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La RSE transforme la restauration d'entreprise

Publié par Fanny Perrin D'Arloz le - mis à jour à

La restauration d'entreprise évolue à vitesse grand V et s'adapte aux nouveaux enjeux. L'offre doit idéalement être responsable, et anti-gaspi, tout en satisfaisant les attentes des salariés.

Manger mieux, moins gaspiller, telle est l'orientation prise massivement par les grands groupes, sous la pression des collaborateurs qui veulent consommer différemment et des pouvoirs publics. Cela se ressent assez fortement dans les cahiers des charges. "En termes d'achat, le critère RSE est en train de devenir le premier critère de choix, devant le prix, avec une part de 20-25% dans la notation, contre 10% auparavant", rend compte Christophe Gmyr, consultant associé de Jaicost, cabinet de consulting achats. Une vigilance semble être portée sur l'offre alimentaire mais aussi non alimentaire et, plus largement, sur le métier de la restauration. "Il faut se pencher sur différents axes et établir des obligations. Rien ne vous empêche d'interdire les poissons à pêche destructrice, d'exiger que la tenue du personnel de restaurant soit en coton biologique, de favoriser les cuissons basse température moins énergivores", illustre Catherine Bournizien, directrice de Phinéa Conseil, consultant en restauration collective. Le tout est de savoir où placer le curseur à l'instant T et dans les années à venir de manière à contribuer au bien-être des collaborateurs au travail, tout en performant l'empreinte environnementale de la restauration. "Il faut comprendre les habitudes de consommation, bouleversées par le télétravail et la nouvelle génération, en questionnant ses équipes", rappelle Tanguy Robert, cofondateur de la startup Sami à l'origine de la plateforme carbone pour entreprises.

Sensibiliser les consommateurs

La restauration d'entreprise doit se montrer résolument plus agile afin de répondre aux enjeux qui l'attendent. En pratique, cela en revient notamment à sélectionner des fournisseurs plus responsables et à privilégier une offre alimentaire diversifiée, de qualité, idéalement d'origine bio et locale, qui tient compte de la saisonnalité. "Il est parfois encore difficile de faire accepter aux consommateurs de ne pas pouvoir déguster de tomates en hiver. Les sensibiliser demeure important", reconnait Anne Lazzaroni, responsable RSE pour le cabinet Interface Conseil. Dans ce domaine, les fournisseurs de la restauration d'entreprise entreprennent de sérieuses avancées. Mais au-delà des achats, ce sont toutes les dimensions du métier qui sont revus avec une vision RSE à 360° : accompagnement des collaborateurs, design des lieux, achats, conceptions des menus, transparence des prix et gestion rigoureuse des déchets. Le label Restaurant Vert, créé par Interface Conseil, qui vise à mettre en lumière les actions des opérateurs concernant le choix des matières premières, l'éco-gestion des fluides, la valorisation des déchets, la nutrition et l'engagement sociétal, démontre l'engagement et l'investissement de la filière. "Trente sites ont été labellisés en Île-de-France, un en région lyonnaise", prévient Anne Lazzaroni. Il ne faut pas hésiter à challenger son partenaire en restauration et à le questionner sur sa marge de progression et ses mesures à venir. Favoriser l'écosystème local peut conduire à nouer des partenariats avec les coopératives agricoles installées. "En restauration d'entreprise, les champignons de Paris proviennent le plus souvent de Pologne, la coriandre, la ciboulette et le menthe sont importées du Maroc ou d'Israël. Avec leur force de frappe, les directeurs achats peuvent, en s'engageant sur le long terme, favoriser une relocalisation française", avance Anne Lazzaroni.

Consommer moins de viande

De la même manière, les directeurs achats doivent veiller autant que faire se peut à réduire la quantité de protéine animale dans les assiettes, en mettant en avant le flexitarien. "Un repas avec de la viande rouge, c'est sept fois plus d'émissions de gaz à effet de serre qu'un repas végétarien, un menu avec de la viande blanche trois fois plus", rappelle Tanguy Robert. Ce changement dans les habitudes de consommation prend du temps. Il peut être favorisé par une sensibilisation régulière au moyen d'ateliers culinaires par exemple ou via le concours d'applications digitales, comme Energic ou Ma Petite Planète, qui proposent la mise en place de défis à impact environnemental entre collègues. "Les grands groupes sont très friands de ce type de solutions très structurantes pour l'entreprise, peu coûteuses et faciles à implémenter", constate Tanguy Robert.

