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Pourquoi revoir sa gestion de flottes avec le Total Cost of Behavior ?

Publié par Denica Tacheva le | Mis à jour le

Le Total Cost of Behavior® (TCB), méthode fondée sur l'analyse des usages nourrit un triple objectif. Réduire les surcoûts, engager les collaborateurs et améliorer la performance environnementale. Rencontre avec Yann Barbizet et Jérôme Fouque, confondateurs de Corporate mobilities;

En quoi le Total Cost of Behavior® (TCB) complète-t-il les approches classiques comme le TCO dans la gestion des mobilités ?

Yann Barbizet : Le TCB (Total Coast of Behavior®) permet d'aller au-delà du simple constat économique du TCO (Total Cost of Ownership) en plaçant les comportements au coeur de l'analyse. Là où le TCO s'arrête à des indicateurs techniques et contractuels tels que le prix d'achat, la maintenance ou le carburant, le TCB ajoute une lecture comportementale qui révèle des leviers d'optimisation autrement invisibles. Il permet notamment de repérer et corriger en continu des pratiques de surconsommation comme les réservations de dernière minute ou de sous-utilisation comme des abonnements dormants et des flottes sous-employées.

C'est aussi une approche globale et transversale selon la logique "People, Profit, Planet". En effet, on agit à la fois sur la performance économique avec une réduction des surcoûts et une meilleure utilisation des ressources, sur l'engagement des collaborateurs grâce à la clarté des règles et à la responsabilisation, et sur la performance environnementale en limitant les gaspillages et en améliorant l'efficacité carbone. Enfin, notre méthodologie repose sur quatre critères clés pour analyser un comportement : l'impact sur le coût réel, la fréquence, la concentration ou, autrement dit, le nombre de personnes concernées, et la changeabilité ce qui représente la facilité à faire évoluer ce comportement.

Jérôme Fouque : Le TCB est particulièrement bien accueilli par les acheteurs de grands groupes, car beaucoup d'entre eux ont déjà optimisé tout ce qui pouvait l'être dans leurs négociations avec les fournisseurs. Ils constatent cependant que, malgré des contrats bien négociés, les coûts continuent de grimper. Le TCB apporte une nouvelle marge de manoeuvre en ciblant les usages internes. Par exemple, un style de conduite souple ou une anticipation des besoins de déplacement peuvent avoir un impact très direct sur les coûts. Cela permet d'agir rapidement, sans attendre des cycles de renégociation contractuelle. De fait, le TCB rend les coûts comportementaux visibles, là où ils étaient auparavant noyés dans les reporting. C'est une approche concrète et actionnable.

Quels sont les comportements les plus fréquents des collaborateurs qui génèrent des surcoûts ?

Y. B. : Un exemple très parlant de comportement générateur de surcoûts, notamment dans la gestion de flotte, concerne les conduites agressives, comme les accélérations brutales, les freinages brusques ou l'usage du téléphone au volant. Cela génère plus de sinistres, une usure accrue des véhicules, une consommation de carburant plus élevée, et des frais de remise en état plus importants. Sur certaines missions, nous avons constaté que ces comportements pouvaient représenter 10 à 20 % du TCO.

Enfin, il y a des pratiques comme l'usage injustifié de carburants premium, ou l'existence d'abonnements sous-utilisés, et même des flottes mal dimensionnées, entraînant l'explosion des frais kilométriques en raison d'un recours excessif à l'indemnité kilométrique.

J. F. : Autre exemple à l'appui, c'est l'écart entre les réservations online et offline faites par son assistant, on parle alors d' "assisted booking" ou faites par le voyageur lui-même, on parle ici de "self booking". Un cas typique et documenté. Dès lors que l'on passe par un assistant pour effectuer une réservation, on perd en agilité et on paie plus cher, entre 10 et 12% en moyenne. Ce comportement est coûteux mais réversible. Le voyageur, mieux informé sur le contexte réel de son déplacement, choisira souvent des billets non modifiables ou moins chers, quand cela est pertinent. L'assistant aura tendance à retenir l'option la plus flexible "au cas où", sans réelle nécessité. Pour contrer cette habitude, il suffit de remettre la décision au voyageur, qui saura juger s'il a besoin d'une option flexible ou non. Ce changement d'usage est simple à mettre en oeuvre, et pourtant très rentable.

Quels outils et freins identifiez-vous dans l'adoption d'une gestion comportementale des mobilités ?

