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Variable des acheteurs : et si on pensait autrement ?

Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à

Parce que les acheteurs ne doivent pas se concentrer uniquement sur les économies générées, les lignes bougent du côté des managers qui tentent de les objectiver sur la RSE ou l'innovation. Mais le chemin à parcourir semble encore long.

La mise en place d'un nouvel outil de type e-procurement, le fait d'adresser une nouvelle famille d'achats... les pistes semblent nombreuses pour objectiver ses acheteurs au-delà des simples économies engendrées. Mais peut-on imaginer une variable dans la rémunération des acheteurs et des objectifs décorrélée des savings ? "Oui et non, souligne Raphaël Bellière Lottier, directeur général adjoint en charge des achats, du digital et de l'innovation au sein de Meogroup. Oui, mais c'est encore un peu tôt et cela dépend des secteurs d'activité et du niveau de maturité et non car la variable reste indexée sur les économies réalisées car finalement générer des économies reste le propre du travail de l'acheteur. Il faut penser résultats et non pilotage des activités".

Et la création de valeur dans tout ça?

D'une façon générale, les objectifs fixés aux acheteurs peuvent être de deux ordres. "Pour certaines directions achats, 50% des objectifs fixés dépendront des résultats de l'entreprise/du groupe et les 50% restants seront liés aux résultats de la direction achats, là où pour d'autres directions achats 100% des objectifs seront liés à ceux de la direction achats elle-même. Ce n'est pas la même chose", souligne Raphaël Bellière-Lottier. Mais on peut imaginer d'autres objectifs que les savings comme 'le déploiement d'une stratégie achats responsable et incentiver, la part des achats responsables qui peuvent être quantifiés car notifiés dans le bilan extra-financier comme le fait d'intégrer des fournisseurs issus de l'ESS dans la démarche, un taux de pénétration des dépenses achats en augmentation d'une année sur l'autre, des projets transverses, détaille-t-il, Avec un objectif final, celui de la création de valeur." Même écho du côté de Sébastien Perdereau, practice manager achats et supply chez Michael Page : "On voit apparaître des critères comme la satisfaction des clients internes, la capacité des acheteurs à intervenir le plus en amont possible du processus (lors de la définition du besoin), ou l'apport d'innovation".

Devoir de vigilance et synergies au sein du groupe La Poste

Au sein du groupe La Poste, qui compte 300 collaborateurs achats et approvisionneurs, les parts variables des acheteurs oscillent entre 3 et 5%. Les objectifs des équipes achats sont en partie liés à des économies globales. Mais pas seulement. "Chaque année, nous fixons des objectifs par filière avec des grands axes de progrès de la fonction, qu'ils soient qualitatifs (comme avec notre questionnaire de satisfaction du client interne) ou quantitatifs. Nous avons par exemple, 10% de critères RSE dans nos consultations, des exigences liées à la conformité et au devoir de vigilance ou encore le fait de devoir développer des synergies avec les nombreuses filiales du groupe. Une fois ces grands axes définis, c'est à chaque manager de les décliner dans ses équipes au cas par cas", explique Laurence Laroche, directrice achats du groupe la Poste.

Définir les bons objectifs

A l'image de la Poste, comment définir ces objectifs ? Pour Olivier Wajnsztok, directeur associé du cabinet Agilebuyer, : "Un objectif doit être SMART: Simple, Mesurable, Atteignable, Réaliste et inscrit dans le Temps. Et un manager doit pouvoir mesurer des données intangibles pour les piloter. L'équilibre objectif individuel / collectif participe à la performance de l'entreprise". Les objectifs à atteindre doivent être définis en fonction d'une baseline et surtout de la famille d'achats concernée et de la maturité du marché fournisseurs et des directions opérationnelles "Ainsi, par exemple, avec le sujet de la décarbonation et de la mesure carbone on ne va pas demander la même chose à un acheteur IT dont les fournisseurs ont un faible impact carbone significatif qu'à un acheteur de prestations de propreté et nettoyage", précise Raphaël Bellière Lottier. Cependant au regard du contexte actuel de l'inflation, gageons qu'il est encore loin le temps où les acheteurs ne seront pas uniquement concentrés sur le contrôle des coûts et les délais.

Thibaut Massiet du Biest, directeur des services et achats internes chez Metro

"Décorréler les objectifs des savings permet d'avoir une approche TCO"

"Il y a cinq ans, nous avons décidé de ne plus mettre d'objectifs de gains pour nos acheteurs. Pour plusieurs raisons : il y avait peu d'infos sur le spend, trop de critères , sans compter que les acheteurs avaient tendance à se focaliser sur ces gains", explique Thibaut Massiet du Biest, directeur des services et achats internes chez Metro. Pour les acheteurs, la part de variable se situe entre 5 et 20% selon le statut de l'acheteur. Désormais, les acheteurs sont objectivés sur les critères "3P" pour "people (pour le client interne), profit, planet (pour l'environnement et la durabilité) selon une matrice bien définie. "En somme, les acheteurs doivent miser sur le qualitatif avant le quantitatif, être collectifs et voir sur le long terme". Ainsi, par exemple, un acheteur avait pour objectif l'installation de 100 bornes électriques pour les véhicules avant la fin de l'année fiscale, quand un autre devait signer un nouveau contrat d'énergie verte. "Oui, les KPIs semblent quasiment impossibles et par exemple, le contrat pour l'énergie verte pourra aboutir à une signature dans 20 ans mais les équipes achats raisonnent en cycle de vie du produit, sont autonomes et responsables. Après, des KPIs peuvent s'appliquer comme l'objectif de 50% d'énergie renouvelable d'ici 2025", conclut le directeur des services et achats internes chez Metro.