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Achats d'événementiel, une famille à conquérir

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Dans leur stratégie de communication, les entreprises privilégient de plus en plus l'organisation d'événements. Conventions, congrès, séminaires et lancements de produits en grande pompe se multiplient. Pourtant, les acheteurs sont encore peu sollicités alors que leur intervention permettrait d'éviter une dérive des coûts. A l'exception des grands comptes, l'événementiel reste la chasse gardée des directions marketing et communication.

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L'étude annuelle de l'Anaé (Association des agences de communication événementielle), appréhendant les évolutions du marché de la communication événementielle, est formelle: le poids des achats dans les consultations d'agences est en déclin. Alors qu'ils intervenaient dans 28% des consultations en 2005, ils ne l'ont fait que dans 22% des cas en 2006. En revanche, ils décident plus souvent du choix des prestataires. De 20% en 2005, la part des services achats à décider de l'attribution des marchés est passée à 22% en 2006. Les directions opérationnelles, la communication et le marketing reprendraient-elles donc le dessus sur les achats dans la mise en place d'événements? «Les prescripteurs internes veulent de plus en plus travailler avec les agences qu'ils connaissent bien et qui ont intégré la stratégie de l'entreprise, sans nécessairement passer par les achats et une procédure d'appel d'offres», commente Vincent Dumont, responsable de la communication de l'Anaé et directeur général de l'agence de conseil en communication événementielle Chaïkana.

Des acheteurs en rodage

Cependant, le rôle et la place des achats s'avèrent variables selon la taille des entreprises et leur activité. «Les secteurs de l'automobile, du luxe, des laboratoires pharmaceutiques, ainsi que quelques grands comptes isolés, sont ceux où les acheteurs interviennent le plus, indique Pierre-Franck Moley, codirecteur général de l'agence Le Public Système. La promotion de leurs produits passe inévitablement par l'événementiel. En revanche, partout ailleurs, les achats sont encore en phase de rodage.» Une ancienne acheteuse, membre de la Cdaf (Compagnie des dirigeants et acheteurs de France), dresse un constat similaire: «Les achats d'événementiel restent encore la chasse gardée des directions marketing et communication. Qui plus est, les acheteurs qui traitent ce type d'achats connaissent très peu le sujet et y viennent par hasard.» Les directions opérationnelles gardent donc la main, ce qui ne les empêche pas de demander conseil au service achats et de se faire assister sur certains points.

Ce manque d'expérience et de connaissance des acheteurs en matière d'événementiel fait naître une légitime méfiance de la part des agences. «Certains services achats ont compris les enjeux liés à l'événementiel, tandis que d'autres sont plus basiques dans leurs pratiques, observe Pierre-Franck Moley. S'ils font des coupes sombres dans les budgets, cela peut mettre en péril le déroulé même d'un événement.» Les acheteurs font malgré tout un travail nécessaire pour éviter les dérives. Pour ce faire, ils décomposent les prix au maximum. Cela vaut pour les prestations d'accueil, la vidéo, le traiteur, les nuits d'hôtel, la salle... Ils vont parfois jusqu'à exiger des agences une facturation au réel, ce qui limite les possibilités de marge des agences. Elles doivent donc se rémunérer d'une autre manière.

Avec l'intervention des achats, la rémunération des agences est donc en pleine évolution. L'Anaé préconise une diversification, à savoir un mix entre facturations de jour/homme, de conception et de marges sur prestations. «Il est de moins en moins question de jouer sur les marges de prestations, confirme Vincent Dumont. Le comparatif entre les différentes offres n'est pas qu'une question de prix de la prestation. Cela porte de plus en plus sur l'humain, sur le coût du ratio jour/homme.» Les agences semblent jouer le jeu, comme le montre l'étude présentée par l'Anaé: 78% facturent de la conception, 80% du jour/homme et 70% de la marge sur prestation.

Interview
«Un appel d'offres ne doit pas être systématique»

Chez Microsoft France, à l'instar des grands comptes, les achats interviennent sur une grande partie des dépenses d'événementiel, comme l'explique Céline Pauvert, senior procurement specialist.


