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«Nous ne serons jamais des cost killers»

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Thierry Papillon a pris en charge la coordination des achats de la Cnam, un poste créé en début d'année. Ancien de la Mifa et du ministère de la Défense, il a participé de l'intérieur à l'émergence de la fonction achats au sein de l'Etat. Il nous fait partager son expérience à un moment-clé de l'évolution de la fonction d'acheteur public.

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@ ARNAUD OLSZAK

Vous avez quitté la Mission interministérielle France achats (Mifa) pour la Cnam. Pourquoi ce choix?

Thierry Papillon: La Mifa a été dissoute en début d'année, en raison de la création du service achats de l'Etat (SAE). Deux opportunités se présentaient à moi: intégrer le SAE ou rejoindre la Cnam, qui m'a contacté pour ce nouveau poste de coordinateur des achats. J'ai choisi cette seconde option. Outre la mission de coordination des achats au sein des différentes directions, je conserve une dimension opérationnelle avec la possibilité de passer des marchés. C'est ce dernier point qui a fait la différence.

Quels sont vos objectifs?

A la Cnam, la fonction achats est déconcentrée dans les différents services prescripteurs. De plus, la direction des affaires juridiques héberge un département «marchés publics», qui rédige des marchés et pilote la procédure pour les directions sans acheteur. Autrement dit, l'intervention des achats n'est pas systématique: nous ne sommes pas en mesure de travailler sur tous les dossiers auxquels nous pourrions apporter une valeur ajoutée. L'objectif est simple: nous devons faire en sorte que les trains arrivent à l'heure, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de rupture entre deux marchés pour ne pas pénaliser le client interne. Cela suppose notamment de développer le dialogue entre prescripteur et acheteur, afin de détecter les besoins et de lancer les marchés à temps. Ensuite, toujours en amont, les achats doivent se positionner dès le stade des prévisions budgétaires pour développer la bonne stratégie. Tout cela devrait permettre de fluidifier les procédures. Il faut surtout éviter que l'intervention des achats soit perçue comme une «surcouche» administrative.

Biographie

Diplômé de l'Ecole des cadres en gestion financière, ingénieur d'études et fabrication de l'armement, Thierry Papillon, 57 ans, a débuté sa carrière au ministère de la Défense en 1974. A la Délégation générale pour l'armement, il a été responsable achats finances et chef de projet système d'information auprès du sous-directeur administratif de 1994 à 1997. A l'Etablissement central de soutien, il a occupé les postes de chef de la division des achats de 2000 à 2003, puis de sous-directeur de la comptabilité et des achats. En position de détachement depuis juillet 2007, il a rejoint le ministère du Budget et, plus précisément, la Direction générale de la modernisation de l'Etat. En février 2008, il devient responsable de la mission de coordination des achats de la Cnam.

« La crise impose, plus que jamais, d'être vigilants et performants dans nos achats. »

Et vis-à-vis des fournisseurs?

La professionnalisation des achats publics passe en partie par l'instauration d'une véritable relation fournisseurs. Première étape: nous devons leur parler d'une seule voix, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par exemple, les clauses dans les contrats d'achats peuvent être différentes selon les services de la Cnam, de même que les bons de commande. C'est pourquoi nous devons instaurer un véritable dialogue. A terme, je souhaite instituer une journée annuelle de rencontre entre les acheteurs et les fournisseurs de notre établissement. La connaissance du marché fournisseurs est une brique essentielle dans la montée en compétence de l'acheteur en matière économique. Cette dimension reste encore marginale par rapport à la culture juridique dans les marchés publics. C'est une autre piste de progrès qui nécessite des plans de formation des acheteurs publics.

Quelles seront vos relations avec l'Etat?

