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«Trop de contraintes juridiques pèsent sur les acheteurs»

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Jean-Marc Peyrical s'inquiète de la fermeté des tribunaux en matière de commande publique et du besoin croissant des acheteurs de sécuriser leurs marchés. Le président de l'Apasp fait le point sur les évolutions du métier d'acheteur public, notamment face au secteur prvé.

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En avril dernier, vous avez organisé une rencontre autour du thème «A quoi sert le code des marchés publics?». Quels principaux enseignements en tirez-vous?

Jean-Marc Peyrical Le sujet retenu pouvait paraître provocant, mais il était lié à plusieurs questions d'actualité. Le rapport Lambert sur les relations entre l'Etat et les collectivités locales a proposé la suppression du code, celui de Lionel Stoléru préconise que les hôpitaux n'y soient plus soumis, une partie du code 2006 portant sur les marchés de définition est de nouveau contestée par la Commission européenne... Cette rencontre était l'occasion de connaître les intentions de Catherine Bergeal, la nouvelle directrice des affaires juridiques du ministère de l'Economie. Elle a indiqué, entre autres, que la suppression du code n'était pas à l'ordre du jour et qu'un simple toilettage de certaines dispositions, et non une nouvelle réforme, était envisagé.

@ ARNAUD OLSZAK

Vous avez abordé la question de la suppression du délit de favoritisme, qui n'est pas non plus d'actualité selon Bercy.

En tant qu association, nous représentons nos 2000 adhérents. Nous nous devons de répondre à leurs préoccupations. L'interrogation principale est la suivante: comment «sécuriser» le métier d'acheteur? Le délit de favoritisme est un élément parmi d'autres qui crée une insécurité juridique, jurisprudentielle notamment, qui inquiète les acheteurs publics, alors que leur métier commence tout juste à être reconnu. Aujourd'hui, ce délit n'est pas concerné par la dépénalisation du droit des affaires. Mais il faudrait un cadre juridique administratif et pénal clair: le délit de favoritisme doit-il être envisagé de manière objective, à partir des seuls faits, ou ne serait-il pas nécessaire que le juge aille plus loin dans son enquête et prouve l'intention? Les décisions de la justice administrative ou pénale sèment le trouble car elles frappent parfois de manière très rude, y compris pour des marchés de faibles montants. Cela crée une crainte chez l'acheteur. Résultat: pour les marchés inférieurs à 90000 euros, certains s'imposent une publicité qui n'est pas déterminée par la loi. Et ce, au détriment de l'efficacité. L'acte d'achat devient stérile car on cherche à se protéger à outrance. Ce n'est pas l'esprit du code.

Quelle idée défendez-vous?

A partir du moment où les grands principes que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures sont respectés, la justice doit faire preuve de réalisme. A mon avis, il faut tenir compte des contraintes imposées aux personnes publiques, mais également être conscient des conséquences que peuvent engendrer les annulations de marchés pour de simples problèmes de forme, comme les cases à remplir dans les avis de publicité.

Les acheteurs publics peuvent évoluer dans des contextes très différents. Est-ce un frein à la professionnalisation des achats?

Ce métier, qui est exercé par 70000 personnes, se caractérise effectivement par une grande hétérogénéité. Il varie selon que l'on travaille dans de petites collectivités, des établissements publics, au sein de l'administration d'Etat, dans les hôpitaux... Par conséquent, il faut dégager des thématiques transversales. La formation des acheteurs est un premier point, qui suppose d'acquérir les connaissances de l'achat public dès la formation initiale. Le second point, c'est le développement de techniques d'achats dynamiques qui participent à la professionnalisation des achats: accords-cadres, dématérialisation, techniques de sourcing... Quelle que soit la taille ou les caractéristiques de la personne publique, ces thématiques de professionnalisation sont communes. J'en ajouterai une, que nous avons mise au coeur de notre prochain séminaire de juin: favoriser la signature de chartes de déontologie de l'acheteur public, à l'image de celle qu'a mise en place le ministère de la Défense. Cette démarche est d'autant plus nécessaire que la modernisation de l'Etat et, plus globalement, du secteur public, s'appuie sur la réorganisation des achats.

Vous prônez également un rapprochement entre la sphère publique et le privé. Quelles initiatives menez-vous?

Nous organisons des séminaires sur des thèmes comme la négociation ou la relation entre l'administration et les candidats évincés, où nous convions les entreprises en tant que fournisseurs. Le vrai défi de ces rencontres, c est d abord d intéresser les entreprises aux marchés publics, un domaine qu'elles perçoivent comme trop technique ou compliqué... Au travers du site internet de l'Apasp, nous souhaitons concrétiser ce rapprochement en permettant aux fournisseurs d'accéder à des offres pour les marchés à procédures adaptées. Ces derniers mois, nous avons recensé plusieurs centaines de connexions mensuelles.

Et concernant les relations entre acheteurs publics et acheteurs privés?

Ces deux mondes s'ignorent encore trop souvent. Néanmoins, grâce à d'autres organisations comme la Compagnie des acheteurs de France (CDAF), nous avons organisé des conférences où des acheteurs du secteur privé sont venus témoigner de leur expérience sur des thématiques communes aux deux sphères telles que les enchères inversées ou la dématérialisation. Ce dialogue doit être poursuivi et renforcé.

@ ARNAUD OLZSAK

Biographie

Jean-Marc Peyrical, 42 ans, préside depuis 1995 l'Apasp. Docteur en droit public, il est avocat associé et exerce des fonctions de conseil et de contentieux auprès des structures publiques locales et nationales. Il intervient également à l'Université Paris XI (Jean Monnet) en tant que maître de conférences. Il codirige le master 2 «Entreprises et services publics» et dirige le master 2 «Entreprises et droit de l'Union européenne».

L'Apasp

Créée en 1962 par Bercy, l'Association pour les achats dans le secteur public est autonome depuis les années quatre-vingt-dix. Elle regroupe environ 2000 structures publiques et 10% de ses membres sont des entreprises. L'Apasp recueille les besoins exprimés par les administrations et repère les entreprises susceptibles d'y répondre. Elle assure des formations en achats publics destinées aux acheteurs et aux entreprises, afin défavoriser les relations entre les deux sphères.

 
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Florent MAILLET

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