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Les acheteurs, (ultimes) remparts à l'ensauvagement économique planétaire ?

Publié par Romaric ServaJean-Hilst le | Mis à jour le

Billet d'humeur - Les vents "trumpistes" soufflent fort ces temps derniers. Jusque par chez nous. Ils touchent ainsi la Commission européenne, à découvert face aux sapements lobbyistes, aux pressions géopolitiques et douanières, aux renoncements et autres palinodies des dirigeants de ses états-membres.

Dernière péripétie en date, la directive européenne sur le devoir de vigilance (CS3D) - dont les dates de mise en application doivent s'étaler entre 2027 et 2029. Elle voit maintenant au moins deux pays moteurs, l'Allemagne et la... France, en appeler à son retrait pur et simple ; la Commission elle-même, dans le cadre de son projet de "simplification", proposant une dérégulation massive de la directive ! L'esprit frappeur du moment (dire et faire une chose le matin et son total contraire le soir, en toute "logique" et sans autre forme de justification) menace donc de déconstruire l'ambition communautaire de voir nos grandes entreprises adopter en une relative harmonie règlementaire des pratiques commerciales transparentes, vertueuses sur les plans sociétaux et environnementaux et ce, jusqu'au bout de leurs chaînes d'approvisionnement.

Dire et faire une chose le matin... et son total contraire le soir ! Elève modèle du genre, la France avec sa loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d'ordres aurait inspiré la CS3D. Celle-ci imposant contraintes et avantages du texte à toutes les grandes entreprises de la CEE (environ 10 000 plus leurs filiales). Mais si demain la directive européenne devient caduque et ne s'applique jamais, il y a fort à parier que, par ricochet, les jours de notre loi 2017-399 - déjà lourde à respecter, comme s'en désolait un rapport du Conseil Général de l'Economie en janvier 2020 - ne soient comptés.

Une "éthique" du geste Achat ? Dès lors, qui pour refréner les ardeurs des entreprises exposées à une concurrence mondiale sauvage et libérées de toutes contraintes légales (notez que quelques multinationales ont tout de même appelé l'UE à maintenir cette directive et à les aider à l'appliquer) ? Qui pour ne pas acheter des minerais ou du pétrole dans les zones de conflit ? Qui pour ne pas profiter du produit des déforestations illégales ? Qui pour ne pas s'accaparer le travail des enfants ou refuser la production des peuples esclavagisés ? Qui pour penser durabilité ?

Sans tomber dans l'angélisme, on peut toujours s'interroger sur la part "éthique" guidant spontanément (ou pas) le geste Achat. Tout en se conformant aux engagements de l'entreprise, à sa politique achats et aux consignes reçues, reste-t-il aux acheteuses et acheteurs une certaine latitude à "défendre" ou à imposer un achat responsable, "propre", vert, bleu sociétal... bien qu'optimisant les contraintes paramétriques basiques (coûts, qualité, quantités, délais, livraison, taxes et surtaxes douanières, etc.) ?

(Je veux) Être un acheteur heureux. Quelle idée acheteuses et acheteurs se font-ils du " bien acheter " et de la fierté d'appartenance à une direction Achats ? Comment se construit, s'étiole ou se renforce la satisfaction métier à titre individuel ou au sein d'une équipe ? Non, la seule réponse financière ne peut totalement satisfaire à ces aspirations légitimes : s'accorder intimement à sa praxis demeure un impératif bien plus puissant ! Tout humain, ce moteur suffira-t-il à freiner, si tombent les garde-fous législatifs, le régressif pillage de notre planète ?

Harmonie. Et vous, acheteuses, acheteurs pensez-vous pouvoir influer à titre individuel et/ou collectif sur le " bien acheter " de votre entreprise, en harmonie avec vos convictions ?

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