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Benchmark, la fin du culte du secret

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Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le benchmarking entre acheteurs n'a cessé de se développer grâce à la multiplication des clubs et des associations, parallèlement à la montée en puissance d'Internet. Un échange de bonnes pratiques qui permet de travailler plus efficacement tout en cultivant ses relations.

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@ FOTOLIA

Si Monsieur Jourdain avait été acheteur, sans doute aurait-il pratiqué le benchmarking malgré lui... Sans savoir que ce mot étrange i se traduit par analyse comparative, étalonnage ou bien parangonnage. Outil marketing utilisé par les entreprises pour améliorer leurs processus, le benchmarking consiste à prendre connaissance des meilleures pratiques dans tel ou tel domaine, pour les adapter par la suite à son l entreprise. La méthode a été formalisée par Xerox, au début des années quatre-vingt. A cette époque, le fabricant de systèmes d'impression souhaitait moderniser la gestion de ses stocks. Xerox s'est ainsi comparée à une entreprise de vente d'articles de sport par correspondance qui excellait dans la gestion des commandes. Dans le microcosme des achats, le benchmarking revient le plus souvent à un échange d'informations ou de bonnes pratiques. Une démarche qui concerne toutes les familles et process achats. «Il faut bien déterminer la partie du processus concernée et faire un mini-audit de ses pratiques actuelles en se servant d'indicateurs», conseille Christian Mauduit, consultant chez Demos et animateur d'une formation de deux jours sur le benchmarking des achats. Un «connais-toi toi-même» indispensable avant de se comparer aux autres. L'étape suivante consiste à trouver un partenaire. «Il faut repérer les entreprises qui ont de bons résultats, indique Christian Mauduit. Pour cela, les sources d'information sont multiples: revues, conférences, syndicats professionnels, chambres de commerce, etc.»

Dans la pratique, le partenaire sélectionné fait souvent partie des réseaux de l'acheteur. Cela facilite l'établissement d'une relation de confiance, indispensable au bon déroulement de tout benchmarking. Pour que l'échange soit fructueux, il est primordial que les deux parties y voient un intérêt.

Quatre types de benchmarking

Selon le partenaire retenu, on distingue habituellement quatre types d'analyse comparative.

- Le benchmarking interne consiste à comparer ses pratiques au sein de sa propre entreprise. Une démarche qui semble facile à mettre en oeuvre, mais qui n'a pas toujours été une évidence. «A l'intérieur de certains groupes, il est parfois difficile d'obtenir des informations», témoigne Christian Mauduit.

- Le benchmarking concurrentiel est par définition plus sensible, puisqu'il touche les concurrents directs de l'entreprise. Il est pourtant possible de le pratiquer sur certains sujets, comme le font quelques services achats du secteur de l'automobile. «Les acheteurs sont des «concourants» et non des concurrents: ils courent après la même chose. Au-delà de la concurrence, il y a parfois une exigence de survie», analyse Philippe Petit, manager d'offres au sein de Cegos pour les formations achats interentreprises.

- Les spécialistes distinguent également le benchmarking fonctionnel, entre partenaires non-concurrents mais qui appartient au même secteur d'activité.

- Le benchmarking générique est, quant à lui, une analyse comparative avec une entreprise d'un autre secteur d'activité. Une pratique courante chez les acheteurs, la recherche des bonnes pratiques relevant davantage d'une famille d'achats que d'un secteur d'activité particulier.

Cette typologie un peu savante ne doit pas faire perdre de vue que le benchmarking est le plus souvent une démarche simple. Au quotidien, il s'agit de contacter un autre acheteur pour identifier un fournisseur, demander un éclaircissement sur un point juridique ou encore se tenir au courant des grandes tendances d'un marché. «Le benchmarking nous permet d'avoir confirmation des mouvements que nous observons, de savoir comment les autres acheteurs traitent des sujets comme le changement de tarification de billetterie d'avion ou encore le choix de solutions de téléphonie IP», détaille Olivier Wajnsztok, vice-président de l'ACA, l'association achats d'HEC. Celui-ci différencie également un benchmarking plus approfondi qui réside dans les échanges sur des projets d'envergure, comme la mise en place d'un ERP (progiciel de gestion intégré).