Quelle est la politique d'achats d'événementiel de Microsoft France?
Il s'agit de notre deuxième poste de dépenses marketing, derrière la publicité. La stratégie achats est définie au niveau national. Elle vise à sélectionner un nombre restreint d'agences qui nous accompagnent dans la durée. Beaucoup d'annonceurs lancent une compétition pour tous leurs événements, pensant mieux contenir les coûts. Cela se traduit par de très nombreuses compétitions en réalité coûteuses, à la fois pour l'agence et pour l'annonceur. Une bonne agence sur quatre gagne une compétition, ce qui laisse imaginer les coûts cachés de ces appels d'offres à répétition, répercutés dans les coûts de structure de l'agence. De concert avec la direction communication, nous avons considéré qu'un appel d'offres était bénéfique quand le concept de l'événement devait être particulièrement créatif ou en rupture avec les modes de communication habituels.


Quelles sont les modalités d'intervention des achats?
Elles sont de trois ordres. D'abord, en début d'année, les conditions financières (niveau de profitabilité, délais de paiement...) et contractuelles (critères de performance...) sont négociées avec les agences référencées. A ce niveau, nous ne rentrons pas encore dans le détail de chaque événement. Second point, l'intervention des achats n'est pas systématique. Microsoft organise plusieurs centaines d'événements par an, de toute taille, auprès de cibles très larges (directeurs financiers ou informatiques, professionnels de l'informatique, grand public...). Ces événements sont, dans la mesure du possible, identifiés en début d'année ou de semestre. De concert avec la communication, nous établissons également la liste des événements à fort besoin créatif pour lesquels nous lancerons une compétition. Dans le cas d'un appel d'offres, nous décidons, avec la communication, de la liste des agences interrogées. Le brief est rédigé par les directions marketing et communication, la négociation est conduite par les achats. La décision reste collégiale. S'il n'y a pas d'appel d'offres, les achats analysent le devis des événements les plus importants en montant. Enfin, après les événements importants, nous menons des audits pour valider que les postes de dépenses de production (location du site, catering, réceptif...) ont été correctement négociés par l'agence.


Quel but recherchez-vous?
Les agences avec lesquelles nous travaillons se montrent transparentes dans la décomposition de leurs coûts. Beaucoup le sont de toute façon aujourd'hui, car elles ont l'habitude de travailler avec des acheteurs. Chacun doit trouver son intérêt. Travailler avec une agence qui fait des profits, et qui est donc capable de les réinvestir et d'innover, est crucial. Pour autant, les taux de profits doivent rester alignés avec le marché, avec le potentiel que nous représentons et avec le niveau de service apporté. L'objectif prioritaire des achats, dans la limite de nos contraintes budgétaires, est l'optimisation du retour sur investissement.

Ne pas toucher à la création

Les grandes agences, a I image du Public Système, ont intégré cette pression sur les prix. «Notre cotation en Bourse nous oblige à adopter une approche économique et rationnelle du développement de nos affaires, ce qui, de facto, nous met en phase avec les attentes de nos acheteurs», explique Pierre-Franck Moley. Cette agence a ainsi créé son propre service achats, censé effectuer le même travail que celui de ses clients et tirer les meilleurs prix des différents prestataires. «Nous avons également des juristes et des fiscalistes, ce qui permet de gérer l'ensemble des points périphériques liés à une opération», ajoute Pierre-Franck Moley. L'intervention des achats a donc permis de perfectionner certaines de leurs pratiques. «Les achats ont poussé les agences à se pencher sur les bonnes pratiques, à développer des prestations qualitatives, à accompagner le client, à participer au planning stratégique, à assurer un reporting, à mesurer la qualité, etc.», confirme Vincent Dumont. En somme, les agences ont rentabilisé leurs achats, permettant point par point de présenter un budget déjà optimisé.

