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Acheteurs dans la supply chain : s'adapter ou disparaître ?

Publié par Alain Borri le - mis à jour à

Depuis cinq ans, les acheteurs de prestations dans la supply chain vivent une remise en question permanente. Ils ont appris à être résilients, humbles et agiles pour imaginer et mettre en oeuvre des scénarios inédits. Des qualités désormais nécessaires puisqu'il est fort probable à l'avenir que les crises continueront à se répéter à haute fréquence.

Changement de paradigme. On ne peut imaginer encore faire son travail d'acheteur comme il y a cinq ans. Le temps s'est accéléré, il y a plus de sourcing, plus de négociations, plus de risques à évaluer, plus de simulations de coûts, plus de contraintes environnementales et sociales... De ce fait, rester un maillon fort de l'entreprise n'est pas envisageable en conservant des outils datant des années 2000 tels que le web pour le sourcing, l'email pour les échanges, et Excel pour les simulations. Et pour ceux qui utilisent des plateformes digitales d'achats qui automatisent certaines tâches, une question se pose. Sont-elles encore adaptées lorsque l'on a besoin de sourcer davantage et d'accélérer les appels d'offres auprès de nouveaux fournisseurs ?

La révolution de l'IA n'exclut pas le secteur des achats

On comprend par ces exemples que les compétences d'un acheteur de prestations logistiques en 2020 ne sont plus suffisantes en 2025. Plus que jamais, l'acheteur doit avoir plusieurs coups d'avance afin d'apporter des réponses rapides et fiables dès qu'une crise est identifiée. Pour cela, il doit revoir ses objectifs à la hausse. Entre autres ? Identifier et référencer plus de fournisseurs, sécuriser davantage de fournisseurs stratégiques, négocier différents types de prestations afin de parer à plusieurs scénarios, simuler ces scénarios afin d'apporter immédiatement des éléments de coûts et de risques aux équipes supply chain au moment de sélectionner les scénarios alternatifs.

Pour répondre à ces enjeux dans une configuration de 2020, il faudrait doubler voire tripler les effectifs des acheteurs en supply chain. Dans le contexte économique actuel, ce n'est pas la tendance qui se dégage. Alors, comment faire ?

En apportant de nouvelles fonctionnalités aux plateformes digitales, l'IA au service des acheteurs en supply chain apporte un début de réponse. De nombreux acheteurs utilisent d'ailleurs déjà des outils en ligne de Generative AI pour sourcer de nouveaux fournisseurs, benchmarker des tarifs ou encore simuler des coûts. De manière pragmatique, ils utilisent ces outils pour augmenter leur capacité de production.

Le risque de la fuite de la donnée

Toutefois, l'utilisation de ces outils présente des risques de mauvaise information. C'est surtout la fuite d'information qui présente le plus de risques pour l'entreprise. À titre d'exemple, en juin 2024, lorsque l'on interrogeait ChatGPT sur des tarifs pour transporter 33 palettes en tautliner entre Paris et Marseille, la réponse était succincte et la fourchette de tarifs cohérente avec les prix de marché mais approximative. Un an plus tard, le résultat est bluffant. Non seulement la réponse est mieux structurée et les tarifs ajustés, mais les sources sont souvent issues de grilles de transporteurs ou d'outils de benchmark. Cela signifie que des acheteurs ont nourri ChatGPT de réelles grilles tarifaires pour qu'une analyse soit effectuée par la machine. Mais si chacun peut nourrir l'outil de ses données, que se passe-t-il si ces données sont erronées ou factices ? C'est pourquoi certaines entreprises interdisent l'utilisation des outils de GenAI.

Cependant, son usage est un atout indéniable et un abonnement de 22 € par mois à ChatGPT est à la portée de nombreux professionnels. Ces 22 € sont vite amortis grâce au temps gagné pour faire des analyses. C'est aussi un moyen de briller en interne grâce à des rapports de qualité.

Le rôle de l'Agent AI

Les Agent AI ou Agentic AI apparaissent donc désormais dans le paysage. Leur ambition ? Prendre en charge de nombreuses tâches faites par les humains, notamment dans le domaine des achats. À titre d'exemple, ils seraient déjà capables, à partir d'un brief simple, de constituer un appel d'offres transport ou logistique de A à Z et inclure cahier des charges, contrats, documents obligatoires, grilles de cotation tarifaire, questionnaire qualitatif, grille d'évaluation qualitative... Le terrain de jeu à explorer est immense:

- Effectuer le sourcing auprès des transporteurs et logisticiens

- Envoyer les documents d'appel d'offres

- Relancer les prestataires

Analyser les documents reçus

- Initier les premières négociations par e-mail

- Simuler les scénarios tarifaires

Quid du rôle de l'acheteur en prestation logistique ?

Dans ce scénario plus proche qu'on ne le croît, le rôle de l'acheteur en prestation logistique doit être repensé. Il doit désormais comprendre, savoir utiliser et piloter ces nouveaux agents pour garantir leur efficacité. Il doit également s'assurer de la qualité et de la véracité des données exploitées. Puis, faire ce que ces outils ne savent pas faire. Créer la relation avec les partenaires, visiter les sites, évaluer les valeurs de l'entreprise, les forces et les faiblesses des partenaires... La liste reste encore très longue. Dans cette proposition, l'acheteur en supply chain délègue aux machines une grande partie de ses tâches de bureau.

Pour aller plus loin : Alain Borri est fondateur et président de Sightness.