L'Etat est un peu le «grand frère» des établissements publics. Cela suppose que nous suivions son actualité et que nous regardions de près les pistes de mutualisation. Par exemple, pourquoi ne pas imaginer, si cela entre dans la stratégie de la Cnam, de se greffer sur des marchés interministériels? En tout cas, l'établissement est déjà engagé dans le mouvement de mutualisation spécifique au secteur des assurances sociales, dans les domaines de l'affranchissement, du matériel informatique, de la téléphonie fixe et mobile.

Vous étiez aux premières loges lors des audits Copé de modernisation des achats et la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Comment analysez-vous ces grandes phases du développement des achats publics?

En 2006, ces audits ont mis les achats publics sous tension. Par définition, ils ne s'inscrivent pas dans le temps, mais ils donnent une impulsion. Pour la première fois, l'Etat connaissait précisément le montant de ses achats et les services acheteurs étaient identifiés. La Mifa est née de ces audits pour travailler sur des thèmes transversaux, comme la mutualisation des marchés ministériels ou la dématérialisation. Pour les achats de l'Etat, le véritable tournant a été la RGPP, fin 2007. Celle-ci a concrétisé le mouvement de professionnalisation et de reconnaissance des achats en fixant plusieurs objectifs mais aussi en donnant les moyens adéquats. Quant à la création du SAE, elle traduit la reconnaissance de la fonction et permet de parler d'une seule voix. Cela donne du poids au moment des décisions. Chorus, le système d'information budgétaire et comptable de l'Etat, comprendra ainsi une brique achats, ce qui était loin d'être évident au départ. De plus, les objectifs d'économies assignés par la RGPP responsabilisent chacun des acteurs. Mais, et c'est peut-être l'un des points les plus importants, la Direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME), qui fournit les instruments de pilotage de la RGPP, a apporté une méthode. Chacun détient sa feuille de route: on connaît les objectifs, on sait comment les atteindre, par exemple en imposant, si besoin, la mutualisation entre ministères. Et ça, c'est une véritable nouveauté.

La RGPP a fixé des objectifs ambitieux: 1,3 milliard d'euros d'économies sur un volume d'achat de 15 milliards. Cette ambition ne risque-t-elle pas d'être noyée par les déficits occasionnés par la crise?

Certains peuvent douter et se dire: vu l'état des déficits, à quoi bon économiser un milliard d'euros? Cette lecture est erronée. Car nous sommes en charge de deniers publics. Il faut prendre le problème à l'envers et dire que la crise impose, plus que jamais, d'être vigilants et performants dans nos achats.

On pourrait penser que le plan de relance de l'économie envisage la commande publique comme un moyen de soutenir les entreprises. Cela signifie-t-il qu'il ne faut pas être trop regardant sur les prix pratiqués?

@ ARNAUD OLSZAK

L'acheteur public n'est pas un cost killer. Il s'inscrit dans la durée, avec des contrats rarement inférieurs à trois ans. Il a des obligations particulières, en matière de développement durable ou de responsabilité sociale. A l'inverse, la commande publique n'est pas une subvention. Il faut tenir un langage de vérité à des fournisseurs qui sont peu habitués encore à la recherche de l'efficience dans les marchés publics, ou à des remises en concurrence fréquentes. C'est un service à leur rendre pour leur propre compétitivité. Tout ceci nécessite des explications et un dialogue, hors des phases de procédure. Il fut une époque où l'administration interdisait aux acheteurs tout contact, même écrit, avec les fournisseurs ou les candidats aux marchés publics. Ce temps est révolu.

La cnam

La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés pilote un réseau de plus de 200 organismes, notamment les caisses primaires et régionales. Elle assure la gestion nationale des branches maladie, accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la Sécurité sociale. Elle veille à l'équilibre entre dépenses et ressources publiques. Selon le dernier audit achats de 2006, le montant annuel des achats s'élève à 93 millions d'euros, dont 63 millions pour l'informatique, 13 millions pour les services généraux ou, encore, 6 millions pour la communication.

 
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Florent MAILLET

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