Mais au jeu de la recherche du meilleur prix, il est un domaine que les agences refusent catégoriquement de sacrifier: la création. Elles déplorent que certains acheteurs tentent de négocier sur ce qui constitue la réelle valeur ajoutée de leurs prestations. Le créatif est, par essence, difficilement évaluable et totalement subjectif, selon elles. «L'intervention des achats est positive si elle se fait intelligemment, assure Vincent Dumont. Pour l'annonceur, il est normal de chercher à acheter au meilleur prix. Mais cela suppose que les acheteurs appréhendent toutes les données d'une opération. Par exemple, un film pour une convention pourra coûter 900 ou 4 000 euros, selon la compétence du réalisateur. L'un fournira une prestation de très grande qualité et originale, tandis que l'autre fera un travail plus quelconque. Il faut bien intégrer ces données et, à mon sens, ne pas se limiter à une lecture budgétaire des éléments. La créativité a un coût.» Aux agences de faire ensuite en sorte de respecter le budget alloué par le client. Ce poste est toutefois celui où les marges sont les plus importantes.

Des évolutions positives

Les agences se sont, en revanche, pliées à d'autres méthodes typiques des achats, et ce, parfois à contrecoeur. Le «coup par coup» en est un exemple. Les entreprises ont, en effet, tendance à remettre en concurrence les agences à chaque nouveau projet. «Il serait souhaitable qu'il y ait un partenariat entre le client et l'agence, propose Vincent Dumont. L'idéal est de choisir une agence qui réponde aux besoins et d'instaurer une relation sur la durée. Le coup par coup est une perte de temps pour les agences et pour les annonceurs. Cela multiplie les briefs, les présentations...» Les agences ne seraient donc pas opposées à des relations plus suivies et pérennes avec le client. Vincent Dumont rappelle également «qu'il faut plusieurs opérations pour comprendre la stratégie de l'entreprise.» L'événementiel n'est pas qu'une opération ponctuelle. L'étude de l'Anaé laisse toutefois entrevoir des évolutions positives. Elle révèle que les annonceurs font de plus en plus confiance aux agences et s'en remettent à leurs choix. Ils seraient également plus demandeurs de moyens de mesure d'impact de leur événement et rechercheraient des lieux ou des concepts de plus en plus originaux. Les clients s'en remettent donc volontiers aux agences sur les points requérant des compétences événementielles pures.

Au final, certaines méthodes des acheteurs reçoivent l'approbation des agences. «Quelques annonceurs mettent en place des contrats cadres qui fixent les conditions de collaboration (taux horaire journalier, engagement de qualité...), ce qui satisfait les achats qui ont ainsi une visibilité tarifaire, rapporte Pierre-Franck Moley. C'est aussi une barrière à l'entrée pour les autres agences.» Et pour le prestataire, c'est l'assurance d'être systématiquement remis en concurrence, s'il a, bien entendu, satisfait aux exigences préalables du client.

Quelques recommandations de l'Anaé sur les appels d'offres

L'Anaé veille au bon déroulement des transactions et négociations entre agences et annonceurs. Pour cela, elle propose toute une série de recommandations:
- Un brief écrit du client est la base d'un appel d'offres de qualité. Il comprend au minimum la présentation de l'entreprise et du contexte, les problématiques, la cible et les objectifs, l'historique des événements réalisés et les contraintes organisationnelles.
- La connaissance du budget ou de son enveloppe budgétaire (ouverte ou fermée) est un élément déterminant de la réponse de l'agence.
- Un échéancier mentionnera le planning de consultation, identique pour toutes les agences.
- L'annonceur doit indiquer les décisionnaires ayant validé le brief et préciser le nom de l'interlocuteur en charge du projet. La possibilité est offerte aux agences participantes de le rencontrer dans le cadre de la consultation.
- Afin de consacrer le temps nécessaire au bon suivi des agences et de s'assurer d'une meilleure mobilisation des énergies de celles-ci, l'Anaé propose qu'un maximum de trois à quatre agences soient mises en compétition.
- L'agence doit disposer d'un minimum de temps et de moyens suffisants (salle, écran...) pour présenter oralement sa recommandation en présence des décisionnaires du projet.
- Si l'agence perd l'appel d'offres, elle doit pouvoir demander et obtenir de l'annonceur ses motivations, être informée du choix de l'agence et des grandes lignes du projet retenu.
- L'Anaé conseille de consacrer à la phase préalable d'étude 1 à 2% du budget de l'événement par agence non retenue, afin d'indemniser le temps consacré et les frais techniques engagés (déplacements, infographie...).

 
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Damien Chalon, Florent Maillet

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