La sécurité des collaborateurs ne se résume pas à un achat !
Tout collaborateur peut être confronté à un trouble musculo-squelettique, voire à un fait accidentel. Gérer ses risques impose de structurer sa démarche et de l'axer durablement sur la performance sécuritaire.
Je m'abonneSi les besoins de sécurité apparaissent en seconde position dans la pyramide de Maslow, c'est loin d'être un hasard. Fondamentaux, ils influent sur la motivation individuelle. Durant les jours ouvrés, c'est à l'employeur que revient la lourde tâche d'assumer la sécurité des salariés. Et pour qu'elle soit ressentie par les collaborateurs, elle doit transparaître au quotidien. "La sécurité est une réelle composante du business", commente Elian Blanchon, directeur Business Line Conseil du groupe Apave. Cette démarche débute par la réalisation d'un diagnostic, de manière à identifier un plan d'actions. Et doit s'inscrire dans la durée pour atteindre un niveau d'excellence. "Le mieux est de démarrer avec une mesure simple et visible aux yeux de tous", précise Elian Blanchon.
Garantir un équipement sûr
Il est d'abord important de revoir sa copie en matière de matériel de sécurité collectif afin d'assurer la protection des sites. "Face à la demande, l'offre s'est étoffée sur les segments du balisage, de la signalétique et du guidage", avertit Alexis Clarke, directeur de l'offre et supply chain du groupe de Manutan. Les équipements de protection individuelle (EPI) répondent également à un marché plus segmenté que par le passé. Ils se déclinent au gré des besoins, avec des produits résolument plus légers et ergonomiques. Preuve en est avec les derniers modèles de chaussures de sécurité qui rappellent le design d'une basket, facilitant leur adoption par les usagers. "Il ne faut pas figer ses achats sur une longue période car les produits évoluent vite, s'adaptant aux besoins de productivité et de confort. Jugées trop coûteux il y a peu, les transpalettes électriques, qui contribuent à prévenir les troubles musculo-squelettiques, se rentabilisent 10 à 50 fois plus vite qu'auparavant", avance Alexis Clarke.
Avant une consultation, le mieux est de s'en référer aux opérationnels. Les interroger via un questionnaire peut être envisagé. Les convier aux essayages est tout aussi important. "Si l'équipement n'est pas accepté par l'usager, il ne sera pas porté", met en garde Elian Blanchon. Inéluctablement, ils vont savoir cibler les références qui satisfont à la réalité du terrain. Le potentiel surcoût peut être amorti dans la durée grâce à une meilleure adéquation avec les usages. Comme le préconise Alexis Clarke, "c'est le coût global qui doit être apprécié. Pour diminuer la facture, limitez le nombre de fournisseurs ; le coût de passation d'une commande avoisinant souvent les 100 euros. Essayez, sur certains produits, de basculer sur des marques de distributeur". De la même façon, il convient de mettre en place un process d'achat court et simple, en privilégiant l'e-procurement, afin qu'il soit suivi par l'ensemble des sites.
Selon l'étendue du catalogue, il peut être opportun de placer un distributeur automatique d'EPI sur sites. "Cette solution se prête aux consommables ayant une forte rotation, comme les bouchons d'oreilles ou les gants par exemple", informe Alexis Clarke. Seuls les salariés habilités peuvent y avoir accès via un badge RFID ou un mot de passe. Il présente l'avantage de dédouaner de la gestion, de l'approvisionnement et de la distribution des équipements. Aussi bien dimensionnée soit-elle, l'acquisition de biens matériels ne suffit pas à instaurer une culture sécurité durable qui nécessite une conscience pluridisciplinaire.
Des leviers d'actions multiples
La sécurité ne peut être pleinement assurée sans une étude approfondie des risques encourus par le panel de collaborateurs. Suivre les taux d'accidentologie, avec la DRH et la direction santé et sécurité, est un moyen d'identifier leurs causes et d'y pallier en conséquence. "Concentrez-vous sur l'analyse des accidents qui auraient pu avoir des conséquences graves", préconise Elian Blanchon. La lecture du compte-employeur de la Carsat peut fournir des pistes. L'idéal est de parvenir à insuffler une dynamique sécurité dans tous les services de l'entreprise.
Le directeur achats peut montrer l'exemple dans les cahiers des charges. "Lors du formalisme, il doit apprendre à ne plus transmettre de généralités en matière de sécurité, mais des exigences qui collent à la réalité", prévient Elian Blanchon. Cela passe également par des formations en interne. "Les acheteurs doivent connaître les standards EHS, la typologie des risques et les moyens de prévention associés", illustre Arnaud Salomon, associé chez CKS Consulting. Les acheteurs doivent aussi travailler de concert avec la direction EHS afin que les ressources externes (intérimaires, sous-traitants) respectent les réglementations et procédures internes en vigueur. La mise en place d'un Plan d'Assurance Qualité (PAQ) Fournisseurs est nécessaire et son suivi demeure un enjeu, notamment pour les achats. La maîtrise des risques EHS est l'un des volets de la relation fournisseurs, dans l'industrie par exemple. "Les règles et procédures EHS à respecter doivent figurer dans tous les contrats, notamment via le PAQ", assure Arnaud Salomon. Un suivi contractuel, incluant des audits, doit être réalisé. En complément, l'organisation de journées dédiées à la sécurité est propice au partage et à l'échange de bonnes pratiques. Y associer les fournisseurs est un moyen d'assurer la montée en compétences collective.
