Evolution des KPIs dans les achats indirects vers une gestion prédictive et durable

Pression réglementaire, crise des chaînes d'approvisionnement et montée en puissance des critères ESG obligent la fonction achats à vivre une mue radicale. Les KPIs sortent du simple contrôle des coûts pour devenir de véritables boussoles stratégiques, capables de guider les entreprises vers plus de durabilité, de résilience et d'efficacité. Avec l'IA, l'automatisation et l'émergence du "green ledger", c'est toute la notion de performance qui bascule dans une nouvelle dimension.

Un nouveau paradigme pour la mesure de performance

La fonction achats connaît aujourd'hui une transformation majeure qui nécessite de repenser fondamentalement les indicateurs de performance traditionnels. Les achats deviennent le fer de lance des organisations, orchestrant une véritable chaîne de valeur entre de multiples acteurs. Ce n'est pas anodin si Renault vient de nommer son directeur des Achats au poste de Directeur Général. Cette évolution nécessite de nouveaux indicateurs de performance adaptés aux défis d'aujourd'hui, particulièrement pour les dépenses indirectes qui représentent souvent la majorité des transactions tout en étant historiquement moins bien maîtrisées.

L'émergence des KPIs ESG et durabilité

La mesure de l'impact environnemental devient centrale dans le pilotage des achats. L'importance croissante des KPIs dans le domaine ESG, incluant les émissions de gaz à effet de serre et la contribution sociale, reflète une évolution majeure. Les entreprises sont de plus en plus évaluées en fonction de leurs contributions sociales et de leur impact environnemental, et non plus uniquement sur leur rentabilité.

Les entreprises développent donc désormais des outils de mesure des émissions de CO2, afin de suivre leur empreinte environnementale à travers toutes leurs activités d'achats et relations fournisseurs. Cette approche concrète permet de quantifier l'impact environnemental de chaque décision d'achat et d'intégrer cette donnée dans les processus de sélection des fournisseurs.

Le concept de "Green Ledger" émerge comme une approche révolutionnaire, où les organisations suivent les émissions de gaz à effet de serre parallèlement aux flux financiers traditionnels. Cette double comptabilité permet d'optimiser simultanément performance économique et impact environnemental, reflétant l'importance croissante de la responsabilité environnementale dans les décisions d'achat.

EcoVadis fournit des évaluations détaillées de la performance RSE des fournisseurs (environnement, social, éthique, achats responsables), permettant de créer des KPIs de conformité durabilité et de mesurer le pourcentage de fournisseurs certifiés. Integrity Next assure quant à lui une surveillance continue des risques ESG et de conformité, générant des indicateurs de monitoring en temps réel et des alertes de non-conformité.

Cette dimension ESG devient un indicateur de pilotage stratégique au même titre que les métriques financières traditionnelles, permettant aux organisations de créer des tableaux de bord intégrés combinant performance économique et impact sociétal.

KPIs de résilience et gestion des risques

Dans un contexte d'incertitudes géopolitiques et de perturbations des chaînes d'approvisionnement, de nouveaux indicateurs de résilience émergent. Cette instabilité pousse les organisations à développer des indicateurs de monitoring en temps réel, mesurant leur capacité à détecter rapidement les alertes critiques concernant leurs fournisseurs. Les clients recherchent davantage de moyens pour mieux qualifier ces partenaires afin de s'assurer qu'ils peuvent compter sur de nouvelles relations fournisseurs et que ce qu'ils ont convenu peut être mesuré en termes de conformité.

Le score de stabilité financière du panel fournisseurs et la diversification géographique des sources d'approvisionnement deviennent des métriques essentielles pour une gestion proactive des défaillances potentielles.

Personnalisation et intelligence des données

L'évolution la plus significative concerne la capacité des organisations à créer leurs propres indicateurs. Chaque organisation étant unique, elles doivent être capables non seulement de spécifier, mais aussi de configurer des KPIs individuels. Par exemple, certaines entreprises ont besoin de calculer les dépenses moyennes par employé. Cette personnalisation s'accompagne d'une utilisation croissante de l'intelligence artificielle pour traiter et analyser les données d'achat. L'IA permet de catégoriser automatiquement les dépenses qui ne le sont pas et de qualifier les fournisseurs en fonction des informations disponibles, transformant ainsi la façon dont les organisations interagissent avec leurs données.

KPIs d'automatisation et d'efficacité opérationnelle

L'intelligence artificielle révolutionne également la mesure de l'efficacité opérationnelle. L'IA est formidable car elle nous fait gagner un temps précieux. Non seulement elle peut faire certaines tâches à la place des humains, mais en plus, elle est disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les nouveaux indicateurs mesurent l'efficacité des processus automatisés : allocation automatique des coûts, traitement intelligent des factures, et qualification automatisée des fournisseurs. Ces métriques permettent non seulement de réduire les coûts de main-d'oeuvre mais offrent également une meilleure qualité et une plus grande précision dans la gestion des données d'achat.

Défis de l'harmonisation interfonctionnelle

L'un des défis majeurs de ces nouveaux KPIs réside dans l'harmonisation entre les différentes fonctions de l'entreprise. L'établissement d'un référentiel commun et d'un langage partagé devient crucial pour éviter les divergences d'interprétation qui peuvent compromettre la valeur de ces indicateurs. Cette harmonisation nécessite une approche collaborative dans la définition des métriques, leur méthode de calcul, et leur fréquence de reporting. La qualité des données est également essentielle et les informations contextuelles mises à disposition de l'IA sont cruciales pour assurer la fiabilité de ces nouveaux indicateurs.

Technologies facilitantes et intégration

La réussite de cette transformation repose sur des plateformes technologiques ouvertes permettant l'intégration avec les systèmes existants. Les solutions self-service démocratisent l'accès aux indicateurs et permettent aux utilisateurs métier de créer leurs propres tableaux de bord personnalisés. L'investissement dans la qualité des données, l'interopérabilité des systèmes, et la formation des équipes aux nouveaux outils constituent les fondations nécessaires à cette évolution des pratiques de mesure.

L'avenir de la mesure de performance

L'évolution des KPIs dans les achats indirects marque une rupture fondamentale avec les approches traditionnelles centrées uniquement sur les coûts. Les organisations progressent vers une vision multidimensionnelle qui intègre performance économique, durabilité environnementale et résilience opérationnelle. Cette transformation s'accompagne d'une technologisation croissante des processus, où l'intelligence artificielle devient un outil indispensable pour traiter la complexité grandissante des données et des relations fournisseurs. Le défi principal réside désormais dans la capacité des entreprises à orchestrer cette transition tout en maintenant l'alignement entre leurs différentes fonctions. Les solutions émergentes privilégient l'approche intégrée et la simplicité d'usage, reconnaissant que la valeur de ces nouveaux indicateurs dépend avant tout de leur adoption effective par les utilisateurs finaux.