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Rompre un contrat si les objectifs commerciaux ne sont pas réalisés, est-ce possible ?

Publié par Xavier Henry & André Bricogne, cabinet d'avocats chez Henry & Bricogne le | Mis à jour le

La Cour d'appel de Paris s'est prononcée le 13 mars 2019 sur une question très débattue : un fournisseur est-il en droit de mettre fin sans préavis au contrat d'un distributeur lorsque celui-ci n'atteint pas les objectifs commerciaux convenus avec le fournisseur ?

Les fournisseurs sont toujours demandeurs de bonnes performances commerciales de la part de leurs distributeurs et font des objectifs un élément déterminant des contrats. C'est pourquoi, les contrats comportent souvent une clause stipulant que la non-réalisation des objectifs commerciaux justifiera la rupture immédiate du contrat. Or, même si cela est prévu au contrat, les juges peuvent remettre en cause une telle rupture.

Rappel du principe : avant de mettre fin à un contrat, un préavis suffisant doit être accordé à l'autre partie

Pour rappel, l'article L. 442-6, I, 5° du Code de Commerce exige que la partie qui veut mettre fin à une relation commerciale accorde à l'autre partie un préavis suffisant tenant compte notamment de la durée des relations. Cela implique que la durée du préavis de résiliation prévue au contrat peut devoir être augmentée, notamment en cas de relations anciennes. A défaut, la victime de la rupture pourra demander des dommages et intérêts équivalents en principe à la marge qui aurait été générée pendant la période de préavis dont elle a été privée.

L'exception : pas de préavis de rupture en cas de faute grave de l'autre partie

Par exception, une partie peut mettre fin à la relation sans préavis en cas de faute de l'autre partie. Or, beaucoup de contrats de distribution stipulent que si les objectifs commerciaux ne sont pas atteints par le distributeur (concessionnaire, distributeur agréé, franchisé, ....), le fournisseur pourra mettre fin au contrat sans préavis.

Le non-respect des objectifs est-il une faute grave ? Non selon la Cour de cassation

Le 9 juillet 2013, la Cour de cassation avait pris sur ce sujet une position très restrictive. En effet, même si le distributeur n'avait atteint les objectifs qu'à 40 % et 65 % pendant que le réseau réalisait ses objectifs à 105%, ces mauvaises performances commerciales ne constituaient pas un manquement suffisamment grave du distributeur justifiant la rupture sans préavis du contrat par le fournisseur.

Dans une autre affaire, le 5 avril 2018, la Cour de cassation examinait une décision rendue par la Cour d'appel de Paris. Elle jugeait à nouveau qu'il n'était pas démontré que la non-atteinte, sur trois années consécutives, du chiffre d'affaires prévu au contrat était une infraction suffisamment grave pour justifier que le distributeur soit privé de préavis. Elle cassait donc la décision de la Cour d'appel de Paris qui avait jugé au contraire que la faute avait été suffisamment grave. Comme le veut la procédure dans ce cas, la Cour de cassation demandait à la Cour d'appel de revoir sa copie, c'est-à-dire de réexaminer l'affaire.

Oui, c'est une faute grave pour la Cour d'appel de Paris

Le 13 mars 2019, la Cour d'appel de Paris, après un nouvel examen, maintient sa position en expliquant en détail pour quelles raisons le fait de ne pas remplir les objectifs commerciaux constitue une faute grave justifiant la rupture du contrat sans préavis par le fournisseur. Ainsi, la cour expose que le distributeur avait une exclusivité pour la commercialisation des produits du fournisseur sur 11 départements français. En contrepartie, il devait remplir des quotas annuels minimum, le respect de ses quotas par le distributeur étant une obligation essentielle du contrat. Dès lors, le fait de ne réaliser que 57% du chiffre d'affaires annuel minimum pour un distributeur est selon la cour une faute d'une gravité suffisante pour justifier la rupture des relations commerciales sans préavis par le fournisseur.

Est-ce aux juges de décider si un objectif commercial non atteint est une faute grave ?

Ce sont les parties qui déterminent les éléments du contrat qui leurs paraissent essentiels et dont le non-respect justifierait, selon eux, la résiliation anticipée du contrat. Faut-il dès lors admettre que le juge puisse a posteriori remettre en cause la volonté des parties et l'importance que celles-ci avaient donné aux performances commerciales ?

En cas de pourvoi en cassation contre la décision du 13 mars 2019 de la Cour d'appel de Paris, la position de la Cour de cassation serait bien évidemment importante car elle permettrait peut-être de lever l'incertitude qui règne sur cette question, incertitude qui ne peut être satisfaisante pour les opérateurs économiques, qu'ils soient auteurs ou victimes de la rupture. En attendant, il convient de rester prudent avant de mettre en oeuvre une rupture du contrat pour non atteinte des objectifs commerciaux.

Pour en savoir plus

Xavier Henry & André Bricogne, avocats à la Cour. Henry & Bricogne est un cabinet d'avocats dédié au droit des affaires avec une très forte expertise en contrats commerciaux, droit de la concurrence, droit de la distribution et droit de la responsabilité, en conseil comme en contentieux. Le cabinet accompagne les entreprises françaises et internationales dans toutes leurs activités.


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