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"Avant de parler prix, nous parlons sécurité avec les fournisseurs "
Le témoignage de Elvire Régnier-Lussier, CPO du Groupe Avril
Chez Avril, la sécurité est l'affaire de tous. "Elle fédère l'ensemble des business units ! Il est impossible d'obtenir des résultats pérennes sans se montrer rigoureux dans le domaine de la sécurité", résume Elvire Régnier-Lussier, la directrice des achats. Après huit ans, la politique sécurité portée par la direction générale a permis d'atteindre un taux de fréquence 2 (nombre d'accidents avec arrêt pour 1 million d'heures travaillées) proche de 10. Au-delà des activités industrielles qui sont des sources potentielles d'accidents, les collaborateurs cultivent une culture sécurité à tous les échelons. Cela commence par des réflexes simples : tenir la rampe en descendant l'escalier, se garer en marche arrière, éviter de téléphoner en traversant... Aucun séminaire, qu'il soit physique ou virtuel, ne démarresans un rappel des consignes de sécurité en vigueur. "L'ensemble des cadres est amené à réaliser un nombre minimum annuel de visites sécurité terrain pour alerter les collaborateurs des usines sur les risques qu'ils encourent ou font encourir", ajoute Elvire Régnier-Lussier. Les fournisseurs contribuent également à la performance sécuritaire.
Chaque année, la direction des achats lance, avec eux, des projets d'amélioration de la sécurité. Ces exigences ont notamment conduit deux sociétés d'intérim, pourtant concurrentes, à élaborer une mise à l'emploi commune des intérimaires. Investi, le partenaire influence ainsi directement la montée en compétences d'Avril. "Intersafe, qui fournit les équipements de protection individuelle du groupe, parfait notre formation pour travailler en hauteur, et le courtier en assurances Aon assure notre conférence annuelle sur la sécurité". Des échanges qui se révèlent gagnant-gagnant et modifient les relations en profondeur. "Avant de parler prix, nous parlons sécurité avec les fournisseurs ; cela les déconcerte souvent de prime abord, mais cette approche finit rapidement par convaincre". La direction des achats contribue aussi à l'organisation d'un Safety Day, organisé une fois par an, consacré à la sécurité d'Avril. Cette année par exemple, Orange a installé, pour l'occasion, des box de décontamination pour les clés USB.
"La rationalisation et l'homogénéisation des EPI va contribuer à la réduction des coûts par l'effet volume"
Le témoignage de Marc Sousa, directeur des achats du groupe Socotec
Sous LBO fin 2015, le groupe Socotec a depuis changé de gouvernance et de politique interne."Nous sensibilisons et renforçons un peu plus la sécurité des travailleurs", commente Marc Sousa, le directeur des achats. Ce qui se manifeste par l'organisation d'une journée appelée "Safety Day", ayant pour vocation de sensibiliser les quelque 8000 collaborateurs à la sécurité le temps d'ateliers et de démonstrations en tout genre. Et avec un parc de 4 000 véhicules, le groupe investit la sécurité routière, optant pour des véhicules professionnels haut de gamme bénéficiant d'un système de rotation annuelle. "C'est notre premier risque !", souligne Marc Sousa. Le temps d'une journée spécifique, le changement des véhicules s'accompagne d'un stage routier, faisant souvent appel aux simulateurs de conduite. "Précédemment, nous avions organisé des démonstrations à la conduite de boîte automatique afin de familiariser les collaborateurs". À cette occasion, les conducteurs présentent leur permis de conduire. "Cette journée véhicule les responsabilise et sert à vérifier qu'ils sont en capacité de conduire". Au final, les accidents au volant auraient baissé de 12 % en un an, le nombre de contraventions diminué de 15 %.
Identifiés, les risques métiers ont, par ailleurs, débouché sur la définition de conditions d'interventions en matière de sécurité et d'éthique, imposées aux sous-traitants par voie contractuelle. Au quotidien, l'ensemble des agents peut remonter des informations ou faire état d'un sinistre par le biais d'une application, disponible sur smartphone depuis 2017. Chaque nouvel arrivant se voit aussi remettre son kit EPI, dès son stage d'intégration. L'année passée, le nombre de références EPI a été revu à la baisse, passant de 220 à 50 articles. "Auparavant, chaque agence effectuait ses propres commandes. La rationalisation va permettre de réduire les coûts grâce à l'effet volume". Les directions techniques ainsi que les opérationnels ont prêté main-forte pour la sélection et les essayages.