EMMANUELLE ADINE, responsable achats prestations informatiques forfaitaires, SFR

EMMANUELLE ADINE, responsable achats prestations informatiques forfaitaires, SFR

Témoignage
«Se tenir au courant des pratiques du marché»

Comment passer au forfait pour l'achat de prestations informatiques? »C'est une question essentielle que s'est posée le Club-Laboratoire des acheteurs de prestations intellectuelles», témoigne Emmanuelle Adine, qui appartient à ce groupe. Sous la houlette du cabinet WP-Conseil, ces spécialistes se réunissent tous les trois mois autour d'un nouveau thème. A l'actif du club, près d'une vingtaine de sujets traités, du tableau de bord des acheteurs de prestations aux achats d'intérim, en passant par l'offshore ou encore la réalisation de projets à l'étranger. Toutes ces réunions sont l'occasion de nombreux échanges qui peuvent se poursuivre au sein d'un forum Internet réservé aux membres du club. «Le benchmarking permet de voir où se situe sa propre société, de se tenir au courant des pratiques du marché, explique Emmanuelle Adine. On vérifie ce que nous disent les fournisseurs, on essaye d'équilibrer leur puissance d'information et la nôtre.» Cette année, au cours d'une réunion, Emmanuelle Adine a planché sur les centres de services, TMA (tierce maintenance applicative), TRA (tierce recette applicative) et infogérance. «J'ai expliqué comment SFR traitait une TMA et j'ai présenté les enseignements tirés de cette pratique», rapporte-t-elle. Suite à cet exposé, certains participants lui ont demandé des compléments d'information sur le sujet. Bref, une vraie démarche de benchmarking!


SFR
- ACTIVITE: Opérateur de téléphonie mobile


- CHIFFRE D'AFFAIRES: 8,6 milliards d'euros (2006)


- EFFECTIF: 6 100 personnes

Faire partie d'un club d'acheteurs

Le développement récent des réseaux d'acheteurs a sans aucun doute contribué à la démocratisation du benchmarking dans les achats. C'est au début des années quatre-vingt-dix que les acheteurs se sont initiés à cette pratique, pour répondre notamment aux questions qu'ils se posaient sur l'utilisation des outils e-achats. La démarche est aujourd'hui le principe même de l'activité des associations d'acheteurs. La Cdaf (Compagnie des dirigeants et acheteurs de France) regroupe ainsi de nombreux groupes d'études et de benchmarking (GEB). «Ces groupes rassemblent des responsables achats, dont une bonne partie appartient à des entreprises du CAC 40, explique Lucien Isnard, responsable du GEB «Déplacements professionnels» à la Cdaf. Nous échangeons sur les bonnes pratiques, évoquant des thèmes comme l'évolution du rôle des agences de voyages et les outils de réservation en ligne.» Ce besoin d'échanger est à l'origine de la création de nouveaux clubs d'acheteurs au cours des dernières années. L'Adra (Association des directeurs et responsables achats) a vu le jour il y a six ans et regroupe aujourd'hui une soixantaine d'adhérents. «Nous comptons parmi nos membres des directeurs et responsables achats de tous les secteurs d'activité, des grandes entreprises comme des PME, indique Philippe Favier, secrétaire général de l'association. Nous organisons tous les deux mois une réunion qui rassemble entre 20 et 30 adhérents. Récemment, nous avons traité de la communication interne des achats, du développement durable et de la gestion de carrière des acheteurs.» D'autres associations ont choisi de se spécialiser sur certaines familles d'achats, à l'image du Club-Laboratoire des acheteurs de prestations intellectuelles. Les stages interentreprises, en plein boom depuis deux ans, se prêtent également au benchmarking. «Au cours de la formation, les stagiaires se benchmarkent en permanence, du petit-déjeuner aux exercices pratiques, en passant par les pauses», témoigne Philippe Petit, de la Cegos. Echanges de bonnes pratiques puis de cartes de visite, que l'on garde précieusement pour développer son réseau.

