Pour gérer vos consentements :

Les directions achats, au coeur de la transformation du système de santé

Publié par Camille George le - mis à jour à

Doux euphémisme que de dire que la transformation du système de santé engagée depuis quelques années ne se fait pas sans heurts. L'hôpital, caisse de résonance de toutes les tensions, est aujourd'hui un secteur qui vit une crise de sens.

L'hôpital et plus largement l'ensemble du système de santé français, est en pleine mutation, et dans cette période trouble, la fonction achats doit trouver sa place. Pour les directions achats hospitalières, l'enjeu premier est de valoriser la contribution et l'importance de la stratégie achats dans la transformation du secteur. Si la création des GHT était une première étape, la deuxième est désormais de construire une relation équilibrée au sein de ces groupements. Parmi les nouveaux défis de la fonction achats identifiés lors des journées de l'achat hospitalier, en novembre dernier, on notera le besoin de développer et porter une vision de la stratégie achats sur le long terme. Pour cela, les directions achats doivent faire preuve de pédagogie auprès des établissements afin de favoriser la mise en commun des besoins et la mutualisation des enjeux, notamment dans la construction d'une stratégie d'investissements commune.

Si, pour Dominique Legouge, directeur du GIP Resah, "la fonction achats est un levier de transformation essentiel qui sert d'interface entre les besoins des professionnels de santé et les offres de l'industrie, dans l'évolution du système de santé", encore faut-il que chacune des parties prenantes en ait conscience. Le directeur du GIP Resah précise d'ailleurs sa pensée : "Une mutation d'une fonction administrative fondée sur une approche prix/volume à une fonction fondée sur la création de valeur est nécessaire. Pour y parvenir, il faut que les directions achats puissent établir et animer un dialogue avec les prescripteurs." Le grand chantier est donc bien celui-là car, à l'heure actuelle, il y a dans le secteur hospitalier encore beaucoup de directions achats dont le périmètre ne permet pas encore d'installer ce dialogue.

Un enjeu humain

Dans ce contexte, les directions achats ont un rôle clé à jouer. Mais pour passer d'un centre de coûts à un centre de création de valeur, pour les patients comme pour les soignants, les responsables achats doivent appréhender l'aspect humain de cette transformation de fond. "D'un point de vue RH, l'hôpital a une reconquête à faire auprès des collaborateurs au sens large", estime Samuel Bottaro, directeur de la transformation pour l'industrie et les services de santé, associé Mazars. Selon lui, si 70 % des projets de transformation n'aboutissent pas ou n'atteignent pas leur cible, c'est pour moitié en raison du manque de prise en compte du facteur humain. La transformation du système de santé implique donc une transformation des pratiques managériales.

Si la place et le rôle des directions achats hospitalières a déjà bien évolué, l'enjeu pour ces dernières est désormais de se positionner en tant que facilitateur auprès du personnel soignant en apportant des améliorations en termes de qualité de vie au travail notamment. "Pour la première fois, on va devoir gérer quatre générations différentes, des babyboomers aux millenials, qui n'ont ni les mêmes attentes, ni les mêmes usages", souligne encore Samuel Bottaro. Mais comme toute transformation profonde, celle du système de santé français fait ressortir la moindre incohérence de fonctionnement. C'est particulièrement vrai en termes de ressources humaines. Les profils et les compétences doivent évoluer, or dans le système actuel, les évolutions professionnelles se font sur un grade et non sur un métier. Donc, même s'il y a appétence, la base de compétence nécessaire n'existe pas toujours. Créant presque un fossé de compétences, source de tensions sociales internes. Ce cap là n'est pas franchi, et la transformation en cours provoque de gros remous.

Une quête de maturité à marche forcée

Pour le responsable du programme PHARE, Raphaël Ruano, "si le contexte est marqué par une actualité dense, parmi les différentes mesures lancées, il y a une volonté forte de fluidifier les processus dans une approche plus transversale de la ville et de l'hôpital." Pour les achats, cela veut dire sécuriser les approvisionnements des services de soins, mais aussi alléger les contraintes administratives. Toujours selon Raphaël Ruano, 2019 a été l'année de la consolidation de la fonction achats au sein des GHT : "Après deux ans de travail, un nouveau palier a été franchi vers une approche globale." 2019 était donc l'année de transition vers l'harmonisation des pratiques achats. Mais si la volonté de faire mûrir les achats hospitaliers est largement partagée, elle se heurte encore à la réalité du terrain. De nombreux chantiers doivent encore être menés notamment au niveau des groupements régionaux, et ce, dans un contexte budgétaire contraint.

L'objectif collectif est fixé cette année à 412 M€ de gains achats. "C'est plus que l'objectif de l'an dernier, mais en dessous des gains réels (550 M€)", souligne Raphaël Ruano. Il faudra aussi faire évoluer le profil des acheteurs vers une expertise accrue et un rôle d'animateur de réseau pour faciliter la montée en puissance de la fonction achat de GHT. Pour atteindre ces objectifs, plusieurs axes de performance ont été définis, notamment à travers le programme ONDAM (Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie), grâce auquel l'État entend entre autres recentrer l'acheteur sur ses missions stratégiques, harmoniser les pratiques sur la base d'un corpus documentaire unifié afin de créer un référentiel achats et, enfin, outiller la fonction d'un SI achats.

Lire la suite en page 2: Les outils pour talon d'Achille, mais une dynamique positive