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Conflit d'intérêt : Pourquoi développer une culture commune de la responsabilité ?

Publié par Denica Tacheva le | Mis à jour le

Porté par les enjeux de transparence et de déontologie, le questionnement sur les pratiques d'achats mutualisés au-delà des procédures pointe que la vigilance locale et la culture partagée restent essentielles pour prévenir les risques éthiques et garantir l'intégrité des processus. Retour sur un webinaire organisé par le Resah le 26 juin sur les bonnes pratiques à mettre en place.

Peut-on considérer qu'un achat est " déontologiquement sécurisé " dès lors qu'il passe par un marché référencé par une centrale ? La question était abordée lors d'un webinaire organisé par le Resah le 26 juin. Derrière les sécurités procédurales offertes par une centrale d'achat, l'établissement reste seul maître à bord au moment du choix du titulaire. Un espace de liberté qui devient, par ricochet, un terrain fertile pour les risques déontologiques.

" Juridiquement, nous maîtrisons nos processus. Mais l'acheteur local reste responsable de ses choix ", rappelle Virginie Schirmer, directrice des affaires juridiques liées aux activités d'achat du Resah. La mise en oeuvre locale révèle une zone grise trop peu explorée, où les dispositifs de conformité peinent parfois à descendre jusqu'au niveau opérationnel. Un avertissement clair à ceux qui pourraient être tentés de se décharger intégralement sur les outils mutualisés.

Une zone grise entre marché et terrain

Camille Jacquard, directrice achats et logistique du GHT NOVO, observe sur le terrain que déléguer ne signifie pas relâcher la vigilance. Elle illustre ce point par des cas concrets : "Dans un premier cas, un technicien pousse avec insistance pour rejoindre un marché porté par une centrale. Sur le papier, tout semble conforme. Mais plusieurs éléments sèment le doute. L'agent suit régulièrement des formations financées par le fournisseur. Il intervient aussi dans des événements où les deux structures apparaissent comme partenaires." Ce n'est pas l'équipe achats qui donne l'alerte, mais la DRH, sensibilisée aux risques de conflits d'intérêts.

L'experte avance un autre scénario : "Lors du renouvellement d'un automate de laboratoire, l'établissement choisit une solution référencée via une centrale. L'équipement est bien livré, conforme au marché. Mais les consommables nécessaires à son fonctionnement ne sont pas inclus. Ils n'ont pas été budgétés. Mais ici, le surcoût est important. L'acheteur à l'origine du choix est par ailleurs membre actif d'une association professionnelle en lien avec le fournisseur."

Les achats mutualisés exigent une culture partagée pour prévenir les dérives

En effet, les situations ne pointent pas les failles des centrales elles-mêmes, mais rappellent que leur bon usage joue un rôle clé dans la professionnalisation et la mutualisation des achats publics. Mais elles ne peuvent se substituer à l'analyse de terrain, ni à l'alerte éthique.

" On ne peut pas tout encadrer par la procédure. Il faut que chaque acteur reste lucide sur les pratiques qui l'entourent ", souligne Camille Jacquard. " Le réflexe ne doit pas être la suspicion généralisée, mais l'attention constante. La frontière entre influence subtile et conflit d'intérêts réel est souvent mince." avertit l'experte. Certains établissements commencent à structurer leur vigilance par la création de comités de déontologie, diffusion de formulaires de prévention, coordination renforcée entre la direction des achats et les autres fonctions support. Mais sans une culture partagée, ces outils restent peu efficaces.

" La déontologie ne s'externalise pas ", insiste Virginie Schirmer. Derrière les lignes budgétaires et les appels d'offres, c'est une véritable culture de responsabilité qui est en jeu. Activer un marché ne suffit pas. Il faut aussi en maîtriser les usages, interroger les pratiques, et surtout, ne pas renoncer à exercer son esprit critique, même lorsque le cadre semble sécurisé.