FLORENCE BONAMY-JAILLON, responsable achats prestations intellectuelles, Pfizer France

FLORENCE BONAMY-JAILLON, responsable achats prestations intellectuelles, Pfizer France

Témoignage
«Le benchmarking me permet d'être plus efficace»

Le benchmarking commence chez son voisin de bureau. Florence Bonamy-Jaillon l'a bien compris et consulte souvent ses collègues comme ses confrères acheteurs.
«Face à une nouvelle problématique, le benchmarking me permet d'être plus efficace, de gagner du temps et de m'ouvrir à d'autres idées», explique la responsable achats. Pour aller plus loin, elle décide en début d'année avec deux de ses collègues de «mettre en commun nos réseaux et de faire se rencontrer nos confrères.» La première réunion des acheteurs indirects de l'industrie pharmaceutique est née et organisée en mars 2007. Cette rencontre a ainsi rassemblé plus d'une trentaine de participants. «Nous sommes concurrents mais pas de manière frontale, car les achats indirects ne sont pas le coeur du métier de nos entreprises», précise Florence Bonamy-Jaillon. D'où le succès de ce club qui prévoit d'organiser une grande réunion par an et de constituer des cercles plus restreints sur des questions précises ou d'actualité. Ce nouveau réseau évolue aussi sur Internet à travers un hub sur la plateforme de mise en relation professionnelle Viadeo. Mais pourquoi un partenaire de benchmarking répond-il favorablement à une demande d'information? «C'est un échange de bons procédés, répond Florence Bonamy-Jaillon. Celui qui est interrogé s'assure que sa solution est toujours valable et met à jour ses propres connaissances.» Dans l'univers des achats, on appelle cela une relation gagnant-gagnant.


Pfizer
- ACTIVITE: Laboratoire pharmaceutique


- CHIFFRE D'AFFAIRES: 48,4 milliards de dollars (2006)


- EFFECTIF: 106 000 personnes

Se rencontrer entre anciens élèves

Par ailleurs, le benchmarking a rapidement gagné les associations d'anciens élèves des écoles achats. Par exemple, c'est au début des années 1990 que l'association des anciens du MAI (Institut du management de l'achat industriel) de Bordeaux a été relancée. «Notre association compte aujourd'hui entre 300 et 400 adhérents selon les années, plus de la moitié étant issue des trois ou quatre dernières promotions, indique Jean-Marc André, son président. Ce sont ces derniers qui ont le plus besoin du réseau. Mais l'ensemble des 2 000 anciens sont bienveillants à l'égard du réseau du MAI qui marche très fort.»

Pour favoriser les échanges, l'association organise quatre à cinq fois par an un «pot des anciens«, un rendez-vous informel qui a lieu à Paris, dans le cadre sympathique et animé d'un café du quartier de la Bourse. De plus, deux à trois fois par an, des conférences abordent des sujets variés comme les achats dans les pays à bas coûts ou le reporting. Elles sont l'occasion de nombreuses discussions entre les adhérents. «Il est difficile de quantifier les échanges qui ont lieu la plupart du temps de personne à personne, dans une relation de confiance», précise Jean-Marc André.

De son côté, l'ACA, l'association des anciens étudiants achats d'HEC, organise aussi régulièrement des conférences. La dernière en date est, par exemple, revenue sur un sujet majeur de benchmarking: «Les systèmes d'information et les outils Internet de la fonction achats et supply chain: quel bilan aujourd'hui?». Parallèlement, l'ACA approfondit chaque année un nouveau sujet. L'association a récemment produit une étude sur les achats et le développement durable.

