

«Nous avons internalisé la conciergerie.»

Un service internalisé chez American Express

Faire appel à une conciergerie, c'est bien. Choisir un programme de services «haut de gamme», c'est mieux. L 'acheteur se trouve alors face à un dilemme économique: quel prestataire choisir? Fort heureusement, les options offertes sont simples. Soit l'acheteur choisit de passer par un intermédiaire, soit il négocie directement un forfait auprès d'un spécialiste. Les fabricants de cartes bancaires dédiées aux entreprises proposent ce type de services (compris dans leur cotisation annuelle). Parmi eux, American Express et MasterCard. «Notre conciergerie est entièrement internalisée», souligne Stéphanie Laroque, directrice marketing chargée de l'ensemble des cartes corporate du groupe American Express France. 24 heures/24, 7 jours/7, une centaine de personnes sont à la disposition des clients, «mais cette équipe est aussi dédiée à d'autres services, notamment l'organisation de voyages », complète Stéphanie Laroque. Le montant moyen des dépenses sur une carte Corporate Platinum, seul mode de paiement offrant un service de conciergerie, s'avère trois à quatre fois plus élevé que sur une carte d'entrée de gamme. Il n'est donc pas surprenant que la cotisation annuelle s'élève à 520 euros - l'une des plus élevées du marché. Concernant le respect de la vie privée, le groupe AmEx maintient une politique des achats confidentielle. «Il n'y a pas de traçabilité des achats effectués via à la conciergerie en fonction de leur finalité, indique Stéphanie Laroque (American Express). La frontière entre les deux mondes n'est certes pas clairement définie, mais nous avons le sentiment que la majorité des services sollicités relève de la vie professionnelle. »

François Gandon, Mastercard France

«Le prestataire est jugé sur le caractère évolutif de son programme.»

Un programme sous-traité chez MasterCard

Face au géant américain du mode de paiement, le groupe MasterCard propose également un service de conciergerie. Mais celui-ci est sous-traité. « Cela fait maintenant dix ans, précise François Gandon, directeur marketing de MasterCard France. Il s'agit d'un service proposé uniquement aux porteurs de la carte Equity Business Platinum. » Moyennant une cotisation annuelle de 280 euros, ce sésame fiduciaire donne accès aux prestations d'une conciergerie affiliée. Cette externalisation repose sur un cahier des charges élaboré par une équipe constituée de deux à trois personnes. Comme chez le concurrent américain, ce service est disponible, tous les jours, à n'importe quelle heure. « Nous nous sommes montrés extrêmement exigeants dans le choix du prestataire, déclare François Gandon, ainsi que dans le bon déroulement de la relation client. »

Le prestataire est évalué en fonction de critères qualitatifs rigoureux: chaque interlocuteur est jugé sur sa capacité d'empathie, sa convivialité, son niveau de langage ou encore le ton qu'il emploie. Un baromètre de satisfaction des clients est établi fréquemment. « Il est très important pour nous que le détenteur de la carte se sente en confiance et puisse tisser une relation durable avec son interlocuteur, ajoute le directeur marketing. De plus, le prestataire est jugé sur le caractère évolutif de son programme. » Quelles sont les demandes rencontrées le plus souvent par les conciergeries sur mesure? Chez American Express, les demandes de réservations des restaurants figurent en tête des services utilisés. «Parmi les avantages offerts par la carte, nos titulaires peuvent bénéficier d'une table réservée dans plus de 500 restaurants à travers le monde», explique Stéphanie Laroque (American Express). Les places de concert et les voyages viennent en deuxième position des requêtes. Dernière grande catégorie d'activité: les transports. Les appels concernent la réservation de taxi ou de jet privé, en passant par le chauffeur ou la simple livraison de fleurs par coursier. Côté MasterCard, le directeur marketing et son équipe classent ces demandes en trois catégories.

« D'abord, nous sommes sollicités pour tout ce qui relève de l'information, explique François Gandon. Que ce soit des renseignements sur le mode de paiement du client ou la météo. Ensuite, ce sont les réservations: restaurant, billet de train ou d'avion, hôtel, taxi, voire livraison de fleurs. Enfin viennent les prestations d'organisation. Il peut s'agir d'un voyage sur mesure d'un collaborateur comme de son client. » Concernant la disponibilité du service, Il n'y a ni contrainte de temps, ni obstacle à la satisfaction d'une demande. Un critère d'engagement que l'on retrouve dans la majorité des conciergeries. «Les interlocuteurs se mettent en quatre pour répondre aux requêtes», argue Stéphanie Laroque (American Express). Chez les deux groupes, l'acheteur ne s'engage pas non plus au sujet des volumes de dépenses imposés aux clients internes. Il n'existe aucun tarif dégressif en fonction du nombre de cartes souscrites.

De nouveaux entrants sur le marché

Face à ces deux partenaires financiers de poids, de nouveaux prestataires sont en train de prendre du galon. Ils préfèrent se définir comme des spécialistes du personal assistant et offrent leurs services directement aux entreprises intéressées. En France, seuls trois d'entre eux se consacrent exclusivement à la délivrance de service de standing: UUU (Ultimate Luxury for You and only You), My Concierge et John Paul. Créée en 2005, cette entreprise compte aujourd'hui 80 collaborateurs. Parmi les services les plus réclamés, qui représentent 75 % des prestations, on compte trois types de services. Le transport, la restauration et le shopping (commande de costumes sur mesure, montres, cadeaux de Noël, etc.). Les 25 % restants sont constitués de prestations urgentes, à gérer au quotidien. Il peut s'agir d'un voyage d'affaires, de la prise en charge d'un client par un chauffeur ou encore de l'organisation de son accueil sur un lieu de rendez-vous... De nouvelles requêtes se profilent depuis la fin de l'année 2010, comme la location d'appartement pour les séjours de plus de trois jours ou encore les services d'un chef cuisinier à domicile. Sur la formulation du prix, la règle appliquée est assez simple: «Il y a une forte corrélation entre la qualité du service offert et le prix indiqué, mais dans la limite du raisonnable, précise David Amsellem, président de John Paul. Il se peut que le prix soit légèrement supérieur à leur valeur faciale. Nous nous engageons cependant pour que cette surcote ne dépasse pas 10 à 15 % du prix initial. »