Limiter le gaspillage

Améliorer l'empreinte carbone de son restaurant se poursuit avec la réduction des déchets. "La qualité gustative est un des meilleurs critères RSE, avec l'élaboration de fiches recettes à partir d'une gamme de produits délimitée. Plus les recettes sont appréciées, moins les assiettes ne reviennent pleines", assure Philippe Dufour, consultant associé chez Jaicost. Les menus vont être conçus d'après la typologie des collaborateurs présents sur site et leurs attentes. "Ils peuvent être adaptés d'après les algorithmes des fournisseurs de la restauration d'entreprise, qui sont capables de prédire les comportements de consommation selon les jours et les conditions météorologiques notamment", commente Philippe Dufour. Dans la même lignée, Foodles propose des frigos connectés pourvus de systèmes RFID. "Assurant une traçabilité et un suivi optimisés, ils concourent à ajuster la quantité au juste besoin", résume Sarah Blanchet, responsable achats chez Foodles. Malgré toutes ces mesures prises, il peut néanmoins rester des invendus. Les denrées alimentaires vouées à la destruction peuvent être données au Chainon manquant, une association qui lutte contre le gaspillage et redistribue à des centres d'hébergement.

Une restauration durable et inclusive

En matière de restauration RSE, les grandes entreprises réfléchissent également à limiter les déchets inhérents à la livraison de repas sur le lieu de travail. "Elles sont de plus en plus à la recherche de solutions de systèmes de consignes. Cela représente une réelle source d'économie mais pas dans l'immédiat puisqu'il convient d'investir dans le substitut", confirme Christophe Gmyr. Sur ce point, Foodles a mis au point à l'automne 2021 un contenant réutilisable en verre lavable pour emballer les recettes disponibles dans ses frigos connectés, revoyant toute la chaine de distribution associée. Opérationnelle chez dix de ses clients, "cette logistique dédiée coûte 60 centimes par contenant modifié. Dans certains cas, la restauration RSE peut apporter un gain financier sur le long terme, comme cela a été le cas avec nos frigos connectés que les livreurs désinfectent désormais, en lieu et place des lingettes jetables, avec des lingettes réutilisables lavées par des ESAT", commente Aurélien Antoine, responsable RSE chez Foodles. Enfin, l'inclusion de personnel en situation de handicap devient une volonté de plus en plus affichée par les grands groupes afin de le rendre plus vertueux et responsable leur restaurant d'entreprise. "La RSE va devenir le référentiel de base sur lequel il conviendra d'innover constamment pour participer à l'amélioration globale de la société", élargit Philippe Dufour. Toutes ces actions vont se répercuter dans l'assiette avec une place allouée à l'offre végétarienne de plus en plus conséquente. Manger mieux, tout en profitant à l'écosystème global, coûte vraisemblablement plus cher. "Appliquer les standards de la loi Egalim représente un surcout de 30% qui peut être épongé partiellement en réduisant le gaspillage alimentaire et la part de protéine animale au profit de la protéine végétale", met en avant Catherine Bernizien. Mais cet investissement en vaut largement la chandelle. "C'est un moyen de fidéliser les collaborateurs, tout en impulsant et en diffusant une image très positive autour de vous", conclut Christophe Gmyr.

"Parmi les fruits et légumes, 10% sont bio, 40% d'approvisionnement local"

Jacques Gustin, directeur des Projets Immobiliers du groupe Lesaffre

Le 23 mai 2022, le groupe Lesaffre inaugurait son siège campus de Marcq-en-Baroeul avec une restauration axée RSE. L'offre se veut diversifiée et de qualité, avec des menus végétariens, flexitariens, sans gluten... "Les fruits et les légumes doivent être de saison, à 10% d'origine biologique et à 40% en provenance locale, la viande est issue de préférence de France", précise Jacques Gustin, directeur des Projets Immobiliers du groupe Lesaffre. Ayant mobilisé six prestataires, le cahier des charges a été assorti de plans de progrès, avec pour cible finale 20% de bio et 65% de local. Les aménagements des espaces restaurants ont été soignés, avec des assises différentes et une forte végétalisation qui participe à son intégration dans un paysage verdoyant, pour qu'ils fassent office de lieux de vie tout au long de la journée. Le prix du repas avoisine les 11 euros ; la moitié étant prise en charge par l'entreprise. "Nous avons mené une pédagogie auprès des salariés pour leur expliquer les causes de ce surcoût et son lien direct avec le grammage des protéines animales", explique Jacques Gustin. Cette offre de service devrait être appliquée dans les restaurants d'entreprise de Maisons-Alfort et Strasbourg, après ajustement de l'offre actuelle.

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