FRANCOIS LADRET, responsable maintenance et achats, Institut Technologique FCBA

FRANCOIS LADRET, responsable maintenance et achats, Institut Technologique FCBA

Témoignage
«Nos échanges portent sur l'emploi, le sourcing et les procédures d'achat»

Plus de 1 000 inscrits en 2007. Le Groupe Emploi Achats (GEA) créé en novembre 2003 sur Yahoo! par François Ladret a vite progressé. «L'idée de départ était de partager des informations sur le marché du travail et de permettre aux demandeurs d'emploi de rester en contact avec la profession. Les échanges se sont naturellement étendus aux pratiques achats, au sourcing et aux procédures», raconte le responsable maintenance et achats. «Dans notre groupe, les acheteurs peuvent s'inscrire de manière anonyme, sans mentionner leur entreprise. Cela favorise la confidentialité des informations partagées et la liberté de parole», souligne François Ladret. Le fonctionnement par e-mail du Groupe Emploi Achat permet de communiquer sur des sujets concrets, mais se prête peu aux grands débats. C'est au cours des dîners organisés tous les deux mois à Paris que les échanges se développent. «Lors d'une dernière rencontre, nous avions parmi nous quatre acheteurs de constructeurs automobiles, un professionnel d'une agence de publicité du secteur et un autre qui travaille chez un équipementier. Notre dîner s'est transformé en soirée automobile», s'amuse François Ladret. Une formule qui fait recette, puisque ces dîners sont aussi organisés à Lyon et à Bordeaux.


Institut
Technologique FCBA

- ACTIVITE: Centre technique industriel au service des entreprises du bois et de l'ameublement


- BUDGET: 23 millions d'euros (2006)


- EFFECTIF: 258 personnes

EXPERIENCE
Benchmarker les bonnes pratiques dans la presse

En dehors des clubs d'acheteurs et des sites internet consacrés à la fonction achats, la lecture de la presse est aussi un moyen de se renseigner sur les expériences vécues par les autres entreprises, voire de nouer par la suite un contact avec les personnes interviewées.


Comme la plupart des cadres en entreprise, les acheteurs lisent la presse quotidienne, en particulier Les Echos ou La Tribune. Néanmoins, les journaux nationaux consacrent peu de colonnes aux politiques achats des entreprises et les acheteurs se tournent naturellement vers la presse spécialisée. «Il n'y a pas beaucoup de magazines consacrés à la fonction achats et tout le monde les connaît, glisse Olivier Menuet, manager achats indirects pour l'Europe chez Rhodia. Je lis également quelques mensuels, comme L'Usine Nouvelle. J'archive les articles qui m'intéressent mais je ne vais pas jusqu'à contacter les entreprises qui témoignent, je n'ai pas le temps.» Par ailleurs, Olivier Menuet est également abonné à plusieurs newsletters qu'il reçoit chaque semaine.
Ici, le benchmarking s'apparente davantage à de la veille. L'archivage des articles de presse est une pratique courante chez les acheteurs. Cela permet de rassembler, dans un dossier, des informations sur un marché ou sur une entreprise comparable à la sienne. Les données recueillies peuvent ensuite servir pour préparer un cahier des charges. «Lorsque nous présentons nos recommandations à la direction générale ou aux directions opérationnelles, des archives de presse sont classées en annexe du dossier, explique la directrice achats d'un célèbre établissement financier. Cela permet à nos interlocuteurs de voir ce qui se passe dans les autres entreprises ou de mieux appréhender les tendances d'un marché.»


L'intérêt des archives en ligne
Dans certaines entreprises, la lecture de la presse fait donc partie intégrante des bonnes pratiques achats encouragées par la direction. «Je demande à mes acheteurs de s'abonner aux magazines spécialisés dans leur domaine, témoigne Pascal Benoît, directeur achats et immobilier chez PriceWaterhousesCoopers. Sur des familles d'achats moins fréquentes, ils nous arrivent d'aller récupérer les magazines dans les autres services.» Pour ce dernier, l'objectif est de récolter un maximum d'informations. A ce titre, l'archivage en ligne des papiers déjà parus est une fonctionnalité très appréciée. Pascal Benoît relativise néanmoins l'importance de la presse dans une démarche de benchmarking, qui fait également appel à bien d'autres sources d'informations. «Les réseaux d'anciens, par exemple, sont beaucoup plus efficaces», illustre-t-il.

Décision Achats arrive sur le Net!

