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Acheteurs/consultants, comment enterrer la hache de guerre

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Réduction des coûts pure et dure, référencements discriminants... Autant de facteurs qui jettent le trouble dans les relations plus que jamais tendues entre acheteurs et consultants. Pour sortir de l'impasse, certaines directions achats matures n'hésitent toutefois pas à innover. A l'instar de celle d'EDF qui présente un véritable condensé de bonnes pratiques en la matière.

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Et si les acheteurs et les consultants finissaient par enterrer la hache de guerre? Voilà un voeu plus que souhaitable tant les relations entre ces deux professions sont loin d'être au beau fixe. En effet, si 60 % des acheteurs considèrent que leur relation avec les consultants s'est améliorée, moins d'un consultant sur quatre partage cette opinion, selon le dernier baromètre des achats de conseil, réalisée par le syndicat Syntec Conseil en management en partenariat avec la Cdaf. Des écarts d'appréciation qui se sont sensiblement accrus depuis 2009. Les raisons d'un tel différend? « Les pratiques abusives en matière de réduction des coûts qui ont repris du poil de la bête depuis 2011 », déplore Bertrand Maguet, administrateur de Syntec Conseil en management. Ainsi, plus de 60 % des consultants considèrent que la part accordée au prix dans l'attribution des missions de conseil en management est en progression depuis deux ans.

Cela étant, derrière les habitudes de cost killing dures à éradiquer, surtout en période de récession, se cache un désaccord bien plus profond entre les deux professions. « Il se traduit par l'impression très diffuse chez les cabinets de conseil que les achats méconnaissent la réalité de leur métier de consultant. Résultat: ils reprochent aux acheteurs de comparer les prestations de conseil de façon peu pertinente, par manque d'expérience et de compréhension », confie Jean-Luc Placet, président du Syntec. Un malaise qui se cristallise autour de divers points d'achoppement, parmi lesquels figure en bonne place la question du référencement. Si trois acheteurs sur quatre considèrent que celui-ci contribue à améliorer la relation avec les sociétés de conseil (ils en sont d'ailleurs davantage adeptes en 2012: six sur dix contre un sur deux en 2009), la proportion chez les consultants est exactement inverse. Ainsi, seulement un sur quatre partage ce point de vue.

Pourquoi un tel rejet des référencements côté consultants? «Pour nombre d'entre eux, ils sont synonymes de procédures administratives lourdes», répond Bertrand Maguet. Sans oublier leur caractère jugé discriminatoire vis-à-vis des petits cabinets. «Dans certains grands groupes, la structure de référencement est le plus souvent rigide, inadaptée et favorise les grands fournisseurs au détriment des plus petits et des spécialistes/experts qui n'ont pas les moyens, en interne, de se conformer à de tels process en montant des dossiers d'envergure», confirme Jean-Luc Placet. Des arguments légitimes qui méritent d'être entendus... Mais comment remettre en cause une pratique achats qui constitue l'un des fondamentaux du métier d'acheteur? Voilà une affaire qui paraît bien complexe! Pourtant, certaines directions achats n'hésitent pas à s'y atteler en remettant au goût du jour cette démarche sans pour autant renier son bien fondé.

Bertrand Maguet, Syntec

« Au-delà des pratiques de cost killing, les consultants ont le sentiment que les achats méconnaissent la réalité de leur métier.»

