Traçabilité des minérais - Focus sur l'exemple de l'upstream chinois
Publié par Denica Tacheva le | Mis à jour le
Entre l'opacité commerciale et la complexité logistique, la traçabilité des matières premières s'annonce comme le talon d'Achille des supply chains devant composer avec les filières minières.
Acheteurs, industriels, régulateurs... tous s'accordent à dire que la traçabilité des minerais n'est plus facultative. Alexandra Hegarty, de l'Agence internationale de l'énergie introduit à l'occasion d'une conférence de l'OCDE qui s'est tenue le 6 mai dernier à Paris : " La traçabilité, c'est la capacité à transmettre de l'information à travers les chaînes d'approvisionnement."
Transmettre l'information suppose qu'on la possède. Or, dans le secteur des minéraux, les négociants opèrent avec un mix de minerais issu de sources multiples, parfois incompatibles avec les exigences de durabilité et de traçabilité. " Une chaîne ne peut être sécurisée que si elle n'est aussi résiliente et responsable ", dit encore Alexandra Hegarty, en s'appuyant sur un rapport publié fin 2023 par l'AIE. Et pour être responsable, encore faut-il pouvoir remonter la piste.
Certaines données, sur l'origine, la propriété ou encore le cheminement des minerais sont considérées comme un minimum requis. D'autres, plus sensibles, relèvent de l'environnement, de la gouvernance ou des conditions sociales d'extraction. Mais toutes posent une question de confiance : " Les données doivent être concrètes, fiables et vérifiables ", insiste l'experte. Les incitations réglementaires existent. Entre le passeport numérique bientôt obligatoire et les conditions d'accès au marché indexées à une grille de niveaux de traçabilité, les entreprises ont tout intérêt à se plier au jeu. Reste à savoir s'ils en ont réellement les moyens.
L'exemple de la Chine sur l'upstream
" Le plus grand défi aujourd'hui vient du secteur upstream (secteur pétrolier amont, NDLR.). ", declare Hui Jiang, porte-parole de la Chambre chinoise du commerce des métaux (CCCMC). Autrement dit, tout commence à la mine, là où les données sont les plus lacunaires, voire inexistantes. Et si l'aval de la chaîne (raffinage, transformation, distribution) peut être structuré, la source reste difficile à certifier.
La Chine, premier acteur mondial dans le raffinage de matériaux critiques se pose pourtant en championne de la traçabilité. Dès 2015, en partenariat avec l'OCDE, elle publiait une première série de règles de diligence raisonnable sur les chaînes d'approvisionnement minérales. Révisées en 2020, ces lignes directrices ont été reconnues par la Bourse des métaux de Londres (LME). " C'est une démonstration de notre alignement avec les standards internationaux de durabilité ", affirme Hui Jiang.
Le CCCMC mène aussi l'Initiative responsable des minéraux critiques (RCI), qui a démarré sur le cobalt avant de s'étendre à d'autres matériaux. L'objectif ? Engager l'ensemble des acteurs, de l'extraction jusqu'à la production, dans une logique de coopération et de partage d'information. Une logique qui, selon Hui Jiang, repose sur " la reconnaissance mutuelle " et sur la création d'un dialogue industriel global. Comme le souligne Alexandra Hegarty : " La traçabilité n'est qu'un outil. Elle ne fonctionne que si les conditions adéquates sont réunies ".