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«Les prestations intellectuelles sont nos achats les plus stratégiques»

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Le Conseil de l'Europe a fêté le 60e anniversaire de la première réunion de l'Assemblée, qui s'est tenue à Strasbourg, le 10 août 1949. L'occasion de se plonger dans la mécanique des marchés publics d'une institution internationale symbolisant les droits de l'Homme.

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A quel type de législation une organisation internationale comme le Conseil de l'Europe est- elle soumise pour ses marchés?

MARIO MARTINS ; Nous sommes une organisation internationale dotée d'une personnalité juridique reconnue par le droit public international. Nous ne relevons donc d'aucun droit national, même si notre siège est situé en France, à Strasbourg. Nos règles sont définies par des règlements intérieurs, et ce quel que soit le domaine. Au Conseil de l'Europe, c'est le comité des ministres qui établit ces règles. En matière de marchés publics, nos textes reprennent assez classiquement les grands principes appliqués dans les pays membres: liberté d'accès aux marchés pour les fournisseurs, égalité de traitement entre les candidats ou encore mise en concurrence.

Toutes les organisations internationales appliquent-elles ces mêmes principes?

Chacune est libre de définir ses propres règles dans le respect des principes généraux de la concurrence... Certaines organisations appliquent le principe du «juste retour», c'est-à-dire qu'elles attribuent leurs marchés qu'à des entreprises des Etats membres. Nous n'avons pas choisi ce mode de fonctionnement. Certes, dans les faits, nous constatons que, parmi nos fournisseurs, les entreprises européennes sont nombreuses, notamment des sociétés françaises et allemandes. Mais cela tient principalement à notre situation géographique. De plus, nos marchés n'atteignent pas des montants très importants, puisque notre budget annuel d'achats s'élève à environ 40 millions d'euros. Ce sont donc essentiellement des entreprises locales qui y répondent. Cependant, nous lançons quelques marchés dont les montants peuvent être importants, par exemple en matière d informatique. Dans ce domaine, nous comptons ainsi des fournisseurs indiens.

Comment se règlent les litiges avec les fournisseurs?

Ils disposent, bien entendu, de recours s'ils s'estiment lésés. Chaque contrat comporte une clause qui renvoie à la partie «arbitrage» de notre réglementation interne. Tout litige est soumis, à défaut de règlement amiable entre les parties, à la décision d'une commission arbitrale composée de deux arbitres nommés par chaque partie et d'un «surarbitre» désigné par ces deux derniers. Dans le cas où aucune désignation de «surarbitre» n'interviendrait dans les conditions prévues ci-dessus et dans un délai de six mois, le président du tribunal de grande instance de Strasbourg procède à cette désignation.

Dans quelles langues publiez-vous vos marchés?

Le français et l'anglais sont les deux langues officielles du Conseil depuis sa création, en 1949. Cependant, notre règlement ne fait pas obligation de publier les appels d'offres dans les deux langues. Beaucoup de nos fournisseurs sont situés en Europe et principalement dans les régions proches de l'Alsace. La plupart des entreprises intéressées par nos marchés sont donc capables d'y répondre en français, en anglais voire en allemand.

Quelles sont vos principales familles d'achats?

Elles sont au nombre de trois. La plus stratégique est celle des achats de services intellectuels, pour un montant annuel de 6 millions d'euros. Il s'agit de prestations d'experts en matière juridique. Dernièrement, un Etat membre a, par exemple, sollicité le Conseil pour un avis sur la conformité de son nouveau code pénal avec les normes de notre institution. Dans ce cas, nous mandatons des juristes spécialisés et indépendants pour donner un avis en étroite coopération avec le secrétariat du Conseil. La deuxième grande famille d'achats est celle du matériel et de l'équipement, qui comprend les fournitures et les services. Elle représente 7 à 8 millions d'euros de dépenses annuelles. Enfin, le budget le plus conséquent est celui des «services techniques», qui s'élève à environ 25 millions d'euros. Il comprend plusieurs types de prestations. D'abord, les services au bâtiment comme le nettoyage ou la sécurité. Ensuite, une famille d'achats très importante pour une organisation internationale comme la nôtre, à laquelle adhèrent 47 pays européens: la traduction et l'interprétariat. Ne disposant pas d'assez de ressources en interne. Nous confions ces prestations à des sociétés spécialisées.

Quels types de process achats avez-vous mis en place?

La grande diversité des fonctions du Conseil de l'Europe plaide pour une gestion décentralisée. Cependant, les différentes entités prescriptrices sont soumises à des règles communes en matière de procédures et de gestion des achats. Par exemple, les bonnes pratiques en matière de gestion sont partagées et diffusées via un guide interne, mis à jour par un groupe de coordination. Ce dernier définit les éléments devant apparaître dans les cahiers de charges ou les délais de publication des appels d'offres. De plus, tous les achats d'un montant supérieur à 50000 euros doivent être obligatoirement approuvés par une commission des marchés où sont représentés la DGAL, le service juridique et l'auditeur interne de l'organisation. Pour les achats d'un montant inférieur, nous appliquons la règle des trois devis.

Dialoguez-vous avec d'autres organisations internationales sur le thème de vos achats?

Oui, principalement au travers du réseau Network for Procurement in International Organizations, auquel adhèrent une vingtaine d'organisations internationales dont la plupart gravitent autour de l'ONU, comme l'Organisation mondiale de la santé. Outre nos échanges par e-mails avec les différents responsables, nous nous réunissons une fois par an pour partager nos bonnes pratiques sur des sujets communs tels que la rationalisation des budgets «voyages professionnels». Un sujet sur lequel nous avons bien avancé au Conseil de l'Europe, avec la mise en place d'un système de gestion intégrée des frais professionnels et d'outils de réservation en ligne (Self Booking Tools) depuis 2008 pour optimiser un budget de 12 millions d'euros. La mission du Conseil est d'accompagner les Etats dans leur démarche de respect des droits de l'homme, mais cela passe également avec des règles de bonne gestion et de transparence.

Biographie

Mario Martins, 56 ans, est de nationalité portugaise. Titulaire d'une licence de génie civil de l'université de Porto (1975) et d'un doctorat de gestion publique de l'université de Birmingham (1983), il a d'abord dirigé un bureau d'études et de consulting en gestion publique. Il a intégré le Conseil de l'Europe à la fin des années quatre-vingt, d'abord au secrétariat des assistants parlementaires. Il a ensuite exercé plusieurs fonctions avant de prendre la direction générale de l'administration et de la logistique en 2003.

A savoir

La Direction générale de l'administration et de la logistique (DGAL) a pour mission de mettre à disposition des entités administratives du Conseil de l'Europe l'appui administratif, logistique et technique dont elles ont besoin. Le Conseil de l'Europe, dont le siège est à Strasbourg, regroupe 47 pays membres. Créé le 5 mai 1949, il a pour objectif de favoriser en Europe un espace démocratique et juridique commun, organisé autour de la Convention européenne des droits de l'homme et d'autres textes de référence sur la protection de l'individu. Son budget annuel est de 290 millions d'euros, le montant de ses achats s'élevant à 40 millions d'euros. 2200 agents y travaillent.

MARIO MARTINS, DIRECTEUR GENERAL DE L'ADMINISTRATION ET DE LA LOGISTIQUE (DGAL) DU CONSEIL DE L'EUROPE

 
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Florent MAILLET

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