Y. B. : Les outils les plus répandus dans les entreprises sont les self-booking tools (SBT), intégrés aux systèmes de gestion de voyages tels que Concur ou Amadeus. Ils permettent d'intégrer les politiques voyages dans les réservations, de référencer les fournisseurs, de gérer les inventaires, et d'appliquer les tarifs négociés. Mais un des grands freins est la complexité perçue de ces outils B2B par rapport aux plateformes B2C que les collaborateurs utilisent à titre personnel. Le résultat c'est que certains préfèrent réserver en dehors du système. C'est ce qu'on appelle le leakage, en d'autres termes, des réservations faites hors cadre, qui échappent au contrôle de l'entreprise, notamment dans l'hôtellerie.

Sur la flotte, les outils de télématique embarquée ou digitale permettent de tracer les comportements de conduite, de remonter des données fines, et d'en déduire des pistes d'action. L'enjeu n'est pas la donnée, mais ce qu'on en fait. Grâce à la compréhension des facteurs de "changeabilité", on peut définir des plans d'action très concrets pour faire évoluer les pratiques.

J. F. : Pour être plus concret avec des chiffres, dans les grandes agences de voyage, le taux d'utilisation des outils de réservations online est de l'ordre de 80 %, mais cela varie selon les entreprises et les segments. En hôtellerie, l'adoption chute fortement, parfois jusqu'à 40 %. C'est là qu'on observe le plus de leakage et d'achats hors cadre.

Sur la télématique, on distingue deux types, l'embarquée, dans les véhicules, et la digitale via des applications. Ces outils existent, mais pour qu'ils aient un réel impact, il faut les accompagner d'une stratégie de changement d'usage. Ce n'est pas une question de technologie, mais de culture d'entreprise. Un bon exemple est celui des abonnements dormants : on paie pour un service, mais sans l'utiliser suffisamment. Cela génère un gaspillage invisible, qu'un pilotage comportemental peut corriger.

Pensez-vous que la réussite d'une démarche TCB passe aussi par une meilleure transparence sur les données et les indicateurs utilisés ?

Y. B. : En fait, ce qu'on observe, c'est que la donnée, elle existe souvent, mais elle est mal exploitée. Et ce manque de transparence, ou plutôt de lisibilité, génère une forme de distance, voire de défiance. On l'a vu, dès lors qu'on rend visible certains indicateurs, comme les émissions de CO2 par déplacement ou les écarts entre la politique définie et les comportements réels, ça change la donne. Ça permet de réengager les parties prenantes, notamment les collaborateurs. Et ça devient un outil de pilotage, pas de sanction. Donc oui, c'est crucial. Plus la donnée est lisible et contextualisée, plus elle est utile à la fois pour les RH, les achats, les responsables de flotte, et surtout pour les collaborateurs eux-mêmes.

J. F. : J'ajouterais que la transparence sur les données, c'est aussi une manière de crédibiliser la démarche. Si on veut que les gens adhèrent, il faut qu'ils comprennent où on en est, pourquoi on agit, et surtout, quel est leur impact personnel dans l'ensemble. Ce n'est pas juste des grands tableaux de chiffres, c'est comment on traduit tout cela dans des indicateurs parlants, qu'on peut relier à des actions concrètes. Et en plus, cela permet de valoriser les efforts individuels. Quand vous montrez qu'un changement de comportement a un effet mesurable, vous renforcez l'engagement.

Quels conseils donneriez-vous pour assurer l'adhésion du projet TCB sur le long terme ?

J. F. : On sous-estime beaucoup l'impact d'une formation bien ciblée, concrète et pratique. On parle souvent de reporting, de KPIs, de politiques, mais si la personne au quotidien ne sait pas pourquoi elle devrait faire différemment ou comment elle peut le faire concrètement, ça reste théorique. Par exemple, former un collaborateur à utiliser une borne électrique, c'est un détail, mais c'est ce genre de détail qui fait que le changement devient possible. Pareil sur les bonnes pratiques de réservation, ou même sur la compréhension de la travel policy. Donc oui, la pédagogie c'est un levier central, et surtout, c'est un levier d'adhésion.

Y. B. : Sans formation, on peut avoir les meilleurs outils du monde et ils ne seront pas utilisés correctement. La formation, c'est aussi ce qui permet de désamorcer les résistances, de répondre aux idées reçues. On l'a vu sur les sujets de véhicules électriques. Beaucoup de collaborateurs ont encore des freins liés à la méconnaissance. Quand on prend le temps d'expliquer, de montrer, parfois même de faire tester, les choses évoluent. Et c'est encore plus vrai si cette formation est intégrée dans un accompagnement global. C'est un levier clé, et il mérite sans doute plus d'investissements.