Extraction minière : quand l'éthique s'invite (vraiment ?) dans les chaînes d'approvisionnement
Publié par Denica Tacheva le | Mis à jour le
Depuis que les minerais critiques sont au coeur de la transition énergétique, leur exploitation expose davantage la problématique du respect des droits humains. Ce sujet des chaînes d'approvisionnement amont apparaît aujourd'hui comme un passage nécessaire pour stopper les dérives et prévenir le risques achats.
Extraction minière et droits humains n'ont pas toujours fait bon ménage. Pourtant, l'exploitation de certains minerais dits " critiques " revient au centre des débats notamment au regard des dernières réglementations. Un énième signal d'alarme a été tiré lundi au Forum de l'OCDE, le respect des droits humains doit être entendu comme levier stratégique de durabilité. " La transition énergétique ne peut pas se faire sur le dos des populations locales, avertit Aidan Davy, directeur des opérations de l'International Council on Mining and Metals (ICMM), à l'occasion d'une table ronde organisée le 6 mai sur le sujet. Si nous échouons à intégrer les droits humains dès l'amont de la chaîne, nous échouerons aussi sur la confiance, la stabilité et la viabilité des projets."
Nouveau standard ESG pour l'extraction minière
En parallèle, la demande en cobalt, lithium ou nickel explose sous l'effet du développement des batteries et des énergies renouvelables. Or, les régions productrices telles que l'Afrique centrale, l'Amérique latine ou encore l'Asie du Sud-Est ne sont pas armés suffisamment pour engager des recours sérieux. Aidan Davy insiste : "Le secteur minier a déjà été ébranlé par des tragédies, comme les effondrements de barrages de Brumadinho au Brésil ou d'autres conflits communautaires autour des sites d'extraction. Ce qu'on appelle les "risques ESG" ne sont pas seulement environnementaux ou financiers. Le pilier social, et particulièrement les droits humains, doit cesser d'être le parent pauvre. "
Le secteur, lui, semble amorcer un virage. Porté par l'ONU et l'ICMM, un standard mondial de performance sociale et environnementale a vu le jour, visant à renforcer la transparence. Le Global Industry Standard on Tailings Management a été élaboré à travers un processus indépendant impliquant le Programme des Nations unies pour l'environnement. " Il est nécessaire d'apporter des preuves tangibles que ces normes sont respectées, et ce contrôle ne peut pas venir uniquement des entreprises elles-mêmes ", insiste Aidan Davy.
Gouvernance responsable, focus sur l'exemple canadien
La montée en puissance des considérations sociales et éthiques dans l'exploitation des ressources minières pousse plusieurs États à structurer leur action. Le Canada fait figure de pionnier en la matière. Depuis le lancement de sa stratégie sur les minéraux critiques, le pays appuie notamment l'Alliance for Sustainable Critical Minerals, qui ambitionne une gestion responsable, inclusive et équitable des processus d'extraction minière. Et ce n'est pas un geste isolé : l'industrie canadienne, à travers l'Association des mineurs du Canada, promeut l'initiative "Towards Sustainable Mining", déployée aujourd'hui dans 11 pays.
Selon Amanda Wilson, directeur général de l'économie au secteur des terres et minéraux de Ressources naturelles Canada, ce soutien aux capacités locales est la clé : " Il ne peut y avoir de bonne gouvernance sans institutions solides. C'est pourquoi nous finançons la formation, la médiation communautaire et l'accès à des mécanismes de plainte indépendants ", a-t-elle expliqué.
Un modèle ? Peut-être. Mais la pression monte pour que ces engagements s'exercent sur le terrain. Dans plusieurs régions à haut risque, les mots "responsabilité" ou "dignité" peinent encore à trouver une traduction concrète. Pour Aidan Davy, la solution ne passe pas nécessairement par le retrait des investisseurs. Au contraire. " Il est plus responsable de rester dans ces zones et de s'engager sur des processus de progrès, que de se désengager et de laisser le champ libre à des acteurs peu scrupuleux, estime-t-il. La transition énergétique, si elle veut être juste et durable, ne pourra se contenter d'objectifs climatiques. Elle devra aussi rendre des comptes aux populations qui vivent à l'origine de la chaîne de valeur. "