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Audits comptables et financiers: sortir de l'ombre du DAF

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Les prestations intellectuelles délivrées par les cabinets de commissariat aux comptes sont commanditées par le directeur administratif et financier. L'acheteur, pour sa part, n'intervient que ponctuellement dans un processus d'acquisition de missions d'audits comptables et financiers encore peu ouvert...

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En France, la relation contractuelle qui lie l'entreprise à l'auditeur pour une durée de six ans est relativement encadrée. Les commissaires aux comptes sont contrôlés par un haut-commissariat et se doivent d'appliquer un code de déontologie. «Pour le secteur public, la réglementation en matière d'achat de prestations d'audit est précisément définie en fonction de la structure, de la taille ou encore du montant des missions d'audit réalisées», explique Guy Isimat-Mirin, associé chez Mazars France, un des poids lourds du métier. «En revanche, il n'y a pas d'obligation pour les entreprises privées mais des pratiques légales, différenciées selon la taille des sociétés clientes, l'existence en leur sein de comités d'audit, et/ ou leur présence sur des marchés cotés», poursuit le commissaire aux comptes. En effet, la loi du 1er mars 1984 instaure que seules les sociétés anonymes ou en commandite par action doivent faire réaliser des audits comptables et financiers par des commissaires aux comptes (CAC).

Comment s'établit la relation contractuelle entre le cabinet d'audit et l'entreprise cliente? Généralement, elle se fait par le truchement du directeur administratif et financier de l'entreprise, prescripteur du besoin. Quant aux acheteurs, «nous ne les rencontrons que très ponctuellement, relève Guy Isimat-Mirin (Mazars), essentiellement en amont du processus achats pour se présenter à l'entreprise et se faire référencer ; parfois aussi au moment des consultations, lorsque les acheteurs font partie du jury à l'oral et après la consultation pour négocier les termes du contrat. » Une intervention plutôt erratique, sinon timide. «Les services achats se cantonnent à un rôle de support vis-à-vis du DAF, ils vont surtout intervenir dans la pondération du critère prix dans l'appel d'offres », déplore François Goncalves du cabinet Bellot Mullenbach & Associés. Or il ne s'agit pas d'un achat anodin, la dimension prix ne doit pas occuper plus de 60 % dans le choix d'un cabinet, les 40 % restants étant quant à eux destinés à l'évaluation des compétences du cabinet. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que les acheteurs gèrent la relation contractuelle avec le cabinet d'audit comptable et financier.

Guy Isimat-Mirin, Mazars France

«Pas d'obligation pour les entreprises privées, mais des différenciées.»

Une intervention exemplaire à la MGEN

« J'ai piloté le projet d'achat d'audit de A à Z», déclare fièrement Emilie Cogo, responsable achats de la mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN). Cette opération aura nécessité quatre mois de travail, de décembre 2009 à avril 2010. «A cette époque, le contrat de nos commissaires aux comptes pour comptes sociaux de la MGEN et les comptes sociaux combinés pour le siège MGEN Union arrivaient à échéance», explique-t-elle.

Pour entrer dans le jeu, l'acheteuse a tiré profit de la simplicité formelle des besoins: « Une vraie aubaine, se réjouit Emilie Cogo, puisque l'ensemble des diligences est déjà décrit par la réglementation. Du coup, la rédaction du cahier des charges s'est limitée à une seule page. » Une fois l'appel d'offres lancé, les candidats ont été présélectionnés sur la base de l'actualisation de leurs connaissances. «Nous avons été très attentif au niveau d'expertise des candidats, notamment sur la directive Solvabilité II», précise Emilie Cogo. Cette réforme réglementaire européenne relative aux fonds propres des compagnies d'assurance doit en effet entrer en vigueur à l'horizon 2013. La responsable achats a ensuite décortiqué les forfaits présentés par les différents cabinets: composition des équipes dédiées, profil de chaque auditeur, nombre d'heures d'audits consacrées aux entités de la MGEN... «Afin de pouvoir comparer entre elles des offres homogènes, nous avons imposé aux prétendants l'intégration de leurs frais administratifs dans le calcul des forfaits», poursuit l'acheteuse. Lors de la présentation devant la commission interne des achats et marchés, la direction achats a dû argumenter en faveur de son cabinet favori. Exercice délicat, puisque le président de la commission n'était autre que l'ancien trésorier général de la MGEN, chargé de référencer le précédent cabinet. Un mandat plusieurs fois reconduit! «Il nous a fallu convaincre ce dernier de la pertinence d'une mise en concurrence de cette prestation et d'un changement de CAC, précise-t-elle, au final, notre préconisation nous a permis de baisser les coûts d'audit de 53 % par rapport à la précédente convention. »

Quant à l'exécution du contrat, Emilie Cogo et son service se sont montrés intransigeants: «Nous avons obtenu un maintien des coûts pendant trois ans, alors que nous étions auparavant soumis à une indexation des coûts et un échéancier de paiement contraignant. De surcroît, nous disposons d'une évaluation annuelle de la performance de l'équipe qui nous est dédiée. Un travail réalisé chaque année par un associé du cabinet, externe à l'équipe en collaboration avec les responsables comptables et financiers. »

Emilie Cogo, MGEN

«Nous avons imposé l'intégration des frais administratifs dans le calcul du taux horaire, afin de mieux comparer les différentes offres. »

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Quand les scandales financiers ébranlent les cabinets d'audit

La confiance accordée aux commissaires aux comptes se fonde principalement sur le respect du code de déontologie et des diligences, ainsi que sur la bonne exécution du contrat. La compagnie nationale des commissaires aux comptes, instance chargée de contrôler le bon exercice des missions d'audits, a d'ailleurs édité un livre vert sur la politique et le rôle de l'audit. A ce titre, l'autorité rappelle que «les auditeurs jouent un rôle important et sont chargés d'une mission de contrôle des comptes en vertu de dispositions juridiques. Cette mission correspond à une fonction sociale, celle de fournir un avis sur la fidélité des états financiers des entités contrôlées». Pourquoi une telle insistance sur la confiance? Depuis les années quatre-vingt la notoriété de ces prestataires a été souvent entachée par des scandales judiciaires (Enron, Parmalat...). Dernière en date, la mise en examen d' Ernst & Young par l'Etat de New York pour complicité de fraude du bilan comptable de Lehman Brothers. L'un des Big Four se voit ainsi accusé d'avoir retiré plusieurs milliards de dollars de titres financiers pour masquer la retentissante faillite de la banque d'investissement. Même si ces poursuites judiciaires concernent avant tout des cabinets américains (PwC, Deloitte, KPMG et Ernst & Young...), elles ne peuvent laisser indifférentes les entreprises françaises. Les filiales locales de ces géants de l'audit n'ont d'ailleurs pas souhaité s'exprimer ici sur le sujet de la contractualisation de leurs prestations avec leurs clients.

 
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Sihem Fekih

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