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«L'achât est avant tout une question de méthode»

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Créée il y a trois ans, la direction achats de Terreal est en passe de gagner son pari: développer une culture achats efficiente au sein de l'entreprise. Retour sur les étapes- clés de cette professionnalisation de la fonction avec son directeur, Alexandre Billard.

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Trois ans après la création de la direction achats du groupe Terreal, quel regard portez-vous sur votre action?

ALEXANDRE BILLARD: Nous avons réussi à faire bouger les lignes et à insuffler une culture achats au sein de nos entités opérationnelles. Auparavant, Terreal était une filiale de Saint-Gobain et bénéficiait, à ce titre, des contrats-cadres de ce groupe international. Lorsque l'entreprise est devenue indépendante, nous sommes presque repartis de zéro. Le comité de direction souhaitait que nous améliorions la compétitivité de nos achats, avec un objectif de 5% d'économies par an. Nous devions également sécuriser nos familles les plus stratégiques et capter l'innovation chez nos fournisseurs.

Comment avez-vous procédé?

Tout d'abord, il faut posséder une vision très fine de ce que l'on achète. Pour ce faire, nous sommes partis de notre système d'information et nous en avons extrait toutes les données relatives à nos achats pour savoir qui achète quoi, à qui et pour quel prix. Ensuite, nous avons créé une direction achats au siège, en favorisant la mobilité interne, puis défini un plan d'actions par grandes familles d'achats.

Pourquoi n'avez-vous pas recruté en priorité des acheteurs expérimentés, habitués à évoluer dans ce genre de contexte?

Au-delà de la politique de l'entreprise en matière de ressources humaines, l'achat repose, selon moi, sur une méthodologie éprouvée et des leviers à actionner. On dit souvent que la fonction achats est une fonction commerciale. Je pense que c'est avant tout une question de méthode même si, bien entendu, le rapport humain est capital. Si un acheteur respecte cette méthode, il aura toutes les chances de bien acheter. Evidemment, je ne sous-estime pas la valeur ajoutée d'un acheteur expérimenté. Néanmoins nous avons préféré former des collaborateurs en interne.

Quels sont ces leviers?

Le premier concerne le produit et la capacité de l'entreprise à définir le juste besoin.

Le second levier a trait aux marchés fournisseurs. Grâce à des études approfondies, l'acheteur doit être capable de trouver les meilleurs prestataires susceptibles de répondre aux besoins. La connaissance de la structure de coûts des fournisseurs est un troisième levier essentiel. En effet, celui-ci permet de ne pas payer de surcoûts. Enfin, quatrième levier à actionner: la maîtrise par l'acheteur des aspects contractuels.

@ YVES KLEIN

« Acheteurs et financiers ne parlent pas toujours le même langage.»

Terreal

ACTIVITE
Production et commercialisation de tuiles, de briques et d'éléments de façade en terre cuite
CHIFFRE D'AFFAIRES 2008
454 millions d'euros
EFFECTIF
2 500 salariés
VOLUME D'ACHATS 2008
220 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS
18 collaborateurs (dont 8 acheteurs)
NOMBRE DE FOURNISSEURS 3000

Dans quelle mesure l'acheteur doit-il s'appuyer sur ses clients internes?

Pour réussir, il demeure essentiel que l'acheteur fasse adhérer ses clients internes. Sans l'expertise technique des opérationnels, il ne peut pas faire grand-chose. Il ne sert à rien de vouloir passer au forceps et nous ne sommes pas des donneurs de leçons. Ainsi, lorsque nous nous attaquons à une famille d'achats, toutes les fonctions concernées (production, qualité, maintenance, méthode, etc.) doivent être impliquées. Le but est qu'elles puissent s'exprimer et donner des pistes. Pour cela, nous avons notamment créé des fiches de gains qui leur permettent de communiquer sur leur contribution à la performance achats de l'entreprise. Ces fiches sont devenues un véritable outil de motivation pour les entités du groupe.

Comment fonctionnent, précisément, ces fiches?

Chaque service qui estime être à l'origine d'un gain de compétitivité peut remplir une fiche. Celle-ci est validée et signée par la direction financière, avant de venir alimenter un compteur groupe. Un reporting détaillé et décliné au niveau de chaque entité est ensuite diffusé chaque mois à l'ensemble des collaborateurs, permettant à chaque service de se situer par rapport aux autres et à ses objectifs. En 2008, l'ensemble des entités ont réalisé 574 fiches, ce qui représente un gain cumulé de plus de 3,3 millions d'euros. Fin août, nous avions déjà 516 fiches de gains, soit presque autant que l'année précédente. L'expression «fiche de gains» fait désormais partie du jargon de notre entreprise. Les responsables d'unités l'utilisent aujourd'hui pour manager leurs équipes.

Vous impliquez la direction financière dans ce processus. Pourquoi est-ce important à vos yeux?

Dans beaucoup d'entreprises, l'action des achats n'est pas suffisamment valorisée auprès des directions financières. Acheteurs et financiers ne parlent pas toujours le même langage. Réduire les coûts et annoncer des millions d'économies annuelles, c'est bien. Mais que se passe-t-il si le volume ou la répartition des achats de l'entreprise évoluent? Dans son compte de résultat, l'action des achats sera invisible pour le directeur financier. De notre côté, pour remédier à ce problème, nous nous engageons, par exemple lors de la préparation des budgets, sur des prix unitaires pour la majorité des produits et services achetés, ce qui permet à la direction financière de valoriser et d'intégrer le travail réalisé par mes acheteurs d'une année sur l'autre.

Comment traitez-vous vos achats hors production?

Contrairement aux achats de production, nos achats hors production sont plutôt traités au siège. Dans mon équipe, un collaborateur direct est chargé des frais généraux pour l'ensemble de l'entreprise. Si ce dernier est moins amené à se déplacer, il doit tout autant travailler avec les directions opérationnelles pour comprendre leurs besoins. Nous avons les mêmes objectifs d'économies sur nos achats hors production. Nous les considérons comme aussi stratégiques que d'autres familles d'achats, plus directement liées à la production.

« Il faut posséder une vision très fine de ce que Ton achète. »

Biographie

Alexandre Billard, 37 ans, est directeur achats de Terreal depuis 2005. Auparavant, il était responsable des achats chez Vallourec Précision Soudage (1997-2001), puis chez Gefco (2001-2005). Chimiste de formation, Alexandre Billard est titulaire du master achats de l'Essec.

 
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Sébastien DE BOISFLEURY

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