- Depuis le 1er novembre, le site internet de Décision Achats, le magazine opérationnel des acheteurs, est en ligne. Ses fidèles lecteurs peuvent y retrouver toute l'info achats en temps réel (rubrique «Actualités»), ainsi que les news des autres magazines du groupe de presse Editialis auquel Décision Achats appartient (rubrique «Toute l'info en continu»). Un dossier du magazine papier est mis en avant chaque semaine (rubrique «A la une»), ainsi qu'une sélection d'articles déjà parus sur un sujet donné (rubrique «Dossier thématique»). A noter que les abonnés pourront accéder aux archives du magazine et rechercher ainsi toutes les informations sur les familles d'achats qui les intéressent.
www.décision-achats.fr

Echanges de bonnes pratiques sur la Toile

A l'instar des associations, Internet a également accéléré le développement du benchmarking entre acheteurs. Premier outil qui a prouvé son efficacité, la mailing list. «A l'ACA, nous avons une liste de diffusion de 135 membres. Les adhérents peuvent l'utiliser pour poser une question sur un point précis. C'est un outil terriblement efficace», rapporte Olivier Wajnsztok. Philippe Favier, de l'Adra abonde dans le même sens: «Nous constatons parmi nos adhérents une demande accrue de conseils. Quand un membre de l'association a une question, il peut la poser sur notre site internet ou l'envoyer à tous par e-mail via notre secrétariat.»

Face à la multiplication des e-mails, certains acheteurs préfèrent échanger sur la Toile dans des forums ou des hubs, nouveaux espaces communautaires. «Pour faire face à la hausse des prix du papier, je souhaite avoir des retours d'expérience afin d'optimiser les coûts dans ce domaine. Est-il judicieux de passer en direct par un fabricant? Si oui, en avez-vous un à me recommander?», demande Stéphane sur l'un de ces hubs. Pour prolonger ces échanges, l'association Net Purchasing a choisi un hub de la plateforme de mise en relation professionnelle Viadeo. Un type de communication qui séduit, de plus en plus, les clubs d'acheteurs. De son côté, l'association des anciens de l'Institut du management de l'achat industriel vient d'opter pour la construction d'une plateforme d'échanges sous la forme d'un site internet.

Un moyen de se rassurer

Associations, clubs, réseaux d'anciens élèves, Internet... Pour autant, il ne se passerait rien si les acheteurs ne trouvaient pas un intérêt professionnel majeur à cette démarche.

Grâce au benchmarking, les acheteurs peuvent bénéficier rapidement d'informations et de données déjà traitées par un autre. «La vraie information, utile et de valeur, est rare, note cependant Olivier Wajnsztok. Il y a aujourd'hui une crise de l'information. C'est pour cela que le benchmarking est encore appelé à se développer.» De son côté, Lucien Isnard met en garde les acheteurs contre l'utilisation intensive de Google et d'autres moteurs de recherche. «Il faut prendre avec pondération les informations que l'on trouve sur Internet», conseille-t-il. Le goût du contact doit être ainsi une motivation importante du benchmarking. «Le travail de l'acheteur est relativement solitaire, car il a peu de collègues», explique Philippe Petit. «Il y a un aspect purement humain dans le benchmarking, le besoin de se rassurer», complète avec psychologie Olivier Wajnsztok.

Cette ouverture fait aujourd'hui partie intégrante de la culture des acheteurs. «En dix ans, la fonction achats a beaucoup progressé et a gagné en maturité. Le benchmark entre acheteurs, qui est devenu une pratique courante, n'y est pas étranger», analyse Philippe Petit. Attentifs aux pratiques du marché, les acheteurs voient aussi dans le benchmarking un moyen de contrebalancer le pouvoir des fournisseurs. «Les prestataires discutent entre eux et savent défendre leurs intérêts. Nous voulons également être force de propositions sur tel ou tel marché plutôt que de subir ses évolutions», avance Lucien Isnard.

Christian Mauduit, Demos

«Les sources d'information sont multiples: revues, conférences, syndicats professionnels...»

PIERRE-YVES LAVAUD, chef de groupe achats indirects, Alstom

PIERRE-YVES LAVAUD, chef de groupe achats indirects, Alstom

Témoignage
«Nous avons pris goût à nous rencontrer»

Quinze rames de TGV par an produites à La Rochelle: Alstom est une entreprise qui compte en Charente-Maritime. «Avec d'autres grandes entreprises de la région, nous avons créé en 1995 l'association d'acheteurs HA 17. Nous avons pris goût à nous rencontrer», se félicite Pierre-Yves Lavaud, aujourd'hui trésorier de l'association. «Les PME sont également présentes et s'intéressent aux indicateurs des grandes entreprises», précise-t-il. Aux 75 cotisants représentant 45 entreprises, il faut ajouter de nombreux sympathisants, dont les étudiants de l'ISAAP (Institut supérieur des achats et des approvisionnements de Rochefort). Une école créée grâce à l'implication des membres d'HA 17. Tous les deux ou trois mois, l'association réunit quarante à cinquante personnes au cours de manifestations qui prennent la forme de visites d'entreprises ou de soirées thématiques. On y traite de sujets très concrets, par exemple les ficelles de la négociation ou bien la création d'un panel fournisseurs. D'autres soirées font le point sur un type d'achats, comme le transport, l'énergie ou les contrats de maintenance. «La rencontre débute par une présentation faite par un prestataire ou même par deux fournisseurs concurrents, comme cela a été le cas pour l'électricité et la téléphonie», explique Pierre-Yves Lavaud qui apprécie notamment la convivialité autour des débats organisés par l'association.


Alstom
- ACTIVITE: Infrastructures d'énergie et de transport ferroviaire


- CHIFFRE D'AFFAIRES: 13,4 milliards d'euros (2006)


- EFFECTIF: 65 000 personnes

Des limites à ne pas dépasser

Mais certaines limites ne doivent pas être dépassées. Les associations d'acheteurs insistent sur l'importance éthique de ne pas communiquer les prix. «Nous n'échangeons pas sur les prix, c'est une règle déontologique. Cela nous ferait perdre la crédibilité et la confiance des fournisseurs», assure Lucien Isnard. Au-delà de l'éthique, le droit régit ces questions sensibles. L'entente anticoncurrentielle, en particulier l'entente tarifaire, est une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du code de commerce. De plus, la communication entre acheteurs est limitée par la confidentialité des contrats signés avec les fournisseurs. «Récemment, nous avons fait un benchmarking sur des cabinets d'audit de méthodes de cost-saving. Nous avons bénéficié d'un retour d'expérience sur la méthode à utiliser. Mais nous n'avons pas communiqué les résultats qui sont protégés par des accords de confidentialité passés avec les cabinets d'audit», témoigne Philippe Favier de l'Adra. D'un point de vue pratique, les acheteurs insistent sur la relative inefficacité de l'échange de prix ou de résultats, chaque cas étant souvent particulier. «Dans l'univers du voyage d'affaires, il n'y a pas de vérité unique, illustre Lucien Isnard. Les informations ne sont pas toujours transposables d'une entreprise à l'autre. Notre typologie d'achats touche à l'humain. Elle est liée à la politique de ressources humaines propre à chaque entreprise.» Autre limite du benchmarking, la réserve des acheteurs sur certains sujets. «La bonne selle, on se la garde», avoue un acheteur qui ne communique pas facilement ses bons plans en matière d'événementiel. La préservation de l'image de l'entreprise est aussi un frein non négligeable aux échanges. «Communiquera l'extérieur peut avoir des effets désastreux, en particulier au niveau de la perception de la qualité», explique Olivier Wajnsztok. Des réductions de coûts annoncées pourraient, en effet, être perçues comme une baisse de la qualité du produit proposé par l'entreprise. Conscients de ses limites, les acheteurs ont cependant tout intérêt à se servir du benchmarking, un outil facile à utiliser qui a prouvé son efficacité. La poursuite du développement des réseaux prédit un bel avenir à cette bonne pratique de la fonction achats.

 
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Luc Perin

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