Jean-Claude Le Grand, L'Oréal

Jean-Claude Le Grand, L'Oréal

Une porte d'entrée pour les acheteurs

Afin d'offrir un service satisfaisant, la rigueur est de mise. «Nous nous engageons à appliquer les pénalités contractuelles en cas insatisfactions des clients, évidemment régies par certaines conditions», déclare le président de John Paul. Le prestataire met alors à disposition des indicateurs de performance des services proposés. Parmi ces indices, le temps moyen d'attente avant d'obtenir un contact avec le concierge. «Nous l'estimons à 3,5 secondes, contre 30 secondes dans un centre d'appel classique», commente David Amsellem (Jean Paul). Autre indicateur le taux de contact par an avec les clients. On évalue également un taux d'hypersatisfaction, selon le président de la conciergerie. C'est le cas lorsque les clients internes prennent la peine de manifester leur contentement directement au personnel de la conciergerie, via un e-mail ou une remarque écrite. «Les donneurs d'ordre des directions des ressources humaines observent souvent ce phénomène», conclut-il. L'abonnement moyen s'élève à 30 euros par personne et par mois. «Le tarif devient dégressif en fonction du nombre d'abonnements souscrits», précise le directeur du service de conciergerie de luxe. John Paul compte parmi ses clients de grandes références: L'Oréal, SNCF, Lexus, Nestlé, Orange... Bien que la souscription aux abonnements soit commanditée par les directions des ressources humaines ou du marketing, John Paul rencontre maintenant quelques acheteurs lors de la négociation et la signature du contrat. «Si ce type prestations leur était complètement inconnu il y a environ trois ans, ils sont désormais plus habitués à signer des abonnements», constate David Amsellem.

Zoom
Se mettre en quatre pour les clients internes

«A l'impossible, nul n'est tenu». Cet adage, les conciergeries ne semblent pas le connaître. Il leur arrive d'être sollicitées pour des demandes parfois très extravagantes. Par exemple, l'organisation complète d'un mariage. «Le client a confié l'intégralité des préparatifs de son union devant le maire aux soins de notre conciergerie, explique Stéphanie Laroque d'American Express. Des fleurs à la location de la salle, en passant par les faire-part et le traiteur. Cette personne avait un calendrier professionnel extrêmement contraignant, si bien qu'il ne pouvait s'en charger lui-même. » Autre voeu fantaisiste, un client de la société John Paul aurait réclamé de rencontrer des lionceaux! « L'épouse de ce client avait toujours rêvé de toucher des petits fauves, explique David Amsellem, un souhait qu'a donc voulu concrétiser son mari pour son anniversaire. » Qu'à cela ne tienne, la conciergerie a organisé une réception surprise avec comme invité un dompteur, accompagné de deux petites bêtes à fourrure. Une belle faveur, qui aura tout de même coûté la bagatelle de 6 000 euros, puisque l'épouse du client a finalement décidé d'adopter les lionceaux.

David Amsellem, John Paul

«Nous nous engageons à appliquer les pénalités en cas d'éventuelles insatisfactions des clients.

Témoignage
Symbole d une reconnaissance professionnelle

«Nous avons signé un contrat avec la conciergerie John Paul depuis maintenant un an, affirme Jean-Claude Le Grand, directeur des ressources humaines de L'Oréal. Nous voulions apporter des services de qualité à nos clients internes, des responsables de la direction marketing. » Des collaborateurs exigeants, jeunes (moins de 40 ans), responsables des portefeuilles de marques des départements grand public et déjà utilisateurs de prestations de conciergerie «select», grâce à leur carte de paiement personnelle. Bien que cela soit pris en charge par la direction, il a tout de même fallu convaincre les clients internes de la pertinence d'un abonnement supplémentaire. «Au départ, notre proposition les a vraiment surpris, explique le directeur des ressources humaines, mais leur proposer un accès à la conciergerie de luxe, c'est reconnaître la valeur de leur performance professionnelle, au même titre que leur octroyer une voiture de fonction haut de gamme. Cette carte est considérée comme un avantage qui doit booster la performance des collaborateurs les plus ambitieux.». Quant aux choix du prestataire, le directeur des ressources humaines a retenu John Paul principalement pour la qualité de son référencement. « Cela a été le gage d'un savoir-faire rigoureux et du caractère exclusif des services disponibles», ajoute-t-il. Et l'expérience semble réussie puisque 100 % des clients internes détenteurs de la carte se disent satisfaits du service et 90 % d'entre eux ont décidé de reconduire leur abonnement pour la deuxième année. Les utilisateurs font majoritairement appel aux services proposés pour la réservation de restaurant (32 %), de voyage (16 %), la billetterie (14 %). Viennent ensuite les demandes liées aux services, au sport, à l'événementiel, à l'immobilier... «Néanmoins, il ne s'agit pas de faire du volume, nous ne souhaitons pas étendre ce service à plus de 100 collaborateurs, pour conserver l'aspect exclusif de la carte», estime Jean-Claude Le Grand. Une politique d'achat certes restrictive, mais qui s'avère très motivante.

 
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Sihem Fekih

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