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Une souveraineté industrielle à bâtir depuis les territoires ?

Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à

Olivier Lluansi, professeur au CNAM et rapporteur auprès du ministère de l'industrie d'un rapport sur la réindustrialisation remis en 2024, plaide pour une souveraineté économique qui se construit sur le terrain, au plus près des réalités des entreprises. Selon lui, ce sont les PME locales, ancrées dans leurs territoires, qui détiennent les leviers concrets d'une relocalisation progressive, à condition de disposer d'outils d'analyse pertinents, d'indicateurs mesurables et d'un engagement durable. Digest de cette prise de parole à l'occasion des Universités des achats organisées par le CNA dont la matinale d'ouverture s'est tenue le 18 juin dernier.

« Avant de progresser, il faut savoir où on en est », résume avec pragmatisme Olivier Lluansi, enseignant au CNAM. L'exemple breton d'un indice de localisation des achats, repris par Olivier Lluansi, est emblématique. Il permet de mesurer, entreprise par entreprise, la part des dépenses effectivement injectée dans l'économie locale. Sans données objectivées, aucune stratégie de relocalisation ne peut être mise en oeuvre de façon sérieuse pointe l'expert. Et dans cette optique, ce type d'outil permet aussi de comparer les pratiques, d'inciter les entreprises à se fixer des objectifs progressifs et à suivre leurs avancées.

Ces indicateurs ne se limitent pas à une logique comptable, ils peuvent nourrir un dialogue entre les directions achats, les collectivités locales et les fournisseurs. Ils favorisent une responsabilisation des acteurs économiques sur leur empreinte territoriale. Car relocaliser ne signifie pas tout rapatrier brutalement, mais amorcer un déplacement progressif des flux, sur la base de données fiables.

Des territoires et entreprises plus réactifs que les institutions ?

Compte tenu des atermoiements des institutions européennes, Olivier Lluansi souligne la capacité d'initiative des acteurs locaux. Il cite le cas des principes actifs médicaux. "La dépendance de l'Europe à la Chine et à l'Inde est connue depuis des années, mais peu d'actions concrètes ont été entreprises à Bruxelles", explique l'enseignant au CNAM. En parallèle, certaines entreprises françaises ont déjà réorganisé leurs chaînes d'approvisionnement. Dit autrement, l'Europe, trop soumise à des logiques de consensus à 27, peine à agir avec efficacité.

Dans ce contexte, Olivier Lluansi appelle à une souveraineté européenne à géométrie variable : des alliances industrielles régionales, entre pays qui partagent des intérêts et des capacits industrielles comparables. Il suggère que la France, l'Allemagne, l'Italie, la Pologne ou encore la Suède puissent s'engager dans des coopérations plus resserrées, sans attendre l'accord de l'ensemble des États membres.

L'ancrage local comme levier de réindustrialisation

La relocalisation repose in fine sur la mesure, l'engagement et la coopération. Chaque entreprise peut connaître l'origine de ses achats, estimer leur impact territorial, et redéployer progressivement ses flux vers des partenaires plus proches. Cette démarche suppose un changement culturel, mais aussi une capacité à traduire les objectifs de souveraineté en actions évaluables.


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