Achats et souveraineté industrielle, la vision de Louis Gallois lors des UDA 2025
Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
A l'occasion de la plénière d'ouverture des Universités des Achats organisées par le CNA ce mardi 18 juin, l'homme politique et ancien grand patron, Louis Gallois, a défendu une nécessaire souveraineté industrielle dont les concrétisations ne peuvent qu'accoucher dans une vision long terme dans laquelle les achats doivent y jouer un rôle prépondérant.
La souveraineté industrielle française, selon Louis Gallois, ne pourra se reconstruire qu'"à condition d'établir des relations durables entre acheteurs et fournisseurs". L'ancien dirigeant de la SNECMA insiste sur l'urgence de dépasser les logiques de court terme pour bâtir un tissu productif résilient et ancré localement.
Construire des relations d'achat sur le long terme
« Le dialogue entre acheteurs et fournisseurs ne va pas de soi, il faut l'installer », affirme Louis Gallois. Selon lui, le modèle français reste trop marqué par une culture de la transaction ponctuelle, alors qu'il faudrait encourager des partenariats de moyen terme. Ce changement de paradigme suppose un engagement des deux parties avec d'une part des fournisseurs capables de s'adapter et d'autre part, des entreprises prêtes à penser au-delà du coût complet immédiat.
Louis Gallois appelle à sortir du schéma où le fournisseur n'est qu'un exécutant soumis à la pression tarifaire. Pour restaurer la compétitivité industrielle, il faut selon lui créer des chaînes de valeur où chaque acteur trouve un intérêt à long terme. Cela implique une meilleure reconnaissance des efforts fournis par les PME en matière d'innovation, de délais ou de qualité, mais aussi une capacité de projection stratégique chez les acheteurs.
Un État encore timide dans son rôle industriel
L'ancien dirigeant d'Airbus ou de la SNCF pointe également la faiblesse stratégique de l'État dans certains secteurs clés. Il évoque en particulier les achats publics hospitaliers, estimés à 20 milliards d'euros, comme un levier majeur de structuration industrielle nationale, encore sous-utilisé. Il s'inquiète aussi de la dépendance numérique du pays aux technologies américaines, là où des solutions françaises existent mais peinent à s'imposer, faute d'un soutien clair des administrations.
Pour Louis Gallois, les marges de manoeuvre existent malgré les règles européennes. Il cite en exemple les acheteurs publics allemands, plus enclins à soutenir leur tissu productif national. La France, selon lui, souffre d'un déficit de coordination entre les besoins exprimés par les grands donneurs d'ordre publics et les capacités réelles des industriels. Il regrette que le ministère de la Santé ou la Direction générale des entreprises ne soient pas plus proactifs dans l'anticipation des besoins et l'accompagnement des fournisseurs nationaux.
Il déplore aussi l'absence de stratégie offensive en matière de cloud souverain. Malgré les labels de sécurité accordés à des solutions françaises, celles-ci restent peu sollicitées par les administrations. « Même quand des clouds français existent, on ne les choisit pas », souligne-t-il, pointant une incohérence entre discours politique et actes concrets.
Former les talents, revaloriser l'industrie
Louis Gallois conclut sur l'enjeu humain : « Si on veut convaincre les jeunes d'aller vers l'industrie, il faut que les entreprises existent et qu'elles inspirent confiance ». Il appelle à un projet de société ambitieux autour de la production, intégrant une revalorisation des métiers industriels et un travail en profondeur sur l'imaginaire collectif attaché à l'usine. Une condition indispensable, selon lui, pour que la France regagne en autonomie industrielle.
Il évoque aussi une statistique inquiétante. Près de la moitié des jeunes issus de formations industrielles ne rejoignent pas les filières pour lesquelles ils ont été formés. Pour enrayer ce décrochage, il faut agir dès l'orientation, mais aussi transformer l'image des métiers industriels. Il plaide pour une mobilisation de tous les acteurs - entreprises, écoles, médias - afin de montrer que l'industrie peut être moderne, propre, innovante, et source de sens.