Consultants frustrés

« Certes, un système de qualification des fournisseurs s'avère utile, notamment pour fixer un cadre et un certain nombre de conditions telles que les prix, les délais... , qui n'ont plus alors à être rediscutées dans le cadre d'appels d'offres restreints où l'on s'attache plus spécifiquement aux prestations à réaliser, explique Pierre Schick, directeur achats tertiaire prestations à EDF. Toutefois, nous avons pris la mesure des limites d'une telle pratique: les cabinets doivent notamment s'acquitter de beaucoup de formalités sans pour autant avoir l'assurance de commandes formelles». En effet, avec un panel historique d'environ 700 cabinets qualifiés, EDF ne pouvait naturellement pas garantir du travail à tous. «En conséquence, les consultants en ressentaient une certaine frustration », souligne Pierre Schick. Pour mettre fin à cette situation, la direction des achats a décidé de modifier ses pratiques: «Nous avons ainsi lancé successivement, en 2006 puis 2010, deux grands appels d'offres à l'échelle européenne. Ils ont abouti à ramener le nombre de prestataires à 70 cabinets avec lesquels nous sommes maintenant en mesure de travailler plus régulièrement», souligne Lucas van Haren, pilote politique achats de prestations de conseil. Une pratique qui s'apparente à de la massification? «Loin de là, répond Lucas van Haren, notre objectif premier était d'optimiser le panel fournisseur et ce, en le segmentant via un référencement par lot en fonction de la nature du conseil. »

Attribution au mieux disant

Plus encore, le groupe EDF veille à privilégier un référencement large mêlant cabinets généralistes, spécialistes, grands et petits. «Il n'est pas question de travailler uniquement avec les acteurs leaders du marché. Car parfois, nos clients internes ont besoin de l'expertise de petits cabinets innovants, notamment dans le cadre de projets spécifiques», confie Pierre Schick, en rappelant qu'une telle approche s'inscrit dans la stratégie d'achats d'EDF sur le segment du conseil: acheter moins mais mieux. «La diminution progressive de nos dépenses de conseil nous incite à un recentrage sur les projets qui créent de la valeur. C'est pourquoi nous réfléchissons également à un futur référencement qui ne soit plus structuré par lotissement mais par valeur ajoutée apportée», explique Pierre Schick. Et pour permettre un tel sourcing stratégique, pas moins de cinq acheteurs dédiés aux achats de conseil ont été formés en interne. «Bien qu'ils soient experts sur ce segment, le référencement s'effectue toujours en commun avec les prescripteurs, rappelle Pierre Schick. Ainsi, lors d'une mise en concurrence, un partage clair des tâches est prévu: l'évaluation technique des dossiers incombe aux clients internes et la négociation commerciale aux acheteurs. » Dans chaque cas, l'attribution du marché se fait au mieux disant. «Plus l'offre proposée par le cabinet est innovante, plus nous acceptons d'attribuer les marchés sur la base de critères autres que le prix. Parfois, nous acceptons des offres 20 % plus chères», indique Lucas van Haren. Si ce système de «mieux disance» encourage et récompense les créateurs de valeur ajoutée, «il est toutefois mis à mal par la crise actuelle qui incite parfois certains cabinets à faire des offres de prix agressives, au-delà du raisonnable», alerte Pierre Schick.

Pierre Schick, EDF

« La crise actuelle incite parfois certains cabinets à faire des offres de prix agressives, au-delà du raisonnable. »

Chantiers d'avenir

Aussi, pour éviter que les cabinets les mieux notés techniquement soient pénalisés par ceux pratiquant du quasi-dumping, EDF réfléchit avec le Syntec à la mise en place d'un nouveau système de «mieux disance» permettant de récompenser en priorité les propositions des cabinets apportant de la valeur. «Il s'agit d'un de nos gros chantiers d'avenir tout comme la cotraitance entre nos consultants en interne et les cabinets extérieurs pour favoriser le transfert de compétences», explique Pierre Schick.

Autant de bonnes pratiques qui, une fois généralisées, devraient favoriser à terme la refonte des relations acheteurs/consultants... « Ce qui prendra certainement des années, déclare lucidement Jean- Luc Placet, et c'est justement pour booster un tel processus que nous prévoyons d'ores et déjà de porter la bonne parole auprès des syndicats professionnels reconnus comme le Medef. » Une manière d'élargir le débat au-delà des sphères très fermées des achats et du consulting.

Lucas van Haren, EDF

« Plus l'offre est innovante, plus nous acceptons d'attribuer les marchés sur la base de critères autres que le prix. »

 
